A MON VIEIL AMI LE COMMANDANT CHARLES LEMAIRE, ACTUELLEMENT DIRECTEUR DE L’INSTITUT SUPÉRIEUR COLONIAL À ANVERS Mon Cher Commandant, Vous souvenez-vous encore de la visite que je vous fis l’ÉtÉ dernier aux Sources FraÎches, aprÈs les cinq annÉes tragiques que nous avons vÉcues? Je m’en souviens encore comme si c’Était hier. Vous Étiez souffrant; je vous ai trouvÉ Étendu, accablÉ, affaibli, et je ressens encore la peine profonde que j’Éprouvai À cette minute prÉcise oÙ le contraste s’imposait À mon esprit entre l’État dans lequel je vous avais quittÉ en 1914 et celui dans lequel je vous retrouvais. Mais cette impression premiÈre, dont je garderai toujours un souvenir Ému, fut brÈve. Vous me parliez de votre nouvel ouvrage, traitant de l’enseignement rationnel, et dÉveloppiez la conception qui en forme la base. A mesure que vous avanciez, vous vous laissiez emporter par votre sujet et, redressÉ, vous parliez avec l’ardeur et le feu que je vous ai toujours connus, scandant vos phrases de gestes Énergiques et puissants. Je retrouvais en vous le soldat d’avant-garde enthousiaste et fort, tout vibrant de foi et de conviction, que vous n’avez jamais cessÉ d’Être. La nature, disiez-vous, est une source fÉconde d’enseignement et de mÉthode; elle est la seule institutrice Je vous ai ÉcoutÉ longuement et, en vous quittant, je me suis retrouvÉ dans ce dÉcor que vous avez choisi pour y concentrer votre attention sur les problÈmes auxquels vous avez voulu trouver une solution; je me suis retrouvÉ dans cette Fagne immense et admirable, au milieu de ces bruyÈres aux colorations chaudes, sur cette terre aux vastes horizons frangÉs de sapiniÈres, et, seul en face de la nature, de cette source Éternelle dont vous m’aviez parlÉ avec tant d’enthousiasme, j’entendais vos derniÈres paroles rÉsonner encore À mes oreilles.... Le jour mÊme j’Écrivis le premier chapitre de ce livre. Vous y retrouverez vos propres paroles et l’Écho qu’elles ont ÉveillÉ en moi. La nature doit-elle Être notre guide? Oui, sans aucun doute. Doit-elle Être notre seul guide? Sans aucun doute encore, non. La nature doit, disiez-vous, Être notre inspiratrice; nous devons, grÂce À nos capacitÉs acquises, appliquer les leÇons qu’elle nous donne en utilisant les forces qui sont inhÉrentes À l’Être humain. Comment passer du principe À son application? Dans quelle mesure faut-il puiser À la source naturelle, faire agir l’intelligence humaine et se servir de ses forces ‘subconscientes’? C’Était le point de dÉpart du livre que voici.... J’ai Écrit, il y a quelques annÉes, un livre, The Scientific Study and Teaching of Languages, auquel j’avais donnÉ la forme d’une Étude soulevant des questions nouvelles, sujettes À controverse et montrant qu’en rÉalitÉ la science de l’Étude des langues n’existait pas et qu’il Était grand temps de rassembler les matÉriaux et les Études permettant de lui donner un point de dÉpart sÉrieux. Ce livre traitait de la nature du langage et du processus de l’acquisition des langues ainsi que des divers types d’Étudiants et de leurs buts respectifs; il posait des principes et prÉsentait un ‘programme-type idÉal’ avec des modÈles de leÇons et un catalogue complet des mÉthodes de travail; il examinait longuement les programmes spÉciaux, les fonctions du professeur; il envisageait les problÈmes au point de vue de l’ÉlÈve et, aprÈs cet ensemble d’Études, il concluait par un appel À l’unitÉ et À la coopÉration de tous. Cet appel n’est pas restÉ sans rÉponse, et je suis heureux d’exprimer ici ma satisfaction pour les avis et les encouragements que m’a valus mon travail. Il m’a gagnÉ de nombreux amis et collaborateurs; il m’a mis en contact avec des ‘samideani’ (s’il m’est permis de me servir d’un des mots les plus connus des langues artificielles) et m’a ainsi montrÉ d’oÙ pourra venir l’aide prochaine. Je suis heureux du secours que ce livre a apportÉ À ceux qui en sentaient le besoin, et c’est pour moi un prÉcieux encouragement de savoir qu’il en est beaucoup qui travaillent dans la voie qui vient d’Être ouverte. Le livre que je prÉsente aujourd’hui ne couvre pas le mÊme champ que le prÉcÉdent. Ce n’est ni une Étude, ni une sÉrie de problÈmes avec leurs solutions. C’est un exposÉ de faits, prÉsumant que le lecteur admet, comme je les ai admis moi-mÊme, les principes fondamentaux du Il est vrai que dans The Scientific Study and Teaching of Languages j’ai consacrÉ soixante pages À l’examen de certains principes, mais quelques annÉes ont passÉ depuis que j’ai Écrit ces lignes, et pas mal de choses qui semblaient vagues À cette Époque se sont prÉcisÉes et dÉveloppÉes. Si je n’ai rien, ou peu de chose, À retrancher de ce travail, j’ai par contre beaucoup À ajouter et À revoir. J’ai voulu prÉsenter la matiÈre de mon nouvel ouvrage dans un ordre plus rigoureux que celui de l’Étude prÉcÉdente, bien qu’en lui-mÊme le nouveau livre soit moins technique et que la terminologie en soit moins spÉciale. En rÉalitÉ, le sujet traitÉ, comme tous les sujets d’ailleurs, se prÉsente plus simplement aprÈs une pÉriode de rÉflexion et d’incubation, et la forme actuelle a pour but prÉcisÉment de rÉaliser une prÉsentation populaire. Certains, j’en suis sÛr, estimeront que mon ouvrage n’est pas assez technique. Plusieurs amis m’ont suggÉrÉ avec insistance de prÉsenter le sujet au seul point de vue de la psychologie, d’autres de me servir exclusivement de termes scientifiques. Mais je n’ai pas pu me rallier À aucune de ces propositions parce que j’ai dÛ tenir compte de ce que mes lecteurs ne sont pas tous versÉs dans “la terminologie psychologique.” Au surplus, je sens que le sujet n’est pas mÛr pour subir une analyse dÉtaillÉe envisagÉe sous l’angle de la psychologie pure. De plus compÉtents que moi la tenteront peut-Être quand le moment sera venu. Pour l’instant, cette Étude n’apporterait pas l’aide pratique et immÉdiate que j’espÈre avoir rÉalisÉe dans les pages qui Je tiens À exprimer aussi ma reconnaissance À ceux qui m’ont aidÉ dans la prÉparation de ce travail. La collaboration de M. Morris Ginsberg (de University College, Londres) concernant “la formation et l’adaptation des habitudes” a ÉtÉ si prÉcieuse que je ne puis m’empÊcher de la souligner tout spÉcialement; j’espÈre qu’il approuvera la prÉsentation de ce sujet particulier. Les vues de M. H. Perera (de University College, Londres) sur la “parole intÉrieure” m’ont Également ÉtÉ fort utiles. Je dois des remerciements À Mrs Powers (Kingsmead Training Institution for Missionary Candidates), qui s’est chargÉe d’examiner le manuscrit phrase par phrase au point de vue de la clartÉ et de la prÉcision. A prÉsent, mon cher Commandant, permettez-moi de conclure: une idÉe que vous avez exprimÉe À un moment propice a dÉclanchÉ chez moi un ordre de pensÉes qui m’a conduit À Écrire l’ouvrage que je prÉsente aujourd’hui, et que je suis heureux de vous dÉdier. Harold E. Palmer |