La question de l'infaillibilitÉ pontificale, devenue, contre l'attente universelle, l'objet capital du Concile du Vatican depuis son ouverture, ne semble pas toucher encore À une solution immÉdiate. Cette grave question qui devait, au dire de certains hommes, Être dÉfinie par acclamation dÈs les premiÈres sÉances du Concile, puis le jour de l'Epiphanie, puis, aprÈs de courts dÉbats, pour la fÊte de Saint Joseph ou le 25 Mars jour de l'Annonciation; diffÉrÉe de jour en jour À raison des Énormes difficultÉs qu'elle rencontre, À la grande surprise des partisans de l'infaillibilitÉ, doit enfin, nous dit-on, Être, sans nouveau dÉlai, rÉsolue solennellement le 29 Juin, jour de la fÊte du Prince des ApÔtres. Si telle est vÉritablement la pensÉe des PrÉsidents du Concile, il semble difficile qu'elle puisse se rÉaliser. Quelques jours seulement nous sÉparent de cette solennitÉ, et prÈs de cent orateurs sont inscrits pour traiter cette question devant le Concile. Dans cette situation, il faut qu'on choisisse entre trois partis: ou supprimer [pg 842] Supprimer, ou du moins restreindre la discussion de telle sorte que la conscience d'un nombre considÉrable de PÈres qui sentent vivement toute la gravitÉ de la question et les difficultÉs de tout genre dont elle est hÉrissÉe, ne soit pas pleinement satisfaite, ce serait violer toutes les rÈgles des dÉlibÉrations conciliares que nous voyons de siÈcle en siÈcle pratiquÉes avec la libertÉ et la maturitÉ la plus complÈte. Rien ne saurait dispenser d'un examen approfondi, lorsqu'il s'agit d'imposer un dogme nouveau À la croyance des fidÈles; et, au dire des thÉologiens, toute dÉfinition rendue sans une discussion prÉalable qui porte jusqu'À l'Évidence le caractÈre de doctrine rÉvÉlÉe dans le point mis en dÉlibÉration, demeure par cela mÊme frappÉe de nullitÉ. Il suffit de parcourir rapidement les actes des Conciles ŒcumÉniques pour se convaincre des patientes recherches, de la sage lenteur qu'ils out apportÉes À leurs dÉlibÉrations; et il est incontestable que les questions À rÉsoudre dans ces grandes assemblÉes Étaient loin de prÉsenter les difficultÉs qui se rencontrent dans celle qui s'agite en ce moment. Le monde ChrÉtien n'ignore pas cela, et il ne verrait pas d'un oeil indiffÉrent un jugement solennel, en une matiÈre qui touche À la constitution mÊme de l'Eglise, prononcÉ À la hÂte et par un coup de majoritÉ. [pg 843]Sans doute ceux qui tiennent dans leurs mains la direction du Concile, se persuadent que la question est depuis longtemps assez discutÉe pour qu'on sache À quoi s'en tenir sans de plus amples recherches; et, parce qu'À leurs yeux l'infaillibilitÉ du Pape est une vÉritÉ, ils regardent toute nouvelle discussion comme une pure formalitÉ que rien ne commande impÉrieusement. Mais par cela mÊme que la question est discutÉe depuis plusieurs siÈcles, et que l'on discute encore avec science, Érudition et bonne foi, il faut conclure Évidemment que la lumiÈre n'est pas encore faite À ce point qu'on puisse dire que telle est incontestablement la tradition antique et universelle. Si À leurs yeux l'infaillibilitÉ du Pape est une vÉritÉ certainement rÉvÉlÉe, et qu'ils tiennent À prÉcipiter la dÉfinition par Égard pour certaines impatiences, ils ont un moyen bien simple de les satisfaire, sans commettre une violation des lois conciliaires. Dans le systÈme ultramontain, le Pape Étant infaillible, et, du consentement de tous les catholiques, l'Église universelle ne pouvant jamais accepter l'erreur et y adhÉrer, toute dÉfinition ex cathedr sera immanquablement suivie de l'assentiment de tout le corps de l'Église. Pie ix., assure-t-on, est profondÉment convaincu de son infaillibilitÉ comme Pontife suprÊme. Eh bien! de deux choses l'une: ou il faut que le concile agisse en concile, et par consÉquent avec circonspection, pesant avec une attention scrupuleuse les raisons graves, les faits, les textes allÉguÉs de part et d'autre; ou le Pape, en vertu de son autoritÉ apostolique, par un acte des plus solennels, doit trancher [pg 844] L'État des esprits dans le Concile et hors du Concile, les discours prononcÉs, les Écrits nombreux publiÉs de part et d'autre, prouvent Évidemment, aux yeux de quiconque juge sans parti pris et avec une parfaite impartialitÉ, que la question, depuis 1682, pour ne pas remonter plus haut, n'a pas encore fait un seul pas; elle en est toujours au mÊme point. L'Étude la plus attentive de la Tradition n'a pas donnÉ de nouvelles lumiÈres À ceux qui sont capables de ces Études, et sans doute l'État de la question dans cette sphÈre mÉrite une attention tout exceptionnelle, et bien diffÉrente de celle que prÉtend attirer sur soi un enthousiasme factice ou irrÉflÉchi. |