L'HOSPITALITE DU PACHA. [21]

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Il y avait dans une ville d'Asie un riche marchand, un pacha. Cet homme Était aussi bon que riche, et il observait tous les commandements du Koran avec l'exactitude la plus scrupuleuse. Sa conduite Était si exemplaire que tout le monde l'admirait beaucoup, et on disait toujours en parlant de lui: "Il mÉrite toute la prospÉritÉ qu'Allah lui envoie."

Un jour le pacha Était assis dans son jardin. Il fumait sa longue pipe, et il souriait tout doucement en regardant ses nombreux enfants, qui jouaient autour de lui, et en admirant la grande beautÉ de ses femmes, car il en avait bon nombre comme tous les MahomÉtans riches.

Vers le soir les femmes et les enfants retournÈrent À leurs appartements, et le bon pacha, restÉ seul, rendit grÂces À Allah (c'est ainsi que les MahomÉtans appellent le bon Dieu) de lui avoir accordÉ tant de bÉnÉdictions. Tout À coup un serpent arriva en toute hÂte, en criant:

"Protection! Protection, au nom d'Allah!"

"Au nom d'Allah et du ProphÈte je vous donne ma protection," dit le brave pacha. "Mais qui Êtes-vous? D'oÙ venez-vous et pourquoi demandez-vous ma protection?"

"Je suis le roi des serpents, j'ai beaucoup d'ennemis, ils me poursuivent, et s'ils me trouvent ils me tueront! Cachez-moi, bon pacha, cachez-moi, au nom d'Allah!"

"TrÈs-bien," dit le pacha, "j'ai promis de vous protÉger; allez vous cacher sous mon divan!"

"Non! non!" dit le serpent. "Je suis sÛr que mes ennemis me trouveraient. Ils m'ont vu entrer dans votre maison, et ils seront bientÔt ici. Le seul moyen de bien me cacher, et de tenir votre parole de me protÉger au nom d'Allah et du ProphÈte, est celui-ci. Ouvrez la bouche toute grande, pacha, et permettez-moi de me cacher dans votre poitrine. Vite, vite; car j'entends mes ennemis qui arrivent en toute hÂte."

Le bon pacha pensa: "Le serpent est mon hÔte, et le Koran commande l'hospitalitÉ. Or on ne doit jamais refuser À un hÔte aucune requÊte, donc, bien que ce soit fort dÉsagrÉable de recevoir ce vilain serpent dans ma bouche, c'est mon devoir de le protÉger."

Le pacha ouvrit donc la bouche toute grande, et le serpent se glissa rapidement dans sa poitrine, juste au moment oÙ ses ennemis entraient dans le jardin, en criant:

"OÙ est notre ennemi? oÙ est le traÎtre? À mort, À mort, À mort!"

Le pacha leur demanda pourquoi ils criaient si fort. Ils rÉpondirent qu'ils avaient vu le serpent entrer dans la maison du pacha, et demandÈrent la permission de le chercher. Le pacha leur dit que sa maison et son jardin Étaient À leur service, et ils commencÈrent À chercher le serpent.

Ils cherchÈrent partout, ils allÈrent partout, ils regardÈrent dans tout, mais ils ne trouvÈrent pas le serpent, et ils partirent enfin en dÉclarant que le malin s'Était sans doute ÉchappÉ. Quand ils furent partis, le pacha dit au serpent:

"Sortez sans crainte, vos ennemis sont tous partis; sortez vite, car vous gÊnez les battements de mon coeur."

"Non; je ne sortirai pas sans avoir une bouchÉe de votre coeur ou de votre poumon. Choisissez!" dit le serpent cruel.

Le pacha lui reprocha son ingratitude, mais le serpent dit: "Que voulez-vous, mon cher pacha? C'est ma nature, et je suis vraiment bien bon de vous donner le choix. Mais, faites vite, car je suis bien pressÉ."

Le pacha dit alors: "Eh bien, puis qu'il n'y a aucune autre alternative, vous aurez le meilleur morceau de ma chair. Mais, permettez-moi de dire adieu À mes enfants, et d'arranger les choses de faÇon À donner À ma mort l'apparence d'un accident. Car, si on savait que je suis mort parce que j'ai obÉi au Koran, les hommes penseraient qu'il ne faut plus montrer d'hospitalitÉ À personne et ils cesseraient de pratiquer les vertus que le ProphÈte recommande."

Le serpent consentit À attendre encore un peu. Le pacha embrassa ses enfants, il arrangea ses affaires, il fit ses ablutions, puis il alla seul dans le jardin, et aprÈs avoir rÉcitÉ une derniÈre priÈre, il dit au serpent: "Maintenant faites votre volontÉ."

Au mÊme moment parut un jeune homme d'une beautÉ resplendissante, qui dit: "Pacha, confirmez votre foi. Prononcez trois fois le nom d'Allah, dÉtachez une feuille de cet arbre, posez-la sur votre bouche, et vous serez sauvÉ."

"Qui Êtes-vous donc?" demanda le pacha, tout surpris.

"Je suis l'ange de l'hospitalitÉ, et le ProphÈte m'a envoyÉ pour vous sauver!"

En disant ces mots le messager cÉleste disparut aussi promptement qu'il avait paru.

Le pacha ne douta cependant pas. Il cueillit une feuille de l'arbre, la posa sur sa bouche, prononÇa trois fois le nom d'Allah, et le serpent sortit de sa poitrine, noirci et calcinÉ par la justice divine, qui ne permet jamais que la vertu soit punie.

Le bon pacha qui avait ÉtÉ sauvÉ ainsi par un miracle, remercia tous les jours Allah de l'avoir sauvÉ de ce terrible danger. Il continua À vivre heureux, au milieu de sa famille, et recommanda tous les jours À ses enfants de ne pas oublier que le Koran commande l'hospitalitÉ. Cette recommandation fut rÉpÉtÉe par ses enfants À ses petits-enfants, et tous les descendants du pacha sont renommÉs pour leur hospitalitÉ.


                                                                                                                                                                                                                                                                                                           

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