PRONONCE AUX FUNERAILLES DE L'AMIRAL SIR SIDNEY SMITH, PAR M. JULLIEN, DE PARIS, Son ancien ami et son CollÈgue, comme membre et prÉsident honoraire de plusieurs SociÉtÉs Savantes ou Philantropiques, le 29 Mai 1840. Messieurs, L'homme respectable auquel nous venons adresser un dernier adieu, ne fut pas seulement un marin et un guerrier cÉlÈbre; il fut surtout un ami constant, dÉvouÉ et chevaleresque de l'humanitÉ. Dans sa longue et aventureuse carriÈre qu'il a parcourue avec tant d'Éclat, il s'est moins distinguÉ encore par sa brillante valeur que par une loyautÉ et une gÉnÉrositÉ qui lui ont conquis les coeurs, mÊme de ses ennemis. NÉ a Londres le 21 Juin 1764, entrÉ au Service en 1777, avant l'Âge de 13 ans, comme simple novice (ÉlÈve de marine,) a bord d'une frÉgate stationnÉe sur les cÔtes de l'AmÉrique, pendant la guerre de l'indÉpendance, il passa, en 1779, sur le Sandwich, vaisseau de 90 canons, sur lequel l'Amiral Sir George Bridges Rodney arbora son pavillon de Commandement-en-Chef, et fit voile, le jour de noËl de cette mÊme annÉe, pour Gibraltar, et ensuite pour les Indes Occidentales, Sidney Smith fut successivement Lieutenant de vaisseau et Capitaine de corvette. Il prit part À tous les combats qui eurent lieu dans cet hÉmisphÈre jusqu'À la paix de 1783. En 1788, Sidney Smith passa en SuÈde, alors en guerre avec la Russie, ostensiblement comme volontaire auxiliaire, mais en rÉalitÉ comme Aide-de-Camp honoraire et intime du roi Gustave III. AprÈs avoir rendu, en cette En 1793, le jeune Smith se rendit comme volontaire en Turquie, oÙ il conduisit avec lui plusieurs constructeurs de vaisseaux. Peu aprÈs, il Était chargÉ d'un commandement dans la CroisiÈre Anglaise sur les cÔtes de France. Le 18 Avril 1796, ayant abordÉ un vaisseau FranÇais À la hauteur du IlaÎre, obligÉ par le courant de remonter la Seine, il fut fait prisonnier par des forces supÉrieures qui l'attaquÉrent; puis amenÉ À Paris, ou il resta deux ans dans le prisons de l'Abbaye et du Temple. EchappÉ de sa prison par l'intervention d'amis dÉvouÉs, il rejoignit la flotte Anglaise en 1798. La mÊme annÉe, appellÉ À commander les forces auxiliaires que La Grande-Bretagne mettaÌt À la disposition de la Turquie, oÙ son frÈre Sir Spencer Smith, Était Ministre PlÉnipotentiaire, auprÈs de lÀ Porte Ottomane, il se trouve le 1 Mars 1799, jusqu'au 20 Mai suivant, au siÈge mÉmorable de Saint Jean d'Acre, et co-opÈre puissamment À la dÉfense de cette place. Nous ne devons, en prÉsence d'un cercueil, rappeler que des souvenirs compatibles avec notre unanime sympathie pour notre illustre ami, Bornons-nous À dire que Sidney Smith se montra grand et magnanime envers les FranÇais faits prisonniers; il sut les garantir, par son Énergique volontÉ, des violences et de la barbarie Turques; il mÉrita leur estime et leur affection; et la loyautÈ FranÇaise aime À reconnÂitre que sa conduite, lors mÊme qu'il Était l'alliÉ de nos ennemis, fut noble et gÉnÉreuse envers ceux que le sort des armes mettait en sa puissance. Les gÉnÉraux Kleber et Desaix, qui entrÈrent en nÉgociation avec lui aprÈs le dÉpart de Bonaparte, ont apprÉciÉ sa droiture et son humanitÉ, et lui ont rendu justice. Sidney Smith, aprÈs avoir sauvÉ la vie de nos compatriotes, rendit intactes aux savans de l'expÉdition les caisses contenant les papiers et les cartes qui devaient servir À Écrire l'histoire de la campagne d'Egypte. Aussi, À la paix le gouvernement FranÇais, sur la proposition de la commission de l'institut Egyptien lui a offert un exemplaire de ce magnifique ouvrage, comme un tÉmoignage de la reconnaissance publique. AprÈs les ÉvÉnemens d'Egypte es de SyrÉe, oÙ Sidney Smith avait contribuÉ À mÉnager À l'armÉe FranÇaise des conditions honorables pour revenir dans sa patrie, il quitta lui-mÊme les parages de l'Orient, et se rendit en Angleterre oÙ il fut Élu membre de la Chambre des Communes, par la ville de Rochester, en 1802. Nous le voyons reparaÎtre, en 1803, avec un commandement sur les cÔtes de la France et de la Hollande. En 1807, il commande la flotte chargÉe de dÉfendre la Sicile. En 1806, il est envoyÉ À Constantinople oÙ il force les Dardanelles, au mois d'Octobre 1807, il commande les forces Anglaises mises À la disposition du Portugal; et le 29 Novembre suivant, une partÉe de sa flotte accompagne au Bresil la famille royale, qui va chercher au-delÀ des mers un asyle dans ses possessions Americaines. Dans ses relations avec les Rois et avec les princes souverains, comme avec les peuples et dans tous les pays oÙ le conduisit sa destinÉe aventureuse, Sidney Smith contracta d'honorables et d'illustres amitiÉs. Ce fut principalement en 1814, au CongrÈs de Vienne, qu'il fixa l'attention de tous les grands personnages rÉunie alors pour poster les vases de la Paix EuropÉenne, et qu'il reÇut de tous sans exception les hommages, d'une estime respectueuse. Il conÇut alors la pensÉe philantroprique de fonder, avec le concours des Monarques alliÉs, et de tous les hommes de bien qui partageaient ses vues, une institution anti-pirate, en association des chevaliers libÉrateurs des esclaves blancs et noirs en Afrique. Car, il avait souvent dÉplorÉ, dans ses commandement sur les diffÉrens points de la MediterranÉe, les actes cruels de la piraterie barbaresque, trop longtems tolÉrÉe par les puissances ChrÉtiennes, et il s'Était promis d'y mettre un terme. Plus de cent noms illustres remplirent les listes de souscription qu'il avait ouvertes. Il entretint, pendant plusieurs annÉes, une vaste et active correspondance, au moyen de laquelle il contribua puissamment À faire cesser les malheurs d'un grand nombre de victimes, des actes de piraterie qui jusqu'alors s'Étaient commis impunÉment et presque librement sous les yeux de l'Europe civilisÉe. Pendant les 25 annÉes de paix gÉnÉrale qui ont prÉcÉdÉ sa mort, le grand homme de guerre que nous pleurons aujourd'hui se montra constamment homme pacifique et bienfaisant, vÉritable cosmopolite, ami sincÈre de l'humanitÉ, en prenent ce mot dans sa plus complÈte acception. Au nombre des titre de gloire de l'Amiral, nous ne devons pas omettre la louable persÉvÉrance avec laquelle il s'est occupÉ de perfectionner les moyens de sauvetage et sa grande part À la fondation de la sociÈtÉ gÉnÉrale des naufrages, qui a donnÉ un plus grand dÈveloppement À ses vues bienfaisantes. Ainsi les passions humaines s'Éteignent en prÉsence d'un tombeau. Ainsi les nations abjurent de cruelles et injustes antipathies qui les ont trop longtemps divisÉes. Ainsi tous les hommes de bien, quelle que soit leur terre natale, se rÉunissent pour honorer l'homme qui, par ses vertus et ses actions, a servi avec dÉvouement les grands intÉrÊts de la famille humaine. |