Je viens de faire un grand voyage
Qui sur l'atlas n'est point tracÉ:
Pays perdu! dont le mirage
DerriÈre moi s'est effacÉ.
Le cap noir de la quarantaine
Met son ombre sur mon bateau
Couvert d'Écume et qui fait eau,
Mais dont je suis le capitaine.
Ai-je bien ou mal gouvernÉ?
Encor n'ai-je point fait naufrage:
Sur maint bas-fond si j'ai donnÉ,
J'ai vu de haut gronder l'orage.
Enfin, me voilÀ de retour
Du beau pays de l'EspÉrance,
Si vaste, au moins en apparence,
Et dont si vite on fait le tour.
C'est fini ! Ma riche banniÈre
Et ma voilure sont À bas!
Plus de fleurs À ma boutonniÈre,
Et plus de femmes À mon bras;
Vieillir! C'est la grande dÉfaite,
C'est la laideur et c'est l'affront,
C'est plus de rides À mon front
Et moins de cheveux À ma tÊte.
Oui, c'est la chose, et c'est mon tour.
O temps oÙ bouillonnaient les sÈves,
OÙ mes seuls dieux, l'Art et l'Amour,
Traversaient l'orgueil de mes rÊves!
D'avoir suivi leur vol vainqueur,
Je n'ai rapportÉ, pour ma peine,
Qu'un tout petit brin de verveine
Avec un grand trou noir au coeur;
Et seul, au coin de la fenÊtre
OÙ j'accoude mes longs ennuis,
Sachant ce que je pourrais Être,
Je pleure sur ce que je suis.