Achille de Harlay (1639-1712), a great-nephew of the celebrated magistrate of the same name who was Chancellor to Henri III, was appointed First President of the Paris Parlement in 1689. Saint-Simon was violently prejudiced against him on account of the partiality which he believed him to have shewn to the Duc de Luxembourg in his case against his fellow ducs et pairs (see Introduction). He returns to the charge in vol. V. with an even more furious attack, and a report of some of his malicious sayings (pp. 166-171). See for a judicial estimate of his character based on contemporary evidence Boislisle, XIV. 371, n. 2, and 617-622. The truth seems to be that with great capacity and perfect integrity he had a malicious and biting tongue and the reputation of being a Tartuffe. Harlay Étoit fils d’un autre procureur gÉnÉral du Parlement et d’une BelliÈvre, duquel le grand-pÈre fut ce fameux Achille d’Harlay, premier prÉsident du Parlement aprÈs ce cÉlÈbre Christophle de Thou, son beau-pÈre, lequel Étoit pÈre de ce fameux historien. Issu de ces grands magistrats, Harlay en eut toute la gravitÉ, qu’il outra en cynique, en affecta le dÉsintÉressement et la modestie, qu’il dÉshonora l’une par sa conduite, l’autre par un orgueil raffinÉ, mais extrÊme, et qui, malgrÉ lui, sautoit aux yeux. Il se piqua surtout de probitÉ et de justice, dont le masque tomba bientÔt. Entre Pierre et Jacques il conservoit la plus exacte droiture; mais dÈs qu’il apercevoit un intÉrÊt ou une faveur À mÉnager, tout aussitÔt il Étoit vendu. La suite de ces MÉmoires en pourra fournir des exemples; en attendant, ce procÈs-ci le manifesta À dÉcouvert. Il Étoit savant en droit public, il possÉdoit fort le fond des diverses jurisprudences, il Égaloit les plus versÉs aux belles-lettres, il connoissoit bien l’histoire, et savoit surtout gouverner sa compagnie avec une autoritÉ qui ne Pour l’extÉrieur, un petit homme vigoureux et maigre, un visage en losange, un nez grand et aquilin, des yeux beaux, parlants, perÇants, qui ne regardoient qu’À la dÉrobÉe, mais qui, fixÉs sur un client ou sur un magistrat, Étoient pour le faire rentrer en terre; un habit peu ample, un rabat presque d’ecclÉsiastique, et des manchettes plates, comme eux, une perruque fort brune et fort mÊlÉe de blanc, touffue, mais courte, avec une grande calotte par-dessus. Il se tenoit et marchoit un peu courbÉ, avec un faux air plus humble que modeste, et rasoit toujours les murailles pour se faire faire place avec plus de bruit, et n’avanÇoit qu’À force de rÉvÉrences respectueuses et comme honteuses À droite et À gauche, À Versailles[193]. 2. MME DE CASTRIESMarie-Elisabeth de Vivonne, daughter of Louis-Victor de Rochechouart, Duc de Vivonne, the brother of Mme de Montespan, and wife of the Marquis de Castries. She died in 1718. Mme de Castries Étoit un quart de femme, une espÈce de biscuit manquÉ, extrÊmement petite, mais bien prise, et auroit passÉ dans un mÉdiocre anneau: ni derriÈre, ni gorge, ni menton, fort laide, l’air toujours en peine et ÉtonnÉ; avec cela une physionomie qui Éclatoit d’esprit et qui tenoit encore plus parole. Elle savoit tout: histoire, philosophie, mathÉmatiques, langues savantes, et jamais il ne paroissoit qu’elle sÛt mieux que parler franÇois; mais son parler avoit une justesse, une Énergie, une Éloquence, une grÂce jusque dans les choses les plus communes, avec ce tour unique qui n’est propre qu’aux Mortemarts. Aimable, amusante, gaie, sÉrieuse, toute À tous, charmante quand elle vouloit plaire, plaisante naturellement, avec la derniÈre finesse, sans la vouloir Être, et assÉnant aussi les ridicules À ne les jamais oublier; glorieuse, choquÉe de mille choses, avec un ton plaintif qui emportoit la piÈce, cruellement mÉchante quand il lui plaisoit, et fort bonne amie, polie, gracieuse, obligeante en gÉnÉral; sans aucune galanterie, mais dÉlicate sur l’esprit, et amoureuse de l’esprit oÙ elle le trouvoit À son grÉ; avec cela un talent de raconter qui charmoit, et quand elle vouloit faire un roman sur-le-champ, une source de production, de variÉtÉ et d’agrÉment qui Étonnoit. Avec sa gloire, elle se croyoit bien mariÉe, par l’amitiÉ qu’elle eut pour son mari: elle l’Étendit sur tout ce qui lui appartenoit, et elle Étoit aussi glorieuse pour lui que pour elle; elle en recevoit le rÉciproque et toutes sortes d’Égards et de respects[194]. 3. LE NOSTREAndrÉ le Nostre (1613-1700) attracted the notice of LouisXIV by his great work at Vaux-le-Vicomte, the princely residence of Fouquet. Among the famous gardens designed by him were Versailles, the Tuileries, Trianon, the terrace of Saint-Germain, Saint-Cloud, and Chantilly. Dr Martin Lister visited him in 1698 and found him "quick and lively[195]." Le Nostre mourut presque en mÊme temps, aprÈs avoir vÉcu quatre-vingt-huit ans dans une santÉ parfaite, sa tÊte et toute la justesse et le bon goÛt de sa capacitÉ, illustre pour avoir le premier donnÉ les divers dessins de ces beaux jardins qui dÉcorent la France, et qui ont tellement effacÉ la rÉputation de ceux d’Italie, qui en effet ne sont plus rien en comparaison, que les plus fameux maÎtres en ce genre viennent d’Italie apprendre et admirer ici. Le Nostre avoit une probitÉ, une exactitude et une droiture qui le faisoit estimer et aimer de tout le monde. Jamais il ne sortit de son État ni ne se mÉconnut, et fut toujours parfaitement dÉsintÉressÉ. Il travailloit pour les particuliers comme pour le Roi, et avec la mÊme application, ne cherchoit qu’À aider la nature, et À rÉduire le vrai beau aux moins de frais qu’il pouvoit. Il avoit une naÏvetÉ et une vÉritÉ charmante. Le Pape pria le Roi de le lui prÊter pour quelques mois; en entrant dans la chambre du Pape, au lieu de se mettre À genoux, il courut À lui: “Eh! bonjour, lui dit-il, mon RÉvÉrend PÈre, en lui sautant au col, et l’embrassant et le baisant des deux cÔtÉs; eh! que vous avez bon visage, et que je suis aise de vous voir, et en si bonne santÉ!” Le Pape, qui Étoit ClÉment X, Altieri, se mit À rire de tout son coeur; il fut ravi de cette bizarre entrÉe, et lui fit mille amitiÉs. A son retour, le Roi le mena dans ses jardins de Versailles, oÙ il lui montra ce qu’il y avoit fait depuis son absence. A la colonnade, il ne disoit mot; le Roi le pressa d’en dire son avis: “Eh bien! Sire, que voulez-vous que je vous dise? d’un maÇon vous avez fait un jardinier (c’Étoit Mansart), il vous a donnÉ un plat de son mÉtier.” 4. VENDÔMELouis-Joseph, Duc de VendÔme (1654-1712), was the grandson of CÉsar, Duc de VendÔme, the son of Henri IV and Gabrielle d’EstrÉes. Having distinguished himself at Steinkirk and in Piedmont, he was given the command of the army of Catalonia (1695) and the capture of Barcelona by his troops was an important factor in bringing about the peace of Ryswick (1697). In the war of the Spanish Succession he was less successful, but on being sent as general to Spain in 1710 he restored the fallen fortunes of Philip V. Saint-Simon is blinded by prejudice to his very real military talent. His soldiers adored him. See Voltaire, Le siÈcle de LouisXIV, pp. 209-210, and Boislisle, XIII. 564-567. Il Étoit d’une taille ordinaire pour la hauteur, un peu gros, mais vigoureux, fort et alerte; un visage fort noble et l’air haut, de la grÂce naturelle dans le maintien et dans Sa paresse Étoit À un point qui ne se peut concevoir. Il a pensÉ Être enlevÉ plus d’une fois pour s’Être opiniÂtrÉ dans un logement plus commode, mais trop ÉloignÉ, et risquÉ les succÈs de ses campagnes, donnÉ mÊme des avantages considÉrables À l’ennemi, par ne se pouvoir rÉsoudre À quitter un camp oÙ il se trouvoit logÉ À son aise. Il voyoit peu À l’armÉe par lui-mÊme; il s’en fioit À ses familiers, que trÈs souvent encore il n’en croyoit pas. Sa journÉe, dont il ne pouvoit troubler l’ordre ordinaire, ne lui permettoit guÈre de faire autrement. Sa saletÉ Étoit extrÊme; il en tiroit vanitÉ: les sots le trouvoient un homme simple. Il Étoit plein de chiens et de chiennes dans son lit, qui y faisoient leurs petits À ses cÔtÉs. Lui-mÊme ne s’y contraignoit de rien. Une de ses thÈses Étoit que 5. VAUBANSÉbastien Le Prestre, Seigneur de Vauban (1633-1707), was rewarded in 1703 with a marshal’s bÂton for his great services as a military engineer. He was equally skilled in the art of fortifying towns and in that of besieging them. Vauban s’appeloit le Prestre, petit gentilhomme de Bourgogne tout au plus, mais peut-Être le plus honnÊte homme et le plus vertueux de son siÈcle, et avec la plus grande rÉputation du plus savant homme dans l’art des siÈges et de la fortification, le plus simple, le plus vrai et le plus modeste. C’Étoit un homme de mÉdiocre taille, assez trapu, qui avoit fort l’air de guerre, mais en mÊme temps un extÉrieur rustre et grossier, pour ne pas dire brutal et fÉroce. Il n’Étoit rien moins; jamais homme plus doux, plus compatissant, plus obligeant, mais respectueux sans nulle politesse, et le plus avare mÉnager de la vie des hommes, avec une valeur qui prenoit tout sur soi et donnoit tout aux autres. Il est inconcevable qu’avec tant de droiture et de franchise, incapable de se prÊter À rien de faux ni de mauvais, il ait pu gagner au point qu’il fit l’amitiÉ et la confiance de Louvois et du Roi. Ce prince s’Étoit ouvert À lui, un an auparavant, de la volontÉ qu’il avoit de le faire marÉchal de France: Vauban l’avoit suppliÉ de faire rÉflexion que cette dignitÉ n’Étoit point faite pour un homme de son État, qui ne pouvoit jamais commander ses armÉes, et qui les jetteroit dans l’embarras si, faisant un siÈge, le gÉnÉral se trouvoit moins ancien marÉchal de France que lui. Un refus si gÉnÉreux, et appuyÉ de raisons que la seule vertu fournissoit, augmenta encore le desir du Roi de la couronner. Vauban avoit fait cinquante-trois siÈges en chef, dont une vingtaine en prÉsence du Roi, qui crut se faire marÉchal On a vu quel Étoit Vauban, À l’occasion de son ÉlÉvation À l’office de marÉchal de France. Maintenant nous l’allons voir rÉduit au tombeau par l’amertume de la douleur, pour cela mÊme qui le combla d’honneur, et qui ailleurs qu’en France lui eÛt tout mÉritÉ et acquis. Patriote comme il l’Étoit, il avoit toute sa vie ÉtÉ touchÉ de la misÈre du peuple et de toutes les vexations qu’il souffroit. La connoissance que ses emplois lui donnoient de la nÉcessitÉ des dÉpenses, et du peu d’espÉrance que le Roi fÛt pour retrancher celles de splendeur et d’amusements, le faisoit gÉmir de ne voir point de remÈde À un accablement qui augmentoit son poids de jour en jour. Dans cet esprit, il ne fit point de voyage, et il traversoit souvent le royaume de tous les biais, qu’il ne prÎt partout des informations exactes sur la valeur et le produit des terres, sur la sorte de commerce et d’industrie des provinces et des villes, sur la nature et l’imposition des levÉes, sur la maniÈre de les percevoir. Non content de ce qu’il pouvoit voir et faire par lui-mÊme, il envoya secrÈtement partout oÙ il ne pouvoit aller, et mÊme oÙ il avoit ÉtÉ et oÙ il devoit aller, pour Être instruit de tout, et comparer les rapports avec ce qu’il auroit connu par lui-mÊme. Les vingt derniÈres annÉes de sa vie au moins furent employÉes À ces recherches, auxquelles il dÉpensa beaucoup. Il les vÉrifia souvent, avec toute l’exactitude et la justesse qu’il y put apporter, et il excelloit en ces deux qualitÉs. Enfin il se convainquit que les terres Étoient le seul bien solide, et il se mit À travailler À un nouveau systÈme. En mÊme temps, Vauban, toujours appliquÉ À son ouvrage, vit celui-ci avec attention, et quelques autres du mÊme auteur qui le suivirent; de lÀ il voulut entretenir Boisguilbert vouloit laisser quelques impÔts sur le commerce Étranger et sur les denrÉes À la maniÈre de Hollande, et s’attachoit principalement À Ôter les plus odieux, et surtout les frais immenses, qui, sans entrer dans les coffres du Roi, ruinoient les peuples À la discrÉtion des traitants et de leurs employÉs, qui s’y enrichissoient sans mesure, comme cela est encore aujourd’hui et n’a fait qu’augmenter sans avoir jamais cessÉ depuis. Vauban, d’accord sur ces suppressions, passoit jusqu’À celle des impÔts mÊmes: il prÉtendoit n’en laisser qu’un unique, et avec cette simplification remplir Également leurs vues communes sans tomber en aucun inconvÉnient. Il avoit l’avantage sur Boisguilbert de tout ce qu’il avoit examinÉ, pesÉ, comparÉ et calculÉ lui-mÊme, en ses divers voyages, depuis vingt ans, de ce qu’il avoit tirÉ du travail de ceux que, dans le mÊme esprit, il avoit envoyÉs depuis plusieurs annÉes en diverses provinces, toutes choses que Boisguilbert, sÉdentaire À Rouen, n’avoit pu se proposer, et l’avantage encore de se rectifier par les lumiÈres et les ouvrages de celui-ci; par quoi il avoit raison de se flatter de le surpasser en exactitude et en justesse, base fondamentale de pareille besogne. Vauban donc abolissoit toutes sortes d’impÔts auxquels il en substituoit un unique, divisÉ en deux branches, auxquelles il donnoit le nom de dÎme royale: l’une sur les terres, par un dixiÈme de leur produit; l’autre lÉger, par estimation, sur le commerce et l’industrie, qu’il estimoit devoir Être encouragÉs l’un et l’autre, bien loin d’Être accablÉs. Il prescrivoit des rÈgles trÈs simples, trÈs sages et trÈs faciles pour la levÉe et la perception de ces deux droits, suivant la valeur de chaque terre, et par rapport au nombre d’hommes sur lequel on peut compter avec le plus d’exactitude dans l’Étendue du royaume. Il ajouta la comparaison de la rÉpartition Mais ce livre avoit un grand dÉfaut: il donnoit À la vÉritÉ au Roi plus qu’il ne tiroit par les voies jusqu’alors pratiquÉes, il sauvoit aussi les peuples de ruine et de vexations, et les enrichissoit en leur laissant tout ce qui n’entroit point dans les coffres du Roi, À peu de choses prÈs; mais il ruinoit une armÉe de financiers, de commis, d’employÉs de toute espÈce, il les rÉduisoit À chercher À vivre À leurs dÉpens, et non plus À ceux du public, et il sapoit par les fondements ces fortunes immenses qu’on voit naÎtre en si peu de temps. C’Étoit dÉjÀ de quoi Échouer. Mais le crime fut qu’avec cette nouvelle pratique tomboit l’autoritÉ du contrÔleur gÉnÉral, sa faveur, sa fortune, sa toute-puissance, et, par proportion, celles des intendants des finances, des intendants de provinces, de leurs secrÉtaires, de leurs commis, de leurs protÉgÉs, qui ne pouvoient plus faire valoir leur capacitÉ et leur industrie, leurs lumiÈres et leur crÉdit, et qui de plus tomboient du mÊme coup dans l’impuissance de faire du bien ou du mal À personne. Il n’est donc pas surprenant que tant de gens si puissants en tout genre, À qui ce livre arrachoit tout des mains, ne conspirassent contre un systÈme si utile À l’État, si heureux pour le Roi, si avantageux aux peuples du royaume, mais si ruineux pour eux. La robe entiÈre en rugit pour son intÉrÊt: elle est la modÉratrice des impÔts par les places qui en regardent toutes les sortes d’administration, et qui lui sont affectÉes privativement À tous Les liens du sang fascinÈrent les yeux aux deux gendres de M. Colbert[203], de l’esprit et du gouvernement duquel ce livre s’Écartoit fort, et furent trompÉs par les raisonnements vifs et captieux de Desmaretz[204], dans la capacitÉ duquel ils avoient toute confiance, comme au disciple unique de Colbert son oncle, qui l’avoit ÉlevÉ et instruit; Chamillart, si doux, si amoureux du bien, et qui n’avoit pas, comme on l’a vu, nÉgligÉ de travailler avec Boisguilbert, tomba sous la mÊme sÉduction de Desmaretz. Le Chancelier, qui se sentoit toujours d’avoir ÉtÉ, quoique malgrÉ lui, contrÔleur gÉnÉral des finances, s’emporta. En un mot, il n’y eut que les impuissants et les dÉsintÉressÉs pour Vauban et Boisguilbert, je veux dire l’Église et la noblesse; car pour les peuples, qui y gagnoient tout, ils ignorÈrent qu’ils avoient touchÉ À leur salut, que les bons bourgeois seuls dÉplorÈrent. Ce ne fut donc pas merveilles si le Roi, prÉvenu et investi de la sorte, reÇut trÈs mal le marÉchal de Vauban lorsqu’il lui prÉsenta son livre[205], qui lui Étoit adressÉ dans tout le contenu de l’ouvrage. On peut juger si les ministres À qui il le prÉsenta lui firent un meilleur accueil. De ce moment, ses services, sa capacitÉ militaire, unique en son genre, ses vertus, l’affection que le Roi y avoit mise, jusqu’À croire se couronner de lauriers en l’Élevant, tout disparut À l’instant À ses yeux: il ne vit plus en lui qu’un insensÉ pour l’amour du public, et qu’un criminel qui attentoit À l’autoritÉ de ses ministres, par consÉquent À la sienne; il s’en expliqua de la sorte sans mÉnagement. L’Écho en retentit plus aigrement encore dans toute la nation offensÉe, qui abusa sans aucun mÉnagement de sa 6. D’ANTINLouis-Antoine de Pardaillan de Gondrin, Marquis and afterwards Duc d’Antin (1665-1736), was the son of M. and Mme de Montespan. He was the type of a perfect courtier, but it was not till 1707, after paying court assiduously for twenty-five years, that he succeeded in winning the favour of LouisXIV who conferred on him the governorship of Orleans. “Me voilÀ dÉgelÉ!” On the death of J.-H. Mansard he became Superintendent of the royal buildings. See XII. 239, and Sainte-Beuve, Caus. du Lundi, V. 478 ff. NÉ avec beaucoup d’esprit naturel, il tenoit de ce langage charmant de sa mÈre et du gascon de son pÈre, mais avec un tour et des grÂces naturelles qui prÉvenoient toujours. Beau comme le jour Étant jeune, il en conserva de grands restes jusqu’À la fin de sa vie, mais une beautÉ mÂle et une physionomie d’esprit. Personne n’avoit ni plus d’agrÉments, de mÉmoire, de lumiÈre, de connoissance des hommes et de chacun, d’art et de mÉnagement pour savoir les prendre, plaire, s’insinuer, et parler toutes sortes de langages; beaucoup de connoissances et des talents sans nombre, qui le rendoient propre À tout, avec quelque lecture. Un corps robuste, et qui sans peine fournissoit À tout, rÉpondoit au gÉnie, et quoique peu À peu devenu fort gros, il ne lui refusoit ni veilles ni fatigues. Brutal par tempÉrament, doux, poli par jugement, accueillant, empressÉ À plaire, jamais il ne lui arrivoit de dire mal de Sa servitude fut extrÊme À l’Égard des enfants de sa mÈre, sa patience infinie aux rebuts. On a vu celui qu’ils essuyÈrent pour lui, lorsqu’À la mort de son pÈre ils demandÈrent tous au Roi de le faire duc, et si le dÉnouement qui se verra bientÔt n’eÛt dÉcouvert ce qui avoit rendu tant d’annÉes et de ressorts inutiles, on ne pourrait le concevoir. On a vu comment sa mÈre lui fit quitter solennellement le jeu en lui assurant une pension de dix mille Une autre fois, M. le prince de Conti, qui ne l’aimoit pas, À cause de M. du Maine et de M. de VendÔme[210], visitoit des postes À je ne sais plus quel siÈge, et trouva d’Antin dans un assez avancÉ. Le voilÀ À faire ses grands rires, qui lui cria: “Comment, d’Antin, te voilÀ ici et tu n’es pas encore mort!” Cela fut avalÉ avec tranquillitÉ, et sans changer de conduite avec ces deux princes, qu’il voyoit trÈs familiÈrement. La Feuillade[211], fort envieux et Il faut convenir que c’Étoit grand dommage qu’il eÛt un dÉfaut si infamant, sans lequel on eÛt peut-Être difficilement trouvÉ un homme plus propre que lui À commander les armÉes: il avoit les vues vastes, justes, exactes, de grandes parties de gÉnÉral, un talent singulier pour les marches, les dÉtails de troupes, de fourrages, de subsistances, pour tout ce qui fait le meilleur intendant d’armÉe, pour la discipline, sans pÉdanterie et allant droit au but et au fait, une soif d’Être instruit de tout, qui lui donnoit une peine infinie et lui coÛtoit cher en espions. Ces qualitÉs le rendoient extrÊmement commode À un gÉnÉral d’armÉe; le marÉchal de Villeroy et M. de VendÔme s’en sont trÈs utilement servis. Il avoit toujours un dessinateur ou deux, qui prenoient tant qu’ils pouvoient les plans des pays, des marches, des camps, des fourrages et de ce 7. LE PRINCE DE CONTIFranÇois-Louis de Bourbon (1664-1709), younger son of Armand, Prince de Conti, and nephew of the great CondÉ, inherited his father’s title on the death of his elder brother in 1685. He fought with distinction at Fleurus, Steinkirk, and Neerwinden. In 1697 he was elected King of Poland, but, being unable to maintain himself against his rival the Elector of Saxony, he renounced his claim and returned to France. LouisXIV, who was jealous of his brilliance and capacity, regarded him with disfavour, but just before his last illness he was appointed to the command of the army in Flanders. He married his cousin, a daughter of Henri-Jules, Prince de CondÉ. Sa figure avoit ÉtÉ charmante; jusqu’aux dÉfauts de son corps et de son esprit avoient des grÂces infinies; des Épaules trop hautes, la tÊte un peu penchÉe de cÔtÉ, un rire qui eÛt tenu du braire dans un autre, enfin une distraction Étrange. Galant avec toutes les femmes, amoureux de plusieurs, bien traitÉ de beaucoup, il Étoit encore coquet avec tous les hommes: il prenoit À tÂche de plaire au cordonnier, au laquais, au porteur de chaise, comme au ministre d’État, au grand seigneur, au gÉnÉral d’armÉe, et si naturellement que le succÈs en Étoit certain. Il fut aussi les constantes dÉlices du monde, de la cour, des armÉes, la divinitÉ du peuple, l’idole des soldats, le hÉros des officiers, l’espÉrance de ce qu’il y avoit de plus distinguÉ, l’amour du Parlement, l’ami avec discernement des savants, et souvent l’admiration de la Sorbonne, des jurisconsultes, des astronomes et des mathÉmaticiens les plus profonds. C’Étoit un trÈs bel esprit, lumineux, juste, exact, vaste, Étendu, d’une lecture infinie, qui n’oublioit rien, qui possÉdoit les histoires gÉnÉrales et particuliÈres, qui connoissoit les gÉnÉalogies, leurs chimÈres et leurs rÉalitÉs, qui savoit oÙ il avoit appris chaque chose et chaque fait, qui en discernoit les sources, et qui retenoit et jugeoit de mÊme tout ce que la conversation lui avoit appris, sans confusion, sans mÉlange, sans mÉprise, avec une singuliÈre nettetÉ[213]. Chez lui l’utile et le futile, l’agrÉable et le savant, tout Étoit distinct et en sa place. Il avoit des amis: il savoit les choisir, les cultiver, les visiter, vivre avec eux, se mettre À leur niveau sans hauteur et sans bassesse. Il avoit aussi des amies indÉpendamment d’amour; il en fut accusÉ de plus d’une sorte, et c’Étoit un de ses prÉtendus rapports avec CÉsar. Doux jusqu’À Être complaisant dans le commerce, extrÊmement poli, mais d’une politesse distinguÉe selon le rang, l’Âge, le mÉrite, et mesurÉ avec tous, il ne dÉroboit rien À personne; il rendoit tout ce que les princes du sang doivent, et qu’ils ne rendent plus; il s’en expliquoit mÊme et sur leurs usurpations et sur l’histoire des usages et de leurs altÉrations. L’histoire des livres et des conversations lui fournissoit de quoi placer, avec un art imperceptible, ce qu’il pouvoit de plus obligeant sur la naissance, les emplois, les actions. Son esprit Étoit naturel, brillant, vif, ses reparties promptes, plaisantes, jamais blessantes, le gracieux rÉpandu partout, sans affectation; avec toute la futilitÉ du monde, de la cour, des femmes, et leur langage avec elles, l’esprit solide et infiniment Cet homme si aimable, si charmant, si dÉlicieux, n’aimoit rien. Il avoit et vouloit des amis, comme on veut et qu’on a des meubles. Encore qu’il se respectÂt, il Étoit bas courtisan; il mÉnageoit tout, et montroit trop combien il sentoit ses besoins en tous genres de choses et d’hommes; avare, avide de bien, ardent, injuste. Le Roi Étoit vÉritablement peinÉ de la considÉration qu’il ne pouvoit lui refuser, et qu’il Étoit exact À n’outrepasser pas d’une ligne. Il ne lui avoit jamais pardonnÉ son voyage d’Hongrie[217]. Les lettres interceptÉes qui lui avoient ÉtÉ Écrites et qui avoient perdu les Écrivains, quoique fils de favoris, avoient allumÉ une haine dans Mme de Maintenon et une indignation dans le Roi que rien n’avoit pu effacer. Les vertus, les talents, les agrÉments, la grande rÉputation que ce prince s’Étoit acquise, l’amour gÉnÉral qu’il s’Étoit conciliÉ lui Étoient tournÉs en crimes. Le contraste de M. du Maine excitoit un dÉpit journalier dans sa gouvernante et dans son tendre pÈre, qui leur Échappoit malgrÉ eux. Enfin la puretÉ de son sang, le seul qui ne fut point mÊlÉ avec la bÂtardise, Étoit un autre dÉmÉrite qui se faisoit sentir À tous moments. Jusqu’À ses amis Étoient odieux, et le sentoient. Toutefois, malgrÉ la crainte servile, les courtisans mÊmes aimoient À s’approcher de ce prince: on Étoit flattÉ d’un accÈs familier auprÈs de lui; le monde le plus important, le plus choisi, le couroit; jusque dans le salon de Marly il Étoit environnÉ du plus exquis; il y tenoit des Jamais homme n’eut tant d’art cachÉ sous une simplicitÉ si naÏve, sans quoi que ce soit d’affectÉ en rien. Tout en lui couloit de source; jamais rien de tirÉ, de recherchÉ; rien ne lui coÛtoit. On n’ignoroit pas qu’il n’aimoit rien, ni ses autres dÉfauts; on les lui passoit tous, et on l’aimoit vÉritablement, quelquefois jusqu’À se le reprocher, toujours sans s’en corriger[218]. 8. LE DUC ET LA DUCHESSE DE BOURGOGNEMarie-AdelaÏde of Savoy, grand-daughter of Monsieur and Henrietta of England, came to France in 1696 shortly before her eleventh birthday, and was married to the Duc de Bourgogne a year later. She died of measles on February 12, 1712. There is a good bust of her by Coysevox at Versailles. Jamais princesse arrivÉe si jeune ne vint si bien instruite, et ne sut mieux profiter des instructions qu’elle avoit reÇues. Son habile pÈre qui connoissoit À fond notre cour, la lui avoit peinte, et lui avoit appris la maniÈre unique de s’y rendre heureuse. Beaucoup d’esprit naturel RÉguliÈrement laide, les joues pendantes, le front trop avancÉ, un nez qui ne disoit rien, de grosses lÈvres mordantes, des cheveux et des sourcils chÂtain brun, fort bien plantÉs, des yeux les plus parlants et les plus beaux du monde, peu de dents et toutes pourries, dont elle parloit et se moquoit la premiÈre, le plus beau teint et la plus belle peau, peu de gorge, mais admirable, le cou long, avec un soupÇon de goÎtre qui ne lui seyoit point mal, un port de tÊte galant, gracieux, majestueux, et le regard de mÊme, le sourire le plus expressif, une taille longue, ronde, menue, aisÉe, parfaitement coupÉe, une marche de dÉesse sur les nuÉes. Elle plaisoit au dernier point; les grÂces naissoient d’elles-mÊmes de tous ses pas, de toutes ses maniÈres, et de ses discours les plus communs. Un air simple et naturel toujours, naÏf assez souvent, mais assaisonnÉ d’esprit, charmoit, avec cette aisance qui Étoit en elle jusqu’À la communiquer À tout ce qui l’approchoit. Elle vouloit plaire mÊme aux personnes les plus inutiles et les plus mÉdiocres, sans qu’elle parÛt le rechercher. On Étoit tentÉ de la croire toute et uniquement À celles avec qui elle se trouvoit. Sa gaietÉ, jeune, vive, active, animoit tout, et sa lÉgÈretÉ de nymphe la portoit partout, comme un tourbillon qui remplit plusieurs lieux À la fois, et qui y donne le mouvement et la vie. Elle ornoit tous En public, sÉrieuse, mesurÉe, respectueuse avec le Roi, et en timide biensÉance avec Mme de Maintenon, qu’elle n’appeloit jamais que ma tante, pour confondre joliment le rang et l’amitiÉ; en particulier, causante, sautante, voltigeante autour d’eux, tantÔt perchÉe sur le bras du fauteuil de l’un ou de l’autre, tantÔt se jouant sur leurs genoux, elle leur sautoit au col, les embrassoit, les baisoit, les caressoit, les chiffonnoit, leur tiroit le dessous du menton, les tourmentoit, fouilloit leurs tables, leurs papiers, leurs lettres, les dÉcachetoit, les lisoit quelquefois malgrÉ eux, selon qu’elle les voyoit en humeur d’en rire, et parlant quelquefois dessus; admise À tout, À la rÉception des courriers qui apportoient les nouvelles les plus importantes, entrant chez le Roi À toute heure, mÊme des moments pendant le conseil, utile et fatale aux ministres mÊmes, mais toujours portÉe À obliger, À servir, À excuser, À bien faire, À moins qu’elle ne fÛt violemment poussÉe contre quelqu’un, comme elle fut contre Pontchartrain, Avec toute cette galanterie, jamais femme ne parut se soucier moins de sa figure, ni y prendre moins de prÉcaution et de soin: sa toilette Étoit faite en un moment; le peu mÊme qu’elle duroit n’Étoit que pour la cour. Elle ne se soucioit de parure que pour les bals et les fÊtes, et ce qu’elle en prenoit en tout autre temps, et le moins encore qu’il lui Étoit possible, n’Étoit que par complaisance pour le Roi. Avec elle s’ÉclipsÈrent joie, plaisirs, amusements mÊmes, et toutes espÈces de grÂces; les tÉnÈbres couvrirent toute la surface de la cour. Elle l’animoit toute entiÈre; elle en remplissoit tous les lieux À la fois; elle y occupoit tout, elle en pÉnÉtroit tout l’intÉrieur; si la cour subsista aprÈs elle, ce ne fut plus que pour languir. Jamais princesse si regrettÉe, jamais il n’en fut si digne de l’Être. Aussi les regrets n’en ont-ils pu passer, et l’amertume involontaire et secrÈte en est constamment demeurÉe, avec un vuide affreux qui n’a pu Être diminuÉ. Monseigneur le Dauphin, malade et navrÉ de la plus intime et de la plus amÈre douleur, ne sortit point de son appartement, oÙ il ne voulut voir que Monsieur son frÈre, son confesseur, et le duc de Beauvillier, qui malade depuis sept ou huit jours dans sa maison de la ville, fit un effort pour sortir de son lit, pour aller admirer dans son pupille tout ce que Dieu y avoit mis de grand, qui ne parut jamais Le samedi matin 13 fÉvrier, ils le pressÈrent de s’en aller À Marly, pour lui Épargner l’horreur du bruit qu’il pouvoit entendre sur sa tÊte, oÙ la Dauphine Étoit morte. Il sortit À sept heures du matin, par une porte de derriÈre de son appartement, oÙ il se jeta dans une chaise bleue qui le porta À son carrosse. Il trouva, en entrant dans l’une et dans l’autre, quelques courtisans plus indiscrets encore qu’ÉveillÉs, qui lui firent leur rÉvÉrence, et qu’il reÇut avec un air de politesse. Ces trois menins[222] vinrent dans son carrosse avec lui. Il descendit À la chapelle, entendit la messe, d’oÙ il se fit porter en chaise À une fenÊtre de son appartement, par oÙ il entra. Mme de Maintenon y vint aussitÔt: on peut juger quelle fut l’angoisse de cette entrevue; elle ne put y tenir longtemps, et s’en retourna. Il lui fallut essuyer princes et princesses, qui par discrÉtion n’y furent que des moments, mÊme Mme la duchesse de Berry et Mme de Saint-Simon avec elle, vers qui le Dauphin se tourna avec un air expressif de leur commune douleur. Il demeura quelque temps seul avec M. le duc de Berry. Le rÉveil du Roi approchant, ses trois menins entrÈrent, et j’hasardai d’entrer avec eux. Il me montra qu’il s’en apercevoit, avec un air de douceur et d’affection qui me pÉnÉtra; mais je fus ÉpouvantÉ de son regard, Également contraint, fixe, avec quelque chose de farouche, du changement de son visage, et des marques plus livides que rougeÂtres que j’y remarquai en assez grand nombre et assez larges, et dont ce qui Étoit dans la chambre s’aperÇut comme moi. Il Étoit debout, et peu d’instants aprÈs on le vint avertir que le Roi Étoit ÉveillÉ. Les larmes, qu’il retenoit, lui rouloient dans les yeux. The disquieting symptoms which Saint-Simon had noticed in the Duc de Bourgogne rapidly developed into an attack of measles, which proved fatal on February 18, six days after the death of his wife. Ce prince, hÉritier nÉcessaire, puis prÉsomptif, de la couronne, naquit terrible, et sa premiÈre jeunesse fit trembler. Dur et colÈre jusqu’aux derniers emportements, et jusque contre les choses inanimÉes; impÉtueux avec fureur, incapable de souffrir la moindre rÉsistance, mÊme des heures et des ÉlÉments, sans entrer en des fougues À faire craindre que tout ne se rompÎt dans son corps; opiniÂtre À l’excÈs; passionnÉ pour toute espÈce de voluptÉ, et des femmes, et ce qui est rare À la fois, avec un autre penchant tout aussi fort. Il n’aimoit pas moins le vin, la bonne chÈre, la chasse avec fureur, la musique avec une sorte de ravissement, et le jeu encore, oÙ il ne pouvoit supporter d’Être vaincu, et oÙ le danger avec lui Étoit extrÊme. Enfin livrÉ À toutes les passions et transportÉ de tous les plaisirs; souvent farouche, naturellement portÉ À la cruautÉ; barbare en railleries et À produire les ridicules Il Étoit plutÔt petit que grand, le visage long et brun, le haut parfait, avec les plus beaux yeux du monde, un regard vif, touchant, frappant, admirable, assez ordinairement doux, toujours perÇant, et une physionomie agrÉable, haute, fine, spirituelle jusqu’À inspirer de l’esprit; le bas du visage assez pointu, et le nez long, ÉlevÉ, mais point beau, n’alloit pas si bien; des cheveux chÂtains si crÉpus et en telle quantitÉ qu’ils bouffoient À l’excÈs; les lÈvres et la bouche agrÉables quand il ne parloit point, mais quoique ses dents ne fussent pas vilaines, le rÂtelier supÉrieur s’avanÇoit trop, et emboÎtoit presque celui de dessous, ce qui, en parlant et en riant, faisoit un effet dÉsagrÉable. Il avoit les plus belles jambes et les plus beaux pieds qu’aprÈs le Roi j’aie jamais vues À personne, mais trop longues, aussi bien que ses cuisses, pour la proportion de son corps. Il sortit droit d’entre les mains des femmes. On s’aperÇut de bonne heure que sa taille commenÇoit À tourner; on employa aussitÔt et longtemps le collier et la croix de fer, qu’il portoit tant qu’il Étoit dans son appartement, mÊme devant le monde, et on n’oublia aucun des jeux et des exercices propres À le redresser. La nature Tant d’esprit, et une telle sorte d’esprit, joint À une telle vivacitÉ, À une telle sensibilitÉ, À de telles passions, et toutes si ardentes, n’Étoit pas d’une Éducation facile. Le duc de Beauvillier, qui en sentoit Également les difficultÉs et les consÉquences, s’y surpassa lui-mÊme par son application, sa patience, la variÉtÉ des remÈdes. Peu aidÉ par les sous-gouverneurs, il se secourut de tout ce qu’il trouva sous sa main. FÉnelon, Fleury[225], sous-prÉcepteur, qui a donnÉ une si belle Histoire de l’Église, quelques gentilshommes de la manche, Moreau, premier valet de chambre, fort au-dessus de son État sans se mÉconnoÎtre, quelques rares valets de l’intÉrieur, le duc de Chevreuse L’apprentissage de la dÉvotion et l’apprÉhension de sa foiblesse pour les plaisirs le rendirent d’abord sauvage. La vigilance sur lui-mÊme, À qui il ne passoit rien, et À qui il croyoit devoir ne rien passer, le renferma dans son cabinet, comme dans un asile impÉnÉtrable aux occasions. Que le monde est Étrange! il l’eÛt abhorrÉ dans son premier État, et il fut tentÉ de mÉpriser le second. Le prince le sentit; il le supporta; il attacha avec joie cette sorte d’opprobre À la croix de son Sauveur pour se confondre soi-mÊme dans l’amer souvenir de son orgueil passÉ. Ce qui lui fut de plus pÉnible, il le trouva dans les traits appesantis de sa plus intime famille. Le Roi, avec sa dÉvotion et sa rÉgularitÉ d’Écorce, vit bientÔt avec un secret dÉpit un prince de cet Âge censurer, sans le vouloir, sa vie par la sienne, se refuser un bureau neuf pour donner aux pauvres le prix qui y Étoit destinÉ, et le remercier modestement d’une dorure nouvelle dont on vouloit rajeunir son petit appartement. On a vu combien il fut Cette grande et sainte maxime, que les rois sont faits pour leurs peuples, et non les peuples pour les rois ni aux rois, Étoit si avant imprimÉe en son Âme qu’elle lui avoit rendu le luxe et la guerre odieuse. C’est ce qui le faisoit quelquefois expliquer trop vivement sur la derniÈre, emportÉ par une vÉritÉ trop dure pour les oreilles du monde, qui a fait quelquefois dire sinistrement qu’il n’aimoit pas la guerre. Sa justice Étoit munie de ce bandeau impÉnÉtrable qui en fait toute la sÛretÉ. Il se donnoit la peine d’Étudier les affaires qui se prÉsentoient À juger devant le Roi aux conseils de finance et des dÉpÊches, et si elles Étoient grandes, il y travailloit avec les gens du mÉtier, dont il puisoit des connoissances sans se rendre esclave de leurs opinions. Il communioit au moins tous les quinze jours, avec un recueillement et un abaissement qui frappoit, toujours en collier de l’ordre et en rabat et manteau court. Il voyoit son confesseur jÉsuite une ou deux fois la semaine, et quelquefois fort longtemps, ce qu’il abrÉgea beaucoup dans la suite, quoique il approchÂt plus souvent de la communion. Sa conversation Étoit aimable, tant qu’il pouvoit solide, et par goÛt; toujours mesurÉe À ceux avec qui il parloit. Il se dÉlassoit volontiers À la promenade: c’Étoit lÀ oÙ elles paroissoient le plus[226]. S’il s’y trouvoit quelqu’un avec qui il pÛt parler de sciences, c’Étoit son plaisir, mais plaisir modeste, et seulement pour s’amuser et s’instruire, en dissertant quelque peu et en Écoutant davantage. Mais Il connoissoit le Roi parfaitement; il le respectoit, et sur la fin il l’aimoit en fils, et lui faisoit une cour attentive de sujet, mais qui sentoit quel il Étoit. Il cultivoit Mme de Maintenon avec les Égards que leur situation demandoit. Tant que Monseigneur vÉcut, il lui rendoit tout ce qu’il devoit avec soin; on y sentoit la contrainte, encore plus avec Mlle Choin, et le malaise avec tout cet intÉrieur de Meudon. On en a tant expliquÉ les causes, qu’on n’y reviendra pas ici. Le prince admiroit, autant pour le moins que tout le monde, que Monseigneur, qui, tout matÉriel qu’il Étoit, avoit beaucoup de gloire, n’avoit jamais pu s’accoutumer À Mme de Maintenon, ne la voyoit que par biensÉance, et le moins encore qu’il pouvoit, et toutefois avoit aussi en Mlle Choin sa Maintenon autant que le Roi avoit la sienne, et ne lui asservissoit pas moins ses enfants que le Roi les siens À Mme de Maintenon. Il aimoit les princes ses frÈres avec tendresse, et son Épouse avec la plus grande passion. La douleur de sa perte pÉnÉtra ses plus intimes moËlles. La piÉtÉ y surnagea par les plus prodigieux efforts. Le sacrifice fut entier; mais il fut sanglant. Dans cette terrible affliction, rien de bas, rien de petit, rien d’indÉcent. On voyoit un homme hors 9. CARDINAL D’ESTRÉESCÉsar, Cardinal d’EstrÉes (1627-1717), was the third son of FranÇois-Annibal MarÉchal-Duc d’EstrÉes, a distinguished soldier and diplomatist, who died in 1670 at the age of ninety-seven, and nephew of the celebrated Gabrielle d’EstrÉes. His brother, Jean, who lived to be eighty-three, and his nephew, Victor-Marie, who died at seventy-seven, were both Marshals of France. The Cardinal, though he never published a line, was elected to the AcadÉmie franÇaise at the age of twenty-eight. Le cardinal d’EstrÉes mourut À Paris, dans son abbaye de Saint-Germain-des-PrÉs, À quatre-vingt-sept ans presque accomplis, ayant toujours joui d’une santÉ parfaite de corps et d’esprit, jusqu’À cette maladie qui fut fort courte, et qui lui laissa sa tÊte entiÈre jusqu’À la fin. Il est juste et curieux de s’arrÊter un peu sur un personnage toute sa vie considÉrable, et qui À sa mort Étoit cardinal-ÉvÊque d’Albano, abbÉ de Longpont, du Mont-Saint-Éloi, de Saint-Nicolas-aux-Bois, de la Staffarde en PiÉmont, oÙ Catinat[228] gagna une cÉlÈbre bataille avant d’Être marÉchal de France, de Saint-Claude en Franche-ComtÉ, dont l’abbÉ d’EstrÉes son neveu Étoit coadjuteur, et dont on a fait un ÉvÊchÉ depuis quelques annÉes, d’Anchin en Flandres, et de Saint-Germain-des-PrÉs dans Paris. Il Étoit aussi commandeur de l’Ordre[229], de la promotion de 1688. NÉ en 1627, il avoit vÉcu quarante ans avec son pÈre, et su profiter de ses leÇons et de sa considÉration. La liaison la plus intime fut toute sa vie constante entre ses Tant de grandes et d’aimables qualitÉs le firent gÉnÉralement aimer et respecter; sa science, son esprit, sa fermetÉ, sa libertÉ, le perÇant de ses expressions quand il lui plaisoit, une plaisanterie fine et quelquefois poignante, un tour charmant, le faisoient craindre et mÉnager, et cela jusqu’À sa mort, par ceux qui Étoient devenus la terreur de tout le monde. Avec beaucoup de politesse mais distinguÉe, il savoit se sentir; il Étoit quelquefois haut, quelquefois colÈre; ce n’Étoit pas un homme qu’il fÎt bon tÂtonner sur rien. Ce tout ensemble faisoit un homme extrÊmement aimable et sÛr, et lui donna toujours un grand nombre d’amis. Il fut ÉvÊque-duc de Laon À vingt-cinq ans, sacrÉ À vingt-sept, et brilla fort cinq ans aprÈs en l’assemblÉe du clergÉ de 1660. Il eut la principale part À finir l’affaire fameuse des quatre ÉvÊques par ce qu’on a nommÉ la paix de ClÉment IX[230]. Il fut cardinal de ClÉment X en 1671, mais in petto, dÉclarÉ enfin l’annÉe suivante, protecteur des affaires de Portugal, et se trouva en 1676 au conclave oÙ Innocent XI fut Élu; six mois aprÈs il fut À Munich pour le mariage de Monseigneur. Il se dÉmit en 1681 en faveur de son neveu, fils du duc d’EstrÉes, de son ÉvÊchÉ; et, tout cardinal qu’il Étoit depuis dix ans, il demanda et obtint un brevet de conservation du rang et honneurs de duc et pair. Devenu abbÉ de Saint-Germain-des-PrÉs, il vÉcut avec ses religieux comme un pÈre, et tous les soirs il avoit deux, trois ou quatre moines savants qui venoient l’entretenir Il ne pouvoit ouÏr parler de ses affaires domestiques. PressÉ et tourmentÉ par son intendant et son maÎtre d’hÔtel de voir enfin ses comptes, qu’il n’avoit point vus depuis grand nombre d’annÉes, il leur donna un jour. Ils exigÈrent qu’il fermeroit sa porte pour n’Être pas interrompus; il y consentit avec peine, puis se ravisa, et leur dit que, pour le cardinal Bonsy[232] au moins, qui Étoit À Paris, son ami et son confrÈre, il ne pouvoit s’empÊcher de le voir, mais que ce seroit merveilles si ce seul homme, qu’il ne pouvoit refuser, venoit prÉcisÉment ce jour-lÀ. Tout de suite il envoya un domestique affidÉ au cardinal Bonsy, le prier avec instance de venir chez lui un tel jour entre trois et quatre heures, qu’il le conjuroit de n’y pas manquer, et qu’il lui en diroit la raison, mais, sur toutes choses, qu’il parÛt venir de lui-mÊme. Il fit monter son suisse dÈs le matin du jour donnÉ, À qui il dÉfendit de laisser entrer qui que ce fÛt de toute l’aprÈs-dÎnÉe, exceptÉ le seul cardinal Bonsy, qui sÛrement ne viendrait pas; mais, s’il s’en avisoit, de ne le pas renvoyer. Ses gens, ravis d’avoir À le tenir toute la journÉe sur ses affaires sans y Être interrompus, arrivent sur les trois heures; le cardinal laisse sa famille et le peu de gens qui pour ce jour-lÀ avoient dÎnÉ chez lui, et passe dans un cabinet oÙ ses gens d’affaires ÉtalÈrent leurs papiers. Il leur disoit mille choses ineptes sur sa dÉpense, oÙ il n’entendoit rien, et regardoit sans cesse vers la fenÊtre, sans en faire semblant, soupirant en secret aprÈs une prompte dÉlivrance. Un peu avant quatre heures, arrive un carrosse dans la cour; ses gens d’affaires se fÂchent contre le suisse, et crient qu’il n’y aura donc pas moyen de travailler. Le cardinal ravi s’excuse sur les ordres qu’il a donnÉs. "Vous verrez, Il falloit bien qu’ils fussent honnÊtes gens et entendus: sa table Étoit tous les jours magnifique, et remplie À Paris et À la cour de la meilleure compagnie; ses Équipages l’Étoient aussi; il avoit un nombreux domestique, beaucoup de gentilshommes, d’aumÔniers, de secrÉtaires; il donnoit beaucoup aux pauvres, À pleines mains À son frÈre le marÉchal et À ses enfants, qui lors n’Étoient pas À leur aise, et il mourut sans devoir un seul Écu À qui que ce fÛt. Sa mort, À laquelle il se prÉparoit depuis longtemps, fut ferme, mais Édifiante et fort chrÉtienne; la maladie fut courte, et il n’en avoit jamais eue, la tÊte entiÈre jusqu’À la fin. Il fut universellement regrettÉ, tendrement de sa famille, de ses amis, dont il avoit beaucoup, des pauvres, de son domestique, et de ses religieux qui sentirent tout ce qu’ils perdoient en lui, et qui trouvÈrent bientÔt aprÈs qu’ils avoient changÉ un pÈre pour un loup et pour un tyran. Un mot de lui au Roi dure encore. Il Étoit À son dÎner, toujours fort distinguÉ du Roi dÈs qu’il paroissoit devant lui. Le Roi, lui adressant la parole, se plaignit de l’incommoditÉ de n’avoir plus de dents. “Des dents, Sire, reprit le cardinal, eh! qui est-ce qui en a?” Le rare de cette rÉponse est qu’À son Âge il les avoit encore blanches et fort belles, et que sa bouche, fort grande mais agrÉable, Étoit faite de faÇon qu’il les montrait beaucoup en parlant; aussi le Roi se prit-il À rire de la rÉponse, et toute l’assistance, et lui-mÊme, qui ne s’en embarrassa point du tout[233]. 10. BEAUVILLIERPaul, Duc de Beauvillier (1648-1714), who filled the offices of Governor of the Duc de Bourgogne, Chef du conseil des finances, and Minister of State, was regarded by Saint-Simon with deep and reverent affection. He and the Duc de Chevreuse had married daughters of Colbert, and the close friendship of the two brothers-in-law and their families is frequently referred to in Saint-Simon’s memoirs. The well-known intimacy between both Dukes and FÉnelon is charmingly expressed in the latter’s correspondence. Il Étoit grand, fort maigre, le visage long et colorÉ, un fort grand nez aquilin, la bouche enfoncÉe, des yeux d’esprit et perÇants, le sourire agrÉable, l’air fort doux, mais ordinairement fort sÉrieux et concentrÉ. Il Étoit nÉ vif, bouillant, emportÉ, aimant tous les plaisirs. Beaucoup d’esprit naturel, le sens extrÊmement droit, une grande justesse, souvent trop de prÉcision; l’Énonciation aisÉe, agrÉable, exacte, naturelle, l’apprÉhension vive, le discernement bon, une sagesse singuliÈre, une prÉvoyance qui s’Étendoit vastement, mais sans s’Égarer; une simplicitÉ et une sagacitÉ extrÊmes et qui ne se nuisoient point l’une À l’autre; et depuis que Dieu l’eut touchÉ, ce qui arriva de trÈs bonne heure, je crois pouvoir avancer qu’il ne perdit jamais sa prÉsence, d’oÙ on peut juger, ÉclairÉ comme il Étoit, jusqu’À quel point il porta la piÉtÉ. Doux, modeste, Égal, poli avec distinction, assez prÉvenant, d’un accÈs facile et honnÊte jusqu’aux plus petites gens, ne montrant point sa dÉvotion, sans la cacher aussi, et n’en incommodant personne, mais veillant toutefois ses domestiques, peut-Être de trop prÈs; sincÈrement humble, sans prÉjudice de ce qu’il devoit À ce qu’il Étoit, et si dÉtachÉ de tout, comme on l’a vu sur plusieurs occasions qui ont ÉtÉ racontÉes, que je ne crois pas que les plus saints moines l’aient ÉtÉ davantage. L’extrÊme dÉrangement des affaires de son pÈre lui avoit nÉanmoins donnÉ une grande attention aux siennes, ce qu’il croyoit un devoir, qui ne l’empÊchoit pas d’Être vraiment magnifique en tout, parce qu’il estimoit que cela Étoit de son État. Sa crainte du Roi, celle de se commettre, ses prÉcisions, engourdissoient trop son desir sincÈre de servir ses amis. Il fut tout autre, comme on l’a vu, sur cela comme sur tout le reste, aprÈs la mort de Monseigneur, et on ne put douter alors qu’il se plaisoit À servir ses amis en petites et en grandes choses. Il Épousa Mme de Beauvillier en 1671; le triste État des affaires de sa maison, que son pÈre avoit ruinÉes, les engagea À faire cette alliance de la troisiÈme fille de M. Colbert avec de grands biens. L’aÎnÉe avoit ÉpousÉ quatre ans auparavant le duc de Chevreuse, et huit ans aprÈs la derniÈre fut mariÉe au duc de Mortemart. Les ducs de Chevreuse[234] et de Beauvillier et leurs femmes se trouvÈrent La piÉtÉ du duc de Beauvillier, qui commenÇa de fort bonne heure, le sÉpara assez de ceux de son Âge. Étant À l’armÉe, À une promenade du Roi, dans laquelle il servoit, il marchoit seul un jour un peu en avant; quelqu’un, le remarquant, se prit À dire qu’il faisoit lÀ sa mÉditation. Le Roi, qui l’entendit, se tourna vers celui qui parloit, et le regardant: “Oui, dit-il, voilÀ M. de Beauvillier, qui est un des plus sages hommes de la cour et de mon royaume.” Cette subite et courte apologie fit taire et donna fort À penser, en sorte que les gloseurs demeurÈrent en respect devant son mÉrite. M. de Beauvillier voyoit les choses comme elles Étoient: il Étoit ennemi des chimÈres, il pesoit tout avec exactitude, comparoit les partis avec justesse, demeuroit inÉbranlable dans son choix sur des fondements certains. M. de Chevreuse, avec plus d’esprit, et sans comparaison plus de savoir en tout genre, voyoit tout en blanc et en pleine espÉrance, jusqu’À ce qui en offrait le moins, n’avoit pas la justesse de l’autre, ni le sens si droit. Son trop de lumiÈres point assez ramassÉes l’Éblouissoit par de faux jours, et sa facilitÉ prodigieuse de concevoir et de raisonner lui ouvroit tant de routes qu’il Étoit sujet À l’Égarement, sans s’en apercevoir et de la meilleure foi du monde. Ces 11. FÉNELONFranÇois de Salignac de la Mothe-FÉnelon was born in his ancestral chÂteau of PÉrigord in 1651. He was appointed tutor to the Duc de Bourgogne in 1689 and Archbishop of Cambrai in 1695. In the following year his championship of Mme Guyon and the doctrine of Quietism brought him into disgrace with LouisXIV, and his residence at Cambrai became virtually an exile. He administered his see with the dignity of a grand seigneur, the capacity of a man of affairs, and the piety of a true Christian. His death in 1715 was the occasion for the following portrait, of which the earlier one in vol. VIII. (pp. 419-423) may be regarded as a first sketch. For a still earlier and a less favourable one, written when FÉnelon was appointed to the see of Cambrai, see I. 271-275. Ce prÉlat Étoit un grand homme maigre, bien fait, pÂle, avec un grand nez, des yeux dont le feu et l’esprit sortoient comme un torrent, et une physionomie telle que je n’en ai point vu qui y ressemblÂt, et qui ne se pouvoit oublier, quand on ne l’auroit vu qu’une fois. Elle rassembloit tout, et les contraires ne s’y combattoient pas. Elle avoit de la gravitÉ et de la galanterie, du sÉrieux et de la gaietÉ; Ses aumÔnes, ses visites Épiscopales rÉitÉrÉes plusieurs fois l’annÉe, et qui lui firent connoÎtre par lui-mÊme À fond toutes les parties de son diocÈse, la sagesse et la douceur de son gouvernement, ses prÉdications frÉquentes dans la ville et dans les villages, la facilitÉ de son accÈs, son humanitÉ avec les petits, sa politesse avec les autres, ses grÂces naturelles qui rehaussoient le prix de tout ce qu’il disoit et faisoit, le firent adorer de son peuple, et les prÊtres dont il se dÉclaroit le pÈre et le frÈre, et qu’il traitoit tous ainsi, le portoient tous dans leurs coeurs. Parmi tant d’art et d’ardeur de plaire, et si gÉnÉrale, rien de bas, de commun, d’affectÉ, de dÉplacÉ, toujours en convenance À l’Égard de chacun; chez lui abord facile, expÉdition prompte et dÉsintÉressÉe; un mÊme esprit, inspirÉ par le sien, en tous ceux qui travailloient sous lui dans ce grand diocÈse; jamais de scandale ni rien de violent contre personne; tout en lui et chez lui dans la plus grande dÉcence. Ses matinÉes se passoient en affaires du diocÈse. Comme il avoit le gÉnie ÉlevÉ et pÉnÉtrant, qu’il y rÉsidoit toujours, qu’il ne se passoit point de jour qu’il ne rÉglÂt ce qui se prÉsentoit, c’Étoit chaque jour une occupation courte et lÉgÈre. Il recevoit aprÈs qui le vouloit voir, puis alloit dire la messe, et il y Étoit prompt; c’Étoit toujours dans sa chapelle, hors les jours qu’il officioit, ou que quelque raison particuliÈre l’engageoit À l’aller dire ailleurs. Revenu chez lui, il dÎnoit avec la compagnie, toujours nombreuse, mangeoit peu et peu solidement, mais demeuroit longtemps À table pour les autres, et les charmoit par l’aisance, la variÉtÉ, le naturel, la gaietÉ de sa conversation, sans jamais descendre À rien qui ne fÛt digne et d’un ÉvÊque et d’un grand seigneur; sortant de table il demeuroit peu avec la compagnie. Il l’avoit accoutumÉe À vivre chez lui sans contrainte, et À n’en pas prendre pour elle. Il entroit dans son cabinet et y travailloit quelques heures, qu’il Au sortir de son cabinet il alloit faire des visites ou se promener À pied hors la ville. Il aimoit fort cet exercice et l’allongeoit volontiers, et, s’il n’y avoit personne de ceux qu’il logeoit, ou quelque personne distinguÉe, il prenoit quelque grand vicaire et quelque autre ecclÉsiastique, et s’entretenoit avec eux du diocÈse, de matiÈres de piÉtÉ ou de savoir; souvent il y mÊloit des parenthÈses agrÉables. Les soirs, il les passoit avec ce qui logeoit chez lui, soupoit avec les principaux de ces passages d’armÉes quand il en arrivoit, et alors sa table Étoit servie comme le matin. Il mangeoit encore moins qu’À dÎner, et se couchoit toujours avant minuit. Quoique sa table fÛt magnifique et dÉlicate, et que tout chez lui rÉpondÎt À l’État d’un grand seigneur, il n’y avoit rien nÉanmoins qui ne sentÎt l’odeur de l’Épiscopat et de la rÈgle la plus exacte, parmi la plus honnÊte et la plus douce libertÉ. Lui-mÊme Étoit un exemple toujours prÉsent, mais auquel on ne pouvoit atteindre; partout un vrai prÉlat, partout aussi un grand seigneur, partout encore l’auteur de TÉlÉmaque. Jamais un mot sur la cour, sur les affaires, quoi que ce soit qui pÛt Être repris, ni qui sentÎt le moins du monde bassesse, regrets, flatterie; jamais rien qui pÛt seulement laisser soupÇonner ni ce qu’il avoit ÉtÉ, ni ce qu’il pouvoit encore Être. Parmi tant de grandes parties, un grand ordre dans ses affaires domestiques, et une grande rÈgle dans son diocÈse; mais sans petitesse, sans pÉdanterie, sans avoir jamais importunÉ personne d’aucun État sur la doctrine. Les jansÉnistes Étoient en paix profonde dans le diocÈse de Cambray, et il y en avoit grand nombre; ils s’y taisoient, et l’archevÊque aussi À leur Égard. Il auroit ÉtÉ À desirer pour lui qu’il eÛt laissÉ ceux de dehors dans le mÊme repos; mais il tenoit trop intimement aux jÉsuites, et il espÉroit trop d’eux, pour ne leur pas donner ce qui ne troubloit pas le sien. Il Étoit aussi trop attentif À son petit troupeau choisi, dont il Étoit le coeur, l’Âme, la vie et l’oracle, pour ne lui pas donner de temps en temps la FÉnelon, rendu enfin aux plus flatteuses et aux plus hautes espÉrances, laissa germer cette semence d’elle-mÊme; mais elle ne put venir À maturitÉ. La mort si peu attendue du Dauphin l’accabla, et celle du duc de Chevreuse, qui ne tarda guÈre aprÈs, aigrit cette profonde plaie; la mort du duc de Beauvillier la rendit incurable, et l’atterra. Ils n’Étoient qu’un coeur et qu’une Âme, et, quoique ils ne se fussent jamais vus depuis l’exil, FÉnelon le dirigeoit de Cambray jusque dans les plus petits dÉtails. MalgrÉ sa profonde douleur de la mort du Dauphin, il n’avoit pas laissÉ d’embrasser une planche dans ce naufrage. L’ambition surnageoit À tout, se prenoit À tout[243]. Son esprit avoit toujours plu À M. le duc d’OrlÉans. M. de Chevreuse avoit cultivÉ et entretenu entre eux l’estime et l’amitiÉ, et j’y avois aussi contribuÉ par attachement pour le duc de Beauvillier, qui pouvoit tout sur moi. AprÈs tant de pertes et d’Épreuves les plus dures, ce prÉlat Étoit encore homme d’espÉrances; il ne les avoit pas mal placÉes. On a vu les mesures que les ducs de Chevreuse et de Beauvillier m’avoient engagÉ de prendre pour lui auprÈs de ce prince, et qu’elles avoient rÉussi de faÇon que les premiÈres places lui Étoient destinÉes, et que je lui en avois fait passer l’assurance par ces deux ducs dont la piÉtÉ s’intÉressoit si vivement en lui, et qui Étoient persuadÉs que rien ne pouvoit Être si utile À l’Église, ni Il fit un court voyage de visite Épiscopale, il versa dans un endroit dangereux, personne ne fut blessÉ, mais il vit tout le pÉril, et eut dans sa foible machine toute la commotion de cet accident. Il arriva incommodÉ À Cambray, la fiÈvre survint, et les accidents tellement coup sur coup qu’il n’y eut plus de remÈde; mais sa tÊte fut toujours libre et saine. Il mourut À Cambray le 7 janvier de cette annÉe, au milieu des regrets intÉrieurs, et À la porte du comble de ses desirs. Il savoit l’État tombant du Roi; il savoit ce qui le regardoit aprÈs lui. Il Étoit dÉjÀ consultÉ du dedans et recourtisÉ du dehors, parce que le goÛt du soleil levant avoit dÉjÀ percÉ. Il Étoit portÉ par le zÈle infatigablement actif de son petit troupeau, devenu la portion d’Élite du grand parti de la constitution par la haine des anciens ennemis de l’archevÊque de Cambray, qui ne l’Étoient pas moins de la doctrine des jÉsuites, qu’il s’agissoit, de tolÉrÉe À grand peine qu’elle avoit ÉtÉ depuis son pÈre Molina, de rendre triomphante, maÎtresse et unique. Que de puissants motifs de regretter la vie, et que la mort est amÈre dans des circonstances si parfaites et si À souhait de tous cÔtÉs! Toutefois il n’y parut pas. Soit amour de la rÉputation, qui fut toujours un objet auquel il donna toute prÉfÉrence, soit grandeur d’Âme, qui mÉprise enfin ce qu’elle ne peut atteindre, soit dÉgoÛt du Dans cet État, il Écrivit au Roi une lettre sur le spirituel de son diocÈse, qui ne disoit pas un mot sur lui-mÊme, qui n’avoit rien que de touchant et qui ne convÎnt au lit de la mort À un grand ÉvÊque. La sienne, À moins de soixante-cinq ans, munie des sacrements de l’Église, au milieu des siens et de son clergÉ, put passer pour une grande leÇon À ceux qui survivoient, et pour laisser de grandes espÉrances de celui qui Étoit appelÉ. La consternation dans tous les Pays-Bas fut extrÊme. Il y avoit apprivoisÉ jusqu’aux armÉes ennemies, qui avoient autant et mÊme plus de soin de conserver ses biens que les nÔtres. Leurs gÉnÉraux et la cour de Bruxelles se piquoient de le combler d’honnÊtetÉs et des plus grandes marques de considÉration, et les protestants pour le moins autant que les catholiques. Les regrets furent donc sincÈres et universels dans toute l’Étendue des Pays-Bas. Ses amis, sur tous son petit troupeau, tombÈrent dans l’abÎme de l’affliction la plus amÈre. A tout prendre, c’Étoit un bel esprit et un grand homme. L’humanitÉ rougit pour lui de Mme Guyon, dans l’admiration de laquelle, vraie ou feinte, il a toujours vÉcu, sans que ses moeurs aient jamais ÉtÉ le moins du monde soupÇonnÉes, et est mort aprÈs en avoir ÉtÉ le martyr, sans qu’il ait ÉtÉ jamais possible de l’en sÉparer. MalgrÉ la faussetÉ notoire de toutes ses prophÉties, elle fut toujours le centre oÙ tout aboutit dans ce petit troupeau, et l’oracle suivant lequel FÉnelon vÉcut et conduisit les autres[244]. 12. VILLEROYFranÇois de Neufville, MarÉchal-Duc de Villeroy (1644-1730), was great-grandson of Nicolas de Neufville, Seigneur de Villeroy, minister to Henry III and Henry IV, grandson of the first Marquis de Villeroy, and son of the MarÉchal-Duc de Villeroy, governor of LouisXIV. He was brought up with the king, who in consequence always regarded him with favour. “Prince Charming” in society, he served with distinction in the earlier wars of the reign. But as a Commander-in-chief he was a failure, and his signal defeat by Marlborough at Ramillies in 1706 was largely due to his incapacity. La BruyÈre’s MÉnippe (Du mÉrite personnel) is generally regarded as a portrait of him. Le marÉchal de Villeroy a tant figurÉ, devant et depuis, qu’il est nÉcessaire de le faire connoÎtre. C’Étoit un grand homme bien fait, avec un visage fort agrÉable, fort vigoureux, sain, qui sans s’incommoder faisoit tout ce qu’il vouloit de son corps. Quinze et seize heures À cheval ne lui Étoient rien, les veilles pas davantage. Toute sa vie nourri et vivant dans le plus grand monde; fils du gouverneur du Roi, ÉlevÉ avec lui, dans sa familiaritÉ dÈs leur premiÈre jeunesse, galant de profession, parfaitement au fait des intrigues galantes de la cour et de la ville, dont il savoit amuser le Roi, qu’il connoissoit À fond, et des foiblesses duquel il sut profiter, et se maintenir en osier de cour dans les contre-temps qu’il essuya avant que je fusse dans le monde. Il Étoit magnifique en tout, fort noble dans toutes ses maniÈres, grand et beau joueur sans se soucier du jeu, point mÉchant gratuitement, tout le langage et les faÇons d’un grand seigneur et d’un homme pÉtri de la cour; glorieux À l’excÈs par nature, bas aussi À l’excÈs pour peu qu’il en eÛt besoin, et À l’Égard du Roi et de Mme de Maintenon valet À tout faire. Il avoit cet esprit de cour et du monde que le grand usage donne, et que les intrigues et les vues aiguisent, avec ce jargon qu’on y apprend, qui n’a que le tuf[245], mais qui Éblouit les sots, et que l’habitude de la familiaritÉ du Roi, de la faveur, des distinctions, du commandement 13. LE DUC D’ORLÉANSPhilippe, Duc d’OrlÉans (1674-1723), Regent of France after the death of LouisXIV, was the only son of Monsieur, the brother of LouisXIV, by his second wife, Charlotte Elizabeth, daughter of the Elector Palatine. Till his father’s death in 1701 he was called the Duc de Chartres. M. le duc d’OrlÉans Étoit de taille mÉdiocre au plus, fort plein, sans Être gros, l’air et le port aisÉ et fort noble, le visage large, agrÉable, fort haut en couleur, le poil noir Il gardoit fort son rang en tout genre avec les princes du sang, et personne n’avoit l’air, le discours, ni les maniÈres plus respectueuses que lui, ni plus noble avec le Roi et avec les fils de France. Monsieur avoit hÉritÉ en plein de la valeur des rois ses pÈre et grand-pÈre, et l’avoit transmise toute entiÈre À son fils. Quoique il n’eÛt aucun penchant À la mÉdisance, beaucoup moins À ce qu’on appelle Être mÉchant, il Étoit dangereux sur la valeur des autres. Il ne cherchoit jamais À en parler, modeste et silencieux mÊme À cet Égard sur ce qui lui Étoit personnel, et racontoit toujours les choses de cette nature oÙ il avoit eu le plus de part, donnant avec ÉquitÉ toute louange aux autres et ne parlant jamais de soi; mais il se passoit difficilement de pincer ceux qu’il ne trouvoit pas ce qu’il appeloit francs du collier, et on lui sentoit un mÉpris et une rÉpugnance naturelle À l’Égard de ceux qu’il avoit lieu de croire tels. Aussi avoit-il le foible de croire ressembler en tout À Henri IV, de l’affecter dans ses faÇons, dans ses reparties, de se le persuader jusque dans sa taille et la forme de son visage, et de n’Être touchÉ d’aucune autre louange ni flatterie comme de celle-lÀ qui lui alloit au coeur. C’est une complaisance À laquelle je n’ai jamais pu me ployer. Je sentois trop qu’il ne recherchoit pas moins cette ressemblance dans les vices de ce grand prince que dans ses vertus, et que les uns ne faisoient pas moins son admiration que les autres. Comme Henri IV, il Étoit naturellement bon, humain, compatissant, et cet homme si cruellement accusÉ du crime le plus noir et le plus inhumain, je n’en ai point connu de plus naturellement opposÉ au crime de la destruction des Je me souviens qu’un an peut-Être avant la mort du Roi, Étant montÉ de bonne heure aprÈs dÎnÉ chez Mme la duchesse d’OrlÉans À Marly, je la trouvai au lit pour quelque migraine, et M. le duc d’OrlÉans seul dans la chambre, assis dans le fauteuil du chevet du lit. A peine fus-je assis que Mme la duchesse d’OrlÉans se mit À me raconter un fait du prince et du cardinal de Rohan[251], arrivÉ depuis peu de jours, et prouvÉ avec la plus claire Évidence. Il rouloit sur des mesures contre M. le duc d’OrlÉans pour le prÉsent et l’avenir, et sur le fondement de ces exÉcrables imputations si À la mode par le crÉdit et le cours que Mme de Maintenon et M. du Maine s’appliquoient sans cesse À leur donner. Je me rÉcriai d’autant plus que M. le duc d’OrlÉans avoit toujours distinguÉ et recherchÉ, je ne sais pourquoi, ces deux frÈres, et qu’il croyoit pouvoir compter sur eux: “Et que dites-vous de M. le duc d’OrlÉans, ajouta-t-elle ensuite, qui, depuis qu’il le sait, qu’il n’en doute pas, et qu’il n’en peut douter, leur fait tout aussi bien qu’À l’ordinaire?” A l’instant je regardai M. le duc d’OrlÉans qui n’avoit dit que quelques mots pour confirmer le rÉcit de la chose À mesure qu’il se faisoit, et qui Étoit couchÉ nÉgligemment dans sa chaise, et je lui dis avec feu: “Pour cela, Monsieur, il faut dire la vÉritÉ, c’est que depuis Louis le DÉbonnaire il n’y en eut jamais un si dÉbonnaire que vous.” A ces mots, il se releva dans sa chaise, rouge de colÈre jusqu’au blanc des yeux, balbutiant de dÉpit contre moi qui lui disois, prÉtendoit-il, des choses fÂcheuses, et contre Mme la duchesse d’OrlÉans qui les lui Deux ou trois ans aprÈs la mort du Roi, je causois À un coin de la longue et grande piÈce de l’appartement des Tuileries, comme le conseil de rÉgence alloit commencer dans cette mÊme piÈce oÙ il se tenoit toujours, tandis que M. le duc d’OrlÉans Étoit tout À l’autre bout, parlant À quelqu’un dans une fenÊtre. Je m’entendis appeler comme de main en main; on me dit que M. le duc d’OrlÉans me vouloit parler. Cela arrivoit souvent en se mettant au Conseil. J’allai donc À cette fenÊtre oÙ il Étoit demeurÉ. Je trouvai un maintien sÉrieux, un air concentrÉ, un visage fÂchÉ qui me surprit beaucoup. “Monsieur, me dit-il d’abordÉe, j’ai fort À me plaindre de vous que j’ai toute ma vie comptÉ pour le meilleur de mes amis.—Moi, Monsieur! plus ÉtonnÉ encore, qu’y a-t-il donc, lui dis-je, s’il vous plaÎt?—Ce qu’il y a, rÉpondit-il avec une mine encore plus colÈre, chose que vous ne sauriez nier, des vers que vous avez faits contre moi.—Moi, des vers! rÉpliquai-je; hÉ! qui diable vous conte de ces sottises-lÀ? et depuis prÈs de quarante ans que vous me connoissez, est-ce que vous ne savez pas que de ma vie je n’ai pu faire, non pas deux vers, mais un seul?—Hon, par...! reprit-il, vous ne pouvez nier ceux-lÀ, et tout de suite me chante un pont-neuf À sa louange dont le refrain Étoit: Notre rÉgent est dÉbonnaire, la la, il est dÉbonnaire, avec un grand Éclat de rire.—Comment! lui dis-je, vous vous en souvenez encore? et en riant aussi, pour la vengeance que vous en prenez, souvenez-vous-en du moins À bon escient.” Il demeura À rire longtemps, À ne s’en pouvoir empÊcher Il aimoit fort la libertÉ, et autant pour les autres que pour lui-mÊme. Il me vantoit un jour l’Angleterre sur ce point, oÙ il n’y a point d’exils ni de lettres de cachet, et oÙ le Roi ne peut dÉfendre que l’entrÉe de son palais ni tenir personne en prison, et sur cela me conta en se dÉlectant, car tous nos princes vivoient lors, qu’outre la duchesse de Portsmouth, Charles II avoit bien eu de petites maÎtresses; que le grand prieur[252], jeune et aimable en ce temps-lÀ, qui s’Étoit fait chasser pour quelque sottise, Étoit allÉ passer son exil en Angleterre, oÙ il avoit ÉtÉ fort bien reÇu du roi. Pour le remerciement, il lui dÉbaucha une de ces petites maÎtresses dont le roi Étoit si passionnÉ alors qu’il lui fit demander grÂces, lui offrit de l’argent, et s’engagea de le raccommoder en France. Le grand prieur tint bon. Charles lui fit dÉfendre le palais. Il s’en moqua, et alloit tous les jours À la comÉdie avec sa conquÊte, et s’y plaÇoit vis-À-vis du roi. Enfin le roi d’Angleterre, ne sachant plus que faire pour s’en dÉlivrer, pria tellement le Roi de le rappeler en France qu’il le fut. Mais le grand prieur tint bon, dit qu’il se trouvoit bien en Angleterre, et continua son manÈge. Charles outrÉ en vint jusqu’À faire confidence au Roi de l’État oÙ le mettoit le grand prieur, et obtint un commandement si absolu et si prompt qu’il le fit repasser incontinent en France. M. le duc d’OrlÉans admirait cela, et je ne sais s’il n’aurait pas voulu Être le grand prieur. Je lui rÉpondis que j’admirais moi-mÊme que le petit-fils d’un roi de France se pÛt complaire dans un si insolent procÉdÉ, que moi sujet, et qui, comme lui, n’avois aucun trait au trÔne, je C’Étoit en effet À quoi il Étoit extrÊmement propre. Une valeur naturelle, tranquille, qui lui laissoit tout voir, tout prÉvoir, et porter les remÈdes, une grande Étendue d’esprit pour les Échecs d’une campagne, pour les projets, pour se munir de tout ce qui convenoit À l’exÉcution, pour s’en aider À point nommÉ, pour s’Établir d’avance des ressources et savoir en profiter bout À bout, et user aussi avec une sage diligence et vigueur de tous les avantages que lui pouvoit prÉsenter le sort des armes. On peut dire qu’il Étoit capitaine, ingÉnieur, intendant d’armÉe, qu’il connoissoit la force des troupes, le nom et la capacitÉ des officiers, et les plus distinguÉs de chaque corps, s’en faire adorer, les tenir nÉanmoins en discipline, exÉcuter, en manquant de tout, les choses les plus difficiles. C’est ce qui a ÉtÉ admirÉ en Espagne, et pleurÉ en Italie, quand il y prÉvit tout, et que Marsin lui arrÊta les bras sur tout. Ses combinaisons Étoient justes et solides tant sur les matiÈres de guerre que sur celles d’État; il est Étonnant jusqu’À quel dÉtail il en embrassoit toutes les parties sans confusion, les avantages et les dÉsavantages des partis qui se prÉsentoient À prendre, la nettetÉ avec laquelle il les comprenoit et savoit les exposer, enfin la variÉtÉ infinie et la justesse de toutes ses connoissances sans en montrer jamais, ni en avoir en effet meilleure opinion de soi. Un si bon maÎtre ne perdit pas son temps auprÈs d’un disciple tout neuf encore, et en qui les excellents principes de Saint-Laurent[254] n’avoient pas eu le temps de prendre de fortes racines, quelque estime et quelque affection qu’il ait conservÉe toute sa vie pour cet excellent homme. Je l’avouerai ici avec amertume, parce que tout doit Être sacrifiÉ À la vÉritÉ: M. le duc d’OrlÉans apporta au monde une facilitÉ, appelons les choses par leur nom, une foiblesse qui gÂta sans cesse tous ses talents, et qui fut À son prÉcepteur d’un merveilleux usage toute sa vie. Hors de toute espÉrance du cÔtÉ du Roi depuis la folie d’avoir osÉ lui demander sa nomination au cardinalat, il ne songea plus qu’À possÉder son jeune maÎtre par la conformitÉ À soi. Il le flatta du cÔtÉ des moeurs pour le jeter dans la dÉbauche, et lui en faire un principe pour se bien mettre dans le monde, jusqu’À mÉpriser tous devoirs et toutes Malheureusement tout concourut en M. le duc d’OrlÉans À lui ouvrir le coeur et l’esprit À cet exÉcrable poison; une neuve et premiÈre jeunesse, beaucoup de force et de santÉ, les Élans de la premiÈre sortie du joug et du dÉpit de son mariage et de son oisivetÉ, l’ennui qui suit la derniÈre, cet amour, si fatal en ce premier Âge, de ce bel air qu’on admire aveuglÉment dans les autres, et qu’on veut imiter et surpasser, l’entraÎnement des passions, des exemples et des jeunes gens qui y trouvoient leur vanitÉ et leur commoditÉ, quelques-uns leurs vues À le faire vivre comme eux et avec eux. Ainsi il s’accoutuma À la dÉbauche, plus encore au bruit de la dÉbauche jusqu’À n’avoir pu s’en passer, et qu’il ne s’y divertissoit qu’À force de bruit, de tumulte et d’excÈs. C’est ce qui le jeta À en faire souvent de si Étranges et de si scandaleuses, et comme il vouloit l’emporter sur tous les dÉbauchÉs, À mÊler dans ses parties Lui et Mme la duchesse de Berry disputoient quelquefois qui des deux en savoit lÀ-dessus davantage, et quelquefois À sa toilette devant Mme de Saint-Simon, et ce qui y Étoit avant le public, et M. le duc de Berry mÊme, qui Étoit fort vrai et qui en avoit horreur, et sans que M[me] de Saint-Simon, qui n’en souffrait pas moins et pour la chose et pour l’effet, pÛt la tourner en plaisanterie, ni leur faire sentir la porte pour sortir d’une telle indiscrÉtion. M. le duc d’OrlÉans en avoit une infinie dans tout ce qui regardoit la vie ordinaire et sur ce qui le regardoit lui-mÊme. Ce n’Étoit pas injustement qu’il Étoit accusÉ de n’avoir point de secret. La vÉritÉ est qu’ÉlevÉ dans les tracasseries du Palais-Royal, dans les rapports, dans les redits dont Monsieur vivoit et dont sa cour Étoit remplie, M. le duc d’OrlÉans en avoit pris le dÉtestable goÛt et l’habitude, jusqu’À s’en Être fait une sorte de maxime de brouiller tout le monde ensemble, et d’en profiter pour n’avoir rien À craindre des liaisons, soit pour apprendre par les aveux, les dÉlations et les piques, et par la facilitÉ encore de faire parler les uns contre les autres. Ce fut une de ses principales occupations pendant tout le temps qu’il fut À la tÊte des affaires, et dont il se sut le plus de grÉ, mais qui, tÔt dÉcouverte, le rendit odieux et le jeta en Revenu plus assidÛment À la cour, À la mort de Monsieur, l’ennui l’y gagna et le jeta dans les curiositÉs de chimie dont j’ai parlÉ ailleurs, et dont on sut faire contre lui un si cruel usage. On a peine À comprendre À quel point ce prince Étoit incapable de se rassembler du monde, je dis avant que l’art infernal de Mme de Maintenon et du duc du Maine l’en eÛt totalement sÉparÉ; combien peu il Étoit en lui de tenir une cour; combien avec un air dÉsinvolte il se trouvoit embarrassÉ et importunÉ du grand monde, et combien dans son particulier, et depuis dans sa solitude au milieu de la cour quand tout le monde l’eut dÉsertÉ, il se trouva destituÉ de toute espÈce de ressource avec tant de talents, qui en devoient Être une inÉpuisable d’amusements pour lui. Il Étoit nÉ ennuyÉ, et il Étoit si accoutumÉ À vivre hors de lui-mÊme, qu’il lui Étoit insupportable d’y rentrer, sans Être capable de chercher mÊme À s’occuper. Il ne pouvoit vivre que dans le mouvement et le torrent des affaires, comme À la tÊte d’une armÉe, ou dans les soins d’y avoir tout ce dont il auroit besoin pour les exÉcutions de la campagne, ou dans le bruit et la vivacitÉ de la dÉbauche. Il y languissoit dÈs qu’elle Étoit sans bruit et sans une sorte d’excÈs et de tumulte, tellement que son temps lui Étoit pÉnible À passer. Il se jeta dans la peinture aprÈs que le grand goÛt de la chimie fut passÉ ou amorti par tout ce qui s’en Étoit si cruellement publiÉ. Il peignoit presque toute l’aprÈs-dÎnÉe À Versailles et À Marly. Il se connoissoit fort en tableaux; il les aimoit; il en ramassoit et il en fit une Madame Étoit pleine de contes et de petits romans de fÉes: elle disoit qu’elles avoient toutes ÉtÉ conviÉes À ses couches, que toutes y Étoient venues, et que chacune avoit douÉ son fils d’un talent, de sorte qu’il les avoit tous; mais que par malheur on avoit oubliÉ une vieille fÉe disparue depuis si longtemps qu’on ne se souvenoit plus d’elle, qui, piquÉe de l’oubli, vint appuyÉe sur son petit bÂton, et n’arriva qu’aprÈs que toutes les fÉes eurent fait chacune leur don À l’enfant; que, dÉpitÉe de plus en plus, elle se vengea en le douant de rendre absolument inutiles tous les talents qu’il avoit reÇus de toutes les autres fÉes, d’aucun desquels, en les conservant tous, il n’avoit jamais pu se servir. Il faut avouer qu’À prendre la chose en gros le portrait est parlant[255]. Un des malheurs de ce prince Étoit d’Être incapable de suite dans rien, jusqu’À ne pouvoir comprendre qu’on en pÛt avoir. Un autre, dont j’ai dÉjÀ parlÉ, fut une espÈce d’insensibilitÉ qui le rendoit sans fiel dans les plus mortelles offenses et les plus dangereuses; et comme le nerf et le principe de la haine et de l’amitiÉ, de la reconnoissance et de la vengeance est le mÊme, et qu’il manquoit de ce ressort, les suites en Étoient infinies et pernicieuses. Il Étoit timide À l’excÈs, il le sentoit et il en avoit tant de honte qu’il affectoit tout le contraire, jusqu’À s’en piquer. Sa dÉfiance sans exception Étoit encore une chose infiniment dÉgoÛtante avec lui, surtout lorsqu’il fut À la tÊte des affaires, et le monstrueux unisson À ceux de sa familiaritÉ hors de dÉbauche. Ce dÉfaut, qui le mena loin, venoit tout À la fois de sa timiditÉ, qui lui faisoit craindre ses ennemis les plus certains, et les traiter avec plus de distinctions que ses amis, de sa facilitÉ naturelle, d’une fausse imitation d’Henri IV, dont cela mÊme n’est ni le plus beau ni le meilleur endroit, et de cette opinion malheureuse que la probitÉ Étoit une parure fausse, sans rÉalitÉ, d’oÙ lui venoit cette dÉfiance universelle. Il Étoit nÉanmoins trÈs persuadÉ de la mienne, jusque-lÀ qu’il me l’a souvent reprochÉe comme un dÉfaut et un prÉjugÉ d’Éducation qui m’avoit resserrÉ l’esprit et accourci les lumiÈres, et il m’en a dit autant de Mme de Saint-Simon, parce qu’il la croyoit vertueuse. Je lui avois aussi donnÉ des preuves d’attachement trop fortes, trop frÉquentes, On Étoit en automne. M. le duc d’OrlÉans avoit congÉdiÉ les Conseils pour une quinzaine. J’en profitois pour aller passer ce temps À la FertÉ; je venois de passer une heure seul avec lui, j’en avois pris congÉ et j’Étois revenu chez moi, oÙ, pour Être en repos, j’avois fermÉ ma porte. Au bout d’une heure au plus, on me vint dire que Biron[256] Étoit À la porte, qu’il ne se vouloit point laisser renvoyer, et qu’il disoit qu’il avoit ordre de M. le duc d’OrlÉans, qui l’envoyoit, de me parler de sa part. Il faut ajouter que mes deux fils avoient chacun un rÉgiment de cavalerie, et que tous les colonels Étoient lors par ordre À leurs corps. Je fis entrer Biron avec d’autant plus de surprise, que je ne faisois que de quitter M. le duc d’OrlÉans. Je demandai donc avec empressement ce qu’il y avoit de si nouveau. Biron fut embarrassÉ, et À son tour s’informa oÙ Étoit le marquis de Ruffec. Ma surprise fut encore plus grande; je lui demandai ce que cela vouloit dire. Biron, de plus en plus empÊtrÉ, m’avoua que M. le duc d’OrlÉans en Étoit inquiet, et l’envoyoit À moi pour le savoir. Je lui dis qu’il Étoit À son rÉgiment comme tous les autres, et logÉ dans BesanÇon chez M. de Levis[257], qui commandoit en Franche-ComtÉ. “Mais, me dit Biron, je le sais bien; n’auriez-vous point quelque lettre de lui?—Pourquoi faire? rÉpondis-je.—C’est que franchement, puisqu’il vous faut tout dire, M. le duc d’OrlÉans, me rÉpondit-il, voudroit voir de son Écriture.” Il m’ajouta que peu aprÈs que je l’eus quittÉ, il Étoit descendu dans le petit jardin de Mme la duchesse d’OrlÉans, laquelle Étoit À Montmartre; que la compagnie ordinaire, c’est-À-dire les rouÉs et les p...., s’y promenoient avec lui; qu’il Étoit venu un commis de A ce rÉcit je sentis un mÉlange de colÈre et de compassion, et je ne m’en contraignis pas avec Biron. Je n’avois point de lettres de mon fils, parce que je les brÛlois À mesure comme tous papiers inutiles. Je chargeai Biron de dire À M. le duc d’OrlÉans une partie de ce que je sentois; que je n’avois pas la plus lÉgÈre connoissance avec qui que ce fÛt en Espagne, et le lieu oÙ mon fils Étoit; que je le priois instamment de dÉpÊcher sur-le-champ un courrier À BesanÇon, pour le mettre en repos par ce qu’il lui rapporteroit. Biron, haussant les Épaules, me dit que tout cela Étoit bel et bon, mais que si je retrouvois quelque lettre du marquis de Ruffec, il me prioit de la lui envoyer sur-le-champ, et qu’il mettrait ordre qu’elle lui parvÎnt mÊme À table, malgrÉ l’exacte clÔture de leurs soupers. Je ne voulus pas retourner au Palais-Royal pour y faire une scÈne, et je renvoyai Biron. Heureusement Mme de Saint-Simon rentra quelque temps aprÈs; je lui contai l’aventure. Elle trouva une derniÈre lettre du marquis de Ruffec, que nous envoyÂmes À Biron. Elle perÇa jusqu’À table, comme il me l’avoit dit. M. le duc d’OrlÉans se jeta dessus avec empressement. L’admirable est qu’il ne connoissoit point son Écriture. Non-seulement il la regarda, mais il la lut; et comme il la trouva plaisante, il en rÉgala tout haut sa compagnie, dont elle devint l’entretien, et lui tout À coup affranchi de ses soupÇons. A mon retour de la FertÉ, je le trouvai honteux avec moi, et je le rendis encore davantage par ce que je lui dis lÀ-dessus. Il revint encore d’autres lettres de ce prÉtendu marquis de Ruffec. Il fut arrÊtÉ longtemps aprÈs À Bayonne, À table chez Dadoncourt, qui y commandoit, et qui en prit tout À coup la rÉsolution sur ce qu’il lui vit prendre des olives avec une fourchette. Il avoua au cachot qui il Étoit, et ses papiers dÉcelÈrent le libertinage du jeune homme La curiositÉ d’esprit de M. le duc d’OrlÉans, jointe À une fausse idÉe de fermetÉ et de courage, l’avoit occupÉ de bonne heure À chercher À voir le diable, et À pouvoir le faire parler. Il n’oublioit rien, jusqu’aux plus folles lectures, pour se persuader qu’il n’y a point de Dieu, et il croyoit le diable jusqu’À espÉrer de le voir et de l’entretenir. Ce contraste ne se peut comprendre, et cependant il est extrÊmement commun. Il y travailla avec toutes sortes de gens obscurs, et beaucoup avec Mirepoix, mort en 1699, sous-lieutenant des mousquetaires noirs, frÈre aÎnÉ du pÈre de Mirepoix, aujourd’hui lieutenant gÉnÉral et chevalier de l’ordre. Ils passoient les nuits dans les carriÈres de Vanves et de Vaugirard À faire des invocations. M. le duc d’OrlÉans m’a avouÉ qu’il n’avoit jamais pu venir À bout de rien voir ni entendre, et se dÉprit enfin de cette folie. Ce ne fut d’abord que par complaisance pour Mme d’Argenton, mais aprÈs par un rÉveil de curiositÉ, qu’il s’adonna À faire regarder dans un verre d’eau le prÉsent et le futur, dont j’ai rapportÉ sur son rÉcit des choses singuliÈres, et il n’Étoit pas menteur. Faux et menteur, quoique fort voisins, ne sont pas mÊme chose, et quand il lui arrivoit de mentir, ce n’Étoit jamais que, Quoique nous nous soyons souvent parlÉ sur la religion, oÙ, tant que j’ai pu me flatter de quelque espÉrance de le ramener, je me tournois de tout sens avec lui pour traiter cet important chapitre sans le rebuter, je n’ai jamais pu dÉmÊler le systÈme qu’il pouvoit s’Être forgÉ, et j’ai fini par demeurer persuadÉ qu’il flottoit sans cesse sans s’en Être jamais pu former. Son desir passionnÉ, comme celui de ses pareils en moeurs, Étoit qu’il n’y eÛt point de Dieu; mais il avoit trop de lumiÈre pour Être athÉe, qui sont une espÈce particuliÈre d’insensÉs bien plus rare qu’on ne croit. Cette lumiÈre l’importunoit, il cherchoit À l’Éteindre et n’en put venir À bout. Une Âme mortelle lui eÛt ÉtÉ une ressource; il ne rÉussit pas mieux dans les longs efforts qu’il fit pour se la persuader. Un Dieu existant et une Âme immortelle le jetoient en un fÂcheux dÉtroit, et il ne se pouvoit aveugler sur la vÉritÉ de l’un et de l’autre. Le dÉisme lui parut un refuge, mais ce dÉisme trouva en lui tant de combats, que je ne trouvai pas grand peine À le ramener dans le bon chemin, aprÈs que je l’eus fait rompre avec Mme d’Argenton. On a vu avec quelle bonne foi de sa part par ce qui en a ÉtÉ racontÉ. Elle s’accordoit avec ses lumiÈres dans cet intervalle de suspension de dÉbauche. Mais le malheur de son retour vers elle le rejeta d’oÙ il Étoit parti. Il n’entendit plus que le bruit des passions qui s’accompagna pour l’Étourdir encore des mÊmes propos d’impiÉtÉ, et de la folle affectation de l’impiÉtÉ. Je ne puis donc savoir que ce qu’il n’Étoit pas, sans pouvoir dire ce qu’il Étoit sur la religion. Mais je ne puis ignorer son extrÊme malaise sur ce grand point, et n’Être pas persuadÉ qu’il ne se fÛt jetÉ de lui-mÊme entre les mains de tous les prÊtres et de tous les capucins de la ville, qu’il faisoit trophÉe de tant mÉpriser, s’il Étoit tombÉ dans une maladie pÉrilleuse qui lui en auroit donnÉ le temps. Son grand foible en ce genre Étoit de se piquer d’impiÉtÉ et d’y vouloir surpasser les plus hardis. |