Un homme avait perdu sa femme; il Était donc veuf, et il Était trÈs triste. Il avait une fille. Un jour il dit À sa fille: "Mon enfant, je suis triste, je vais me remarier." En effet il prit une seconde femme, mais elle n'Était pas bonne du tout. Elle Était trÈs cruelle, et elle battait toujours la pauvre fille quand le pÈre Était sorti. Un jour la mÉchante femme dit À la pauvre fille: "Ma fille, allez vite chez votre tante, ma soeur, et dites-lui de vous prÊter une aiguille et du fil, car je veux vous faire une robe." La jeune fille partit, mais elle alla d'abord visiter sa vraie tante; car elle avait peur de la soeur de sa belle-mÈre, qui s'appelait Baba-Iaga, et qui Était une sorciÈre renommÉe. La vraie tante lui donna toutes les instructions nÉcessaires, et alors elle alla chez la sorciÈre Baba-Iaga. La sorciÈre Était dans sa chaumiÈre (petite maison); elle Était trÈs occupÉe À filer. "Bonjour, ma tante," dit la jeune fille. "Ma belle-mÈre m'a envoyÉe pour vous prier de lui prÊter une aiguille et du fil pour me faire une robe." "TrÈs-bien," dit Baba-Iaga, "asseyez-vous lÀ, et filez un instant." La jeune fille s'assit À la place de Baba-Iaga, et commenÇa À filer. La sorciÈre alla dans la cuisine, et dit À sa servante: "Allez vite chauffer un bain, et lavez bien cette jeune fille, car j'ai l'intention de la manger À dÎner." La jeune fille entendit cet ordre cruel. Elle courut À la servante, et lui dit: "Ma bonne amie, voici un joli mouchoir pour vous, si vous allumez le feu et si vous versez l'eau dessus (sur le feu)." Quelques minutes plus tard la sorciÈre arriva À la fenÊtre, et cria: "Ma chÈre enfant, filez-vous?" "Mais oui, ma tante, je file," dit la jeune fille. La sorciÈre partit. La jeune fille donna un morceau de lard au chat, et dit: "Voulez-vous me dire comment on peut sortir d'ici?" "Oui," dit le chat. "VoilÀ un peigne et une serviette; prenez-les, et sauvez-vous vite. La sorciÈre vous poursuivra, et quand elle sera prÈs de vous, jetez la serviette; elle deviendra un large fleuve (riviÈre). Si la sorciÈre passe et s'approche de vous, jetez le peigne; il deviendra un bois si vaste et si Épais qu'elle ne pourra pas le traverser." La jeune fille prit le peigne et la serviette, et partit. Les chiens de la sorciÈre voulurent l'arrÊter. Elle leur jeta un morceau de pain, et ils la laissÈrent aller. Les portes voulurent aussi arrÊter la jeune fille; elle les graissa avec un peu de beurre qu'elle avait apportÉ, et les portes s'ouvrirent et la laissÈrent passer. Le chat prit sa place, et quand la sorciÈre cria: "Ma chÈre enfant, filez-vous?" le chat rÉpondit: "Mais oui, ma chÈre tante, je file." Mais bientÔt la sorciÈre arriva. Elle vit que le chat filait, et que la jeune fille s'Était sauvÉe. La sorciÈre battit le chat, et dit: "Pourquoi n'avez-vous pas crevÉ les yeux de la jeune fille?" "Oh," dit le chat, "je suis À votre service depuis longtemps, et vous ne m'avez jamais rien donnÉ. La jeune fille m'a donnÉ du lard!" La sorciÈre dit À la servante: "Pourquoi avez-vous versÉ de l'eau sur le feu? Pourquoi avez-vous permis À la jeune fille de se sauver?" "Oh," dit la servante, "la jeune fille est bonne; elle m'a donnÉ un mouchoir; vous ne m'avez jamais rien donnÉ." La sorciÈre dit aux portes: "Pourquoi avez-vous permis À la jeune fille de se sauver?" Les portes rÉpondirent: "La jeune fille est bonne; elle nous a graissÉes avec du beurre. Nous avons criÉ depuis des annÉes, et vous ne nous avez jamais rien donnÉ." La sorciÈre dit aux chiens: "Pourquoi avez-vous permis À la jeune fille de se sauver?" Les chiens rÉpondirent: "La jeune fille est bonne; elle nous a donnÉ du pain. Vous ne nous avez jamais rien donnÉ." Alors Baba-Iaga, la sorciÈre, partit en toute hÂte pour chercher la jeune fille; mais la jeune fille mit l'oreille À terre et entendit venir la sorciÈre. Elle jeta la serviette derriÈre elle, et À l'instant une large riviÈre commenÇa À couler. Quand la sorciÈre arriva À la riviÈre, elle Était furieuse. Elle retourna À la maison, conduisit ses boeufs À la riviÈre, et dit: "Mes boeufs, buvez l'eau, toute l'eau de la riviÈre afin que je puisse traverser." Quand les boeufs eurent bu toute l'eau de la riviÈre, la sorciÈre continua la poursuite. Mais quand la jeune fille l'entendit venir, elle jeta le peigne derriÈre elle, et À l'instant une forÊt Épaisse se trouva entre elle et la sorciÈre. La sorciÈre arriva. Elle vit la forÊt. Elle Était furieuse, mais elle ne pouvait pas la traverser. La jeune fille arriva À la maison, et son pÈre lui demanda: "OÙ avez-vous ÉtÉ, ma fille?" "Mon pÈre, ma belle-mÈre m'a envoyÉe chez la sorciÈre Baba-Iaga chercher une aiguille et du fil pour me faire une robe, et Baba-Iaga voulait me manger!" "Ma pauvre fille," dit l'homme, "comment avez-vous fait pour vous sauver?" La jeune fille raconta toute l'histoire À l'homme, qui entra dans une grande colÈre et renvoya sa femme. Quand la mÉchante femme fut partie, il fut trÈs heureux avec sa fille, qui devint une excellente mÉnagÈre. La jeune fille n'oublia cependant jamais ce que sa vraie tante lui avait dit, et quand elle fut mÈre elle rÉpÉta bien souvent À ses enfants, en leur racontant l'histoire de ses aventures chez Baba-Iaga: "Mes chers enfants, soyez toujours bons envers tous, et tout le monde sera bon envers vous. Si la sorciÈre avait bien traitÉ sa servante, son chat, ses portes et ses chiens, je ne serais certainement pas ici, car elle m'aurait mangÉe pour son dÎner." |