MAN A MACHINE.

Il ne suffit pas À un sage d’Étudier la nature et la vÉritÉ; il doit oser la dire en faveur du petit nombre de ceux qui veulent et peuvent penser; car pour les autres, qui sont volontairement esclaves des prÉjugÉs, il ne leur est pas plus possible d’atteindre la vÉritÉ, qu’aux grenouilles de voler.

It is not enough for a wise man to study nature and truth; he should dare state truth for the benefit of the few who are willing and able to think. As for the rest, who are voluntarily slaves of prejudice, they can no more attain truth, than frogs can fly.

Je rÉduis À deux les systÈmes des philosophes sur l’Âme de l’homme. Le premier, et le plus ancien, est le systÈme du matÉrialisme; le second est celui du spiritualisme.

I reduce to two the systems of philosophy which deal with man’s soul. The first and older system is materialism; the second is spiritualism.

Les mÉtaphysiciens qui ont insinuÉ que la matiÈre pourrait bien avoir la facultÉ de penser, n’ont pas dÉshonorÉ leur raison. Pourquoi? C’est qu’ils ont cet avantage (car ici c’en est un) de s’Être mal exprimÉs. En effet, demander si la matiÈre peut penser, sans la considÉrer autrement qu’en elle-mÊme, c’est demander si la matiÈre peut marquer les heures. On voit d’avance que nous Éviterons cet Écueil, oÙ Mr. Locke a eu le malheur d’Échouer.

The metaphysicians who have hinted that matter may well be endowed with the faculty of thought1 have perhaps not reasoned ill. For there is in this case a certain advantage in their inadequate way of expressing their meaning. In truth, to ask whether matter can think, without considering it otherwise than in itself, is like asking whether matter can tell time. It may be foreseen that we shall avoid this reef upon which Locke had the bad luck to make shipwreck.

Les Leibniziens, avec leurs monades, ont ÉlevÉ une hypothÈse inintelligible. Ils ont plutÔt spiritualisÉ la matiÈre, que matÉrialisÉ l’Âme. Comment peut-on dÉfinir un Être dont la nature nous est absolument inconnue?

The Leibnizians with their monads have set up an unintelligible hypothesis. They have rather spiritualized matter than materialized the soul. How can we define a being whose nature is absolutely unknown to us?2

Descartes, et tous les CartÉsiens, parmi lesquels il y a longtemps qu’on a comptÉ les Malebranchistes, ont fait la mÊme faute. Ils ont admis deux substances distinctes dans l’homme, comme s’ils les avaient vues et bien comptÉes.

Descartes and all the Cartesians, among whom the followers of Malebranche have long been numbered, have made the same mistake. They have taken for granted two distinct substances in man, as if they had seen them, and positively counted them.

Les plus sages ont dit que l’Âme ne pouvait se connaÎtre que par les seules lumiÈres de la Foi: cependant, en qualitÉ d’Êtres raisonnables, ils ont cru pouvoir se rÉserver le droit d’examiner ce que l’Ecriture a voulu dire par le mot Esprit, dont elle se sert en parlant de l’Âme humaine; et dans leurs recherches, s’ils ne sont pas d’accord sur ce point avec les thÉologiens, ceux-ci le sont-ils davantage entr’eux sur tous les autres?

The wisest men have declared that the soul can not know itself save by the light of faith. However, as reasonable beings they have thought that they could reserve for themselves the right of examining what the Bible means by the word “spirit,” which it uses in speaking of the human soul. And if in their investigation, they do not agree with the theologians on this point, are the theologians more in agreement among themselves on all other points?

Voici en peu de mots le rÉsultat de toutes leurs rÉflexions.

S’il y a un Dieu, il est auteur de la Nature, comme de la RÉvÉlation; il nous a donnÉ l’une, pour expliquer l’autre; et la Raison, pour les accorder ensemble.

Se dÉfier des connaissances qu’on peut puiser dans les corps animÉs, c’est regarder la Nature et la RÉvÉlation comme deux contraires qui se dÉtruisent; et par consÉquent, c’est oser soutenir cette absurditÉ: que Dieu se contredit dans ses divers ouvrages, et nous trompe.

Here is the result in a few words, of all their reflections. If there is a God, He is the Author of nature as well as of revelation. He has given us the one to explain the other, and reason to make them agree.

To distrust the knowledge that can be drawn from the study of animated bodies, is to regard nature and revelation as two contraries which destroy each the other, and consequently to dare uphold the absurd doctrine, that God contradicts Himself in His various works and deceives us.

S’il y a une RÉvÉlation, elle ne peut donc dÉmentir la Nature. Par la Nature seule, on peut dÉcouvrir le sens des paroles de l’Evangile, dont l’expÉrience seule est la vÉritable interprÈte. En effet, les autres commentateurs jusqu’ici n’ont fait qu’embrouiller la vÉritÉ. Nous allons en juger par l’auteur du Spectacle de la Nature. “Il est Étonnant, dit-il (au sujet de Mr. Locke), qu’un homme qui dÉgrade notre Âme jusqu’À la croire une Âme de boue, ose Établir la Raison pour juge et souverain arbitre des mystÈres de la Foi; car, ajoute-t-il, quelle idÉe Étonnante aurait-on du Christianisme, si l’on voulait suivre la Raison?”

If there is a revelation, it can not then contradict nature. By nature only can we understand the meaning of the words of the Gospel, of which experience is the only true interpreter. In fact, the commentators before our time have only obscured the truth. We can judge of this by the author of the “Spectacle of Nature.”3 “It is astonishing,” he says concerning Locke, “that a man who degrades our soul far enough to consider it a soul of clay should dare set up reason as judge and sovereign arbiter of the mysteries of faith, for,” he adds, “what an astonishing idea of Christianity one would have, if one were to follow reason.”

Outre que ces rÉflexions n’Éclaircissent rien par rapport À la Foi, elles forment de si frivoles objections contre la mÉthode de ceux qui croient pouvoir interprÉter les Livres Saints, que j’ai presque honte de perdre le temps À les rÉfuter.

Not only do these reflections fail to elucidate faith, but they also constitute such frivolous objections to the method of those who undertake to interpret the Scripture, that I am almost ashamed to waste time in refuting them.

1º. L’excellence de la Raison ne dÉpend pas d’un grand mot vide de sens (l’immatÉrialitÉ); mais de sa force, de son Étendue, ou de sa clairvoyance. Ainsi une Âme de boue, qui dÉcouvrirait, comme d’un coup d’oeil, les rapports et les suites d’une infinitÉ d’idÉes difficiles À saisir, serait Évidemment prÉfÉrable À une Âme sotte et stupide qui serait faite des ÉlÉments les plus prÉcieux. Ce n’est pas Être philosophe, que de rougir avec Pline de la misÈre de notre origine. Ce qui parait vil, est ici la chose la plus prÉcieuse, et pour laquelle la nature semble avoir mis le plus d’art et le plus d’appareil. Mais comme l’homme, quand mÊme il viendrait d’une source encore plus vile en apparence, n’en serait pas moins le plus parfait de tous les Êtres, quelle que soit l’origine de son Âme, si elle est pure, noble, sublime, c’est une belle Âme, qui rend respectable quiconque en est douÉ.

The excellence of reason does not depend on a big word devoid of meaning (immateriality), but on the force, extent, and perspicuity of reason itself. Thus a “soul of clay” which should discover, at one glance, as it were, the relations and the consequences of an infinite number of ideas hard to understand, would evidently be preferable to a foolish and stupid soul, though that were composed of the most precious elements. A man is not a philosopher because, with Pliny, he blushes over the wretchedness of our origin. What seems vile is here the most precious of things, and seems to be the object of nature’s highest art and most elaborate care. But as man, even though he should come from an apparently still more lowly source, would yet be the most perfect of all beings, so whatever the origin of his soul, if it is pure, noble, and lofty, it is a beautiful soul which dignifies the man endowed with it.

La seconde maniÈre de raisonner de Mr. Pluche me parait vicieuse, mÊme dans son systÈme, qui tient un peu du fanatisme; car si nous avons une idÉe de la Foi, qui soit contraire aux principes les plus clairs, aux vÉritÉs les plus incontestables, il faut croire, pour l’honneur de la RÉvÉlation et de son Auteur, que cette idÉe est fausse, et que nous ne connaissons point encore les sens des paroles de l’Evangile.

Pluche’s second way of reasoning seems vicious to me, even in his system, which smacks a little of fanaticism; for [on his view] if we have an idea of faith as being contrary to the clearest principles, to the most incontestable truths, we must yet conclude, out of respect for revelation and its author, that this conception is false, and that we do not yet understand the meaning of the words of the Gospel.

De deux choses l’une; ou tout est illusion, tant la Nature mÊme, que la RÉvÉlation; ou l’expÉrience seule peut rendre raison de la Foi. Mais quel plus grand ridicule que celui de notre auteur? Je m’imagine entendre un pÉripatÉticien, qui dirait: “Il ne faut pas croire l’expÉrience de Toricelli: car si nous la croyions, si nous allions bannir l’horreur du vide, quelle Étonnante philosophie aurions-nous?”

Of the two alternatives, only one is possible: either everything is illusion, nature as well as revelation, or experience alone can explain faith. But what can be more ridiculous than the position of our author! Can one imagine hearing a Peripatetic say, “We ought not to accept the experiments of Torricelli,4 for if we should accept them, if we should rid ourselves of the horror of the void, what an astonishing philosophy we should have!”

J’ai fait voir combien le raisonnement de Mr. Pluche est vicieux,1 afin de prouver premiÈrement que s’il y a une RÉvÉlation, elle n’est point suffisamment dÉmontrÉe par la seule autoritÉ de l’Eglise et sans aucun examen de la Raison, comme le prÉtendent tous ceux qui la craignent. Secondement, pour mettre À l’abri de toute attaque la mÉthode de ceux qui voudraient suivre la voie que je leur ouvre, d’interprÉter les choses surnaturelles, incomprÉhensibles en soi, par les lumiÈres que chacun a reÇues de la nature.

L’expÉrience et l’observation doivent donc seules nous guider ici. Elles se trouvent sans nombre dans les Fastes des mÉdecins, qui ont ÉtÉ philosophes, et non dans les philosophes, qui n’ont pas ÉtÉ mÉdecins. Ceux-ci ont parcouru, ont ÉclairÉ le labyrinthe de l’homme; ils nous ont seuls dÉvoilÉ ces ressorts cachÉs sous des enveloppes qui dÉrobent À nos yeux tant de merveilles. Eux seuls, contemplant tranquillement notre Âme, l’ont mille fois surprise, et dans sa misÈre, et dans sa grandeur, sans plus la mÉpriser dans l’un de ces États, que l’admirer dans l’autre. Encore une fois, voilÀ les seuls physiciens qui aient droit de parler ici. Que nous diraient les autres, et surtout les thÉologiens? N’est-il pas ridicule de les entendre dÉcider sans pudeur, sur un sujet qu’ils n’ont point ÉtÉ À portÉe de connaÎtre, dont ils ont ÉtÉ au contraire entiÈrement dÉtournÉs par des Études obscures, qui les ont conduits À mille prÉjugÉs, et pour tout dire en un mot, au fanatisme, qui ajoute encore À leur ignorance dans le mÉcanisme des corps.

I have shown how vicious the reasoning of Pluche is1 in order to prove, in the first place, that if there is a revelation, it is not sufficiently demonstrated by the mere authority of the Church, and without any appeal to reason, as all those who fear reason claim: and in the second place, to protect against all assault the method of those who would wish to follow the path that I open to them, of interpreting supernatural things, incomprehensible in themselves, in the light of those ideas with which nature has endowed us. Experience and observation should therefore be our only guides here. Both are to be found throughout the records of the physicians who were philosophers, and not in the works of the philosophers who were not physicians. The former have traveled through and illuminated the labyrinth of man; they alone have laid bare to us those springs [of life] hidden under the external integument which conceals so many wonders from our eyes. They alone, tranquilly contemplating our soul, have surprised it, a thousand times, both in its wretchedness and in its glory, and they have no more despised it in the first estate, than they have admired it in the second. Thus, to repeat, only the physicians have a right to speak on this subject.5 What could the others, especially the theologians, have to say? Is it not ridiculous to hear them shamelessly coming to conclusions about a subject concerning which they have had no means of knowing anything, and from which on the contrary they have been completely turned aside by obscure studies that have led them to a thousand prejudiced opinions,—in a word, to fanaticism, which adds yet more to their ignorance of the mechanism of the body?

Mais, quoique nous ayons choisi les meilleurs guides, nous trouverons encore beaucoup d’Épines et d’obstacles dans cette carriÈre.

But even though we have chosen the best guides, we shall still find many thorns and stumbling blocks in the way.

L’homme est une machine si composÉe, qu’il est impossible de s’en faire d’abord une idÉe claire, et consÉquemment de la dÉfinir. C’est pourquoi toutes les recherches que les plus grands philosophes ont faites À priori, c’est À dire, en voulant se servir en quelque sorte des ailes de l’esprit, ont ÉtÉ vaines. Ainsi ce n’est qu’À posteriori, ou en cherchant À demÊler l’Âme comme au travers les organes du corps, qu’on peut, je ne dis pas dÉcouvrir avec Évidence la nature mÊme de l’homme, mais atteindre le plus grand degrÉ de probabilitÉ possible sur ce sujet.

Man is so complicated a machine6 that it is impossible to get a clear idea of the machine beforehand, and hence impossible to define it. For this reason, all the investigations have been vain, which the greatest philosophers have made À priori, that is to say, in so far as they use, as it were, the wings of the spirit. Thus it is only À posteriori or by trying to disentangle the soul from the organs of the body, so to speak, that one can reach the highest probability concerning man’s own nature, even though one can not discover with certainty what his nature is.

Prenons donc le bÂton de l’expÉrience, et laissons lÀ l’histoire de toutes les vaines opinions des philosophes. Etre aveugle, et croire pouvoir se passer de ce bÂton, c’est le comble de l’aveuglement. Qu’un moderne a bien raison de dire qu’il n’y a que la vanitÉ seule qui ne tire pas des causes secondes le mÊme parti que des premiÈres! On peut et on doit mÊme admirer tous ces beaux gÉnies dans leurs travaux les plus inutiles, les Descartes, les Malebranche, les Leibnitz, les Wolf, etc.; mais quel fruit, je vous prie, a-t-on retirÉ de leurs profondes mÉditations et de tous leurs ouvrages? CommenÇons donc et voyons, non ce qu’on a pensÉ, mais ce qu’il faut penser pour le repos de la vie.

Let us then take in our hands the staff of experience,7 paying no heed to the accounts of all the idle theories of philosophers. To be blind and to think that one can do without this staff is the worst kind of blindness. How truly a contemporary writer says that only vanity fails to gather from secondary causes the same lessons as from primary causes! One can and one even ought to admire all these fine geniuses in their most useless works, such men as Descartes, Malebranche, Leibniz, Wolff and the rest, but what profit, I ask, has any one gained from their profound meditations, and from all their works? Let us start out then to discover not what has been thought, but what must be thought for the sake of repose in life.

Autant de tempÉraments, autant d’esprits, de caractÈres et de moeurs diffÉrentes. Galien mÊme a connu cette vÉritÉ, que Descartes, et non Hippocrate, comme le dit l’auteur de l’histoire de l’Ame, a poussÉe loin, jusqu’À dire que la mÉdecine seule pouvait changer les esprits et les moeurs avec le corps. Il est vrai, la mÉlancolie, la bile, le phlegme, le sang etc., suivant la nature, l’abondance et la diverse combinaison de ces humeurs, de chaque homme font un homme diffÉrent.

There are as many different minds, different characters, and different customs, as there are different temperaments. Even Galen8 knew this truth which Descartes carried so far as to claim that medicine alone can change minds and morals, along with bodies. (By the writer of “L’histoire de l’Âme,”9 this teaching is incorrectly attributed to Hippocrates.10) It is true that melancholy, bile, phlegm, blood etc.—according to the nature, the abundance, and the different combination of these humors—make each man different from another.11

Dans les maladies, tantÔt l’Âme s’Éclipse et ne montre aucun signe d’elle-mÊme; tantÔt on dirait qu’elle est double, tant la fureur la transporte; tantÔt l’imbÉcilitÉ se dissipe: et la convalescence d’un sot fait un homme d’esprit. TantÔt le plus beau gÉnie devenu stupide, ne se reconnait plus. Adieu toutes ces belles connaissances acquises À si grands frais, et avec tant de peine!

Ici c’est un paralytique, qui demande si sa jambe est dans son lit: lÀ c’est un soldat qui croit avoir le bras qu’on lui a coupÉ. La mÉmoire de ses anciennes sensations, et du lieu oÙ son Âme les rapportait, fait son illusion et son espÈce de dÉlire. Il suffit de lui parler de cette partie qui lui manque, pour lui en rappeller et faire sentir tous les mouvements; ce qui se fait avec je ne sais quel dÉplaisir d’imagination qu’on ne peut exprimer.

Celui-ci pleure, comme un enfant, aux approches de la mort, que celui-lÀ badine. Que fallait-il À Caius Julius, À SÉnÈque, À PÉtrone pour changer leur intrÉpiditÉ en pusillanimitÉ ou en poltronnerie? Une obstruction dans la rate, dans le foie, un embarras dans la veine porte. Pourquoi? Parceque l’imagination se bouche avec les viscÈres; et de lÀ naissent tous ces singuliers phÉnomÈnes de l’affection hystÉrique et hypocondriaque.

In disease the soul is sometimes hidden, showing no sign of life; sometimes it is so inflamed by fury that it seems to be doubled; sometimes, imbecility vanishes and the convalescence of an idiot produces a wise man. Sometimes, again, the greatest genius becomes imbecile and loses the sense of self. Adieu then to all that fine knowledge, acquired at so high a price, and with so much trouble! Here is a paralytic who asks if his leg is in bed with him; there is a soldier who thinks that he still has the arm which has been cut off. The memory of his old sensations, and of the place to which they were referred by his soul, is the cause of his illusion, and of this kind of delirium. The mere mention of the member which he has lost is enough to recall it to his mind, and to make him feel all its motions; and this causes him an indefinable and inexpressible kind of imaginary suffering. This man cries like a child at death’s approach, while this other jests. What was needed to change the bravery of Caius Julius, Seneca, or Petronius into cowardice or faintheartedness? Merely an obstruction in the spleen, in the liver, an impediment in the portal vein? Why? Because the imagination is obstructed along with the viscera, and this gives rise to all the singular phenomena of hysteria and hypochondria.

Que dirais-je de nouveau sur ceux qui s’imaginent Être transformÉs en loups-garous, en coqs, en vampires, qui croient que les morts les sucent? Pourquoi m’arrÊterais-je À ceux qui voient leur nez, ou autres membres, de verre, et À qui il faut conseiller de coucher sur la paille, de peur qu’ils ne se cassent, afin qu’ils en retrouvent l’usage et la vÉritable chair, lorsque mettant le feu À la paille on leur fait craindre d’Être brÛlÉs: frayeur qui a quelquefois guÉri la paralysie? Je dois lÉgÈrement passer sur des choses connues de tout le monde.

What can I add to the stories already told of those who imagine themselves transformed into wolf-men, cocks or vampires, or of those who think that the dead feed upon them? Why should I stop to speak of the man who imagines that his nose or some other member is of glass? The way to help this man regain his faculties and his own flesh-and-blood nose is to advise him to sleep on hay, lest he break the fragile organ, and then to set fire to the hay that he may be afraid of being burned—a fear which has sometimes cured paralysis. But I must touch lightly on facts which everybody knows.

Je ne serai pas plus long sur le dÉtail des effets du sommeil. Voyez ce soldat fatiguÉ! il ronfle dans la tranchÉe, au bruit de cent piÈces de canons! Son Âme n’entend rien, son sommeil est une parfaite apoplexie. Une bombe va l’Écraser; il sentira peut-Être moins ce coup qu’un insecte qui se trouve sous le pied.

Neither shall I dwell long on the details of the effects of sleep. Here a tired soldier snores in a trench, in the middle of the thunder of hundreds of cannon. His soul hears nothing; his sleep is as deep as apoplexy. A bomb is on the point of crushing him. He will feel this less perhaps than he feels an insect which is under his foot.

D’un autre cÔtÉ, cet homme que la jalousie, la haine, l’avarice ou l’ambition dÉvore, ne peut trouver aucun repos. Le lieu le plus tranquille, les boissons les plus fraÎches et les plus calmantes, tout est inutile À qui n’a pas dÉlivrÉ son coeur du tourment des passions.

On the other hand, this man who is devoured by jealousy, hatred, avarice, or ambition, can never find any rest. The most peaceful spot, the freshest and most calming drinks are alike useless to one who has not freed his heart from the torment of passion.

L’Âme et le corps s’endorment ensemble. A mesure que le mouvement du sang se calme, un doux sentiment de paix et de tranquillitÉ se rÉpand dans toute la machine; l’Âme se sent mollement s’appesantir avec les paupiÈres et s’affaisser avec les fibres du cerveau: elle devient ainsi peu À peu comme paralytique, avec tous les muscles du corps. Ceux-ci ne peuvent plus porter le poids de la tÊte; celle lÀ ne peut plus soutenir le fardeau de la pensÉe; elle est dans le sommeil, comme n’Étant point.

The soul and the body fall asleep together. As the motion of the blood is calmed, a sweet feeling of peace and quiet spreads through the whole mechanism. The soul feels itself little by little growing heavy as the eyelids droop, and loses its tenseness, as the fibres of the brain relax; thus little by little it becomes as if paralyzed and with it all the muscles of the body. These can no longer sustain the weight of the head, and the soul can no longer bear the burden of thought; it is in sleep as if it were not.

La circulation se fait-elle avec trop de vitesse? l’Âme ne peut dormir. L’Âme est-elle trop agitÉe, le sang ne peut se calmer; il galope dans les veines avec un bruit qu’on entend: telles sont les deux causes rÉciproques de l’insomnie. Une seule frayeur dans les songes fait battre le coeur À coups redoublÉs, et nous arrache À la nÉcessitÉ, ou À la douceur du repos, comme feraient une vive douleur ou des besoins urgents. Enfin, comme la seule cessation des fonctions de l’Âme procure le sommeil, il est, mÊme pendant la veille (qui n’est alors qu’une demi-veille), des sortes de petits sommeils d’Âme trÈs frÉquents, des rÊves À la Suisse, qui prouvent que l’Âme n’attend pas toujours le corps pour dormir; car si elle ne dort pas tout-À-fait, combien peu s’en faut-il! puisqu’il lui est impossible d’assigner un seul objet auquel elle ait prÊtÉ quelque attention, parmi cette foule innombrable d’idÉes confuses, qui comme autant de nuages remplissent, pour ainsi dire, l’atmosphÈre de notre cerveau.

Is the circulation too quick? the soul can not sleep. Is the soul too much excited? the blood can not be quieted: it gallops through the veins with an audible murmur. Such are the two opposite causes of insomnia. A single fright in the midst of our dreams makes the heart beat at double speed and snatches us from needed and delicious repose, as a real grief or an urgent need would do. Lastly as the mere cessation of the functions of the soul produces sleep, there are, even when we are awake (or at least when we are half awake), kinds of very frequent short naps of the mind, vergers’ dreams, which show that the soul does not always wait for the body to sleep. For if the soul is not fast asleep, it surely is not far from sleep, since it can not point out a single object to which it has attended, among the uncounted number of confused ideas which, so to speak, fill the atmosphere of our brains like clouds.

L’opium a trop de rapport avec le sommeil qu’il procure, pour ne pas le placer ici. Ce remÈde enivre, ainsi que le vin, le cafÉ, et chacun À sa maniÈre, et suivant sa dose. Il rend l’homme heureux dans un État qui semblerait devoir Être le tombeau du sentiment, comme il est l’image de la mort. Quelle douce lÉthargie! L’Âme n’en voudrait jamais sortir. Elle Était en proie aux plus grandes douleurs; elle ne sent plus que le seul plaisir de ne plus suffrir et de jouir de la plus charmante tranquillitÉ. L’opium change jusqu’À la volontÉ; il force l’Âme qui voulait veiller et se divertir, d’aller se mettre au lit malgrÉ elle. Je passe sous silence l’histoire des poisons.

Opium is too closely related to the sleep it produces, to be left out of consideration here. This drug intoxicates, like wine, coffee, etc., each in its own measure and according to the dose.12 It makes a man happy in a state which would seemingly be the tomb of feeling, as it is the image of death. How sweet is this lethargy! The soul would long never to emerge from it. For the soul has been a prey to the most intense sorrow, but now feels only the joy of suffering past, and of sweetest peace. Opium even alters the will, forcing the soul which wished to wake and to enjoy life, to sleep in spite of itself. I shall omit any reference to the effect of poisons.

C’est en fouettant l’imagination, que le cafÉ, cet antidote du vin, dissipe nos maux de tÊte et nos chagrins, sans nous en mÉnager, comme cette liqueur, pour le lendemain.

Contemplons l’Âme dans ses autres besoins.

Coffee, the well-known antidote for wine, by scourging the imagination, cures our headaches and scatters our cares without laying up for us, as wine does, other headaches for the morrow. But let us contemplate the soul in its other needs.

Le corps humain est une machine qui monte elle-mÊme ses ressorts; vivante image du mouvement perpÉtuel. Les aliments entretiennent ce que la fiÈvre excite. Sans eux l’Âme languit, entre en fureur et meurt abattue. C’est une bougie dont la lumiÈre se ranime, au moment de s’Éteindre. Mais nourrissez le corps, versez dans ses tuyaux des sucs vigoureux, des liqueurs fortes; alors l’Âme gÉnÉreuse comme elles s’arme d’un fier courage et le soldat que l’eau eut fait fuir, devenu fÉroce, court gaiement À la mort au bruit des tambours. C’est ainsi que l’eau chaude agite un sang que l’eau froide eut calmÉ.

The human body is a machine which winds its own springs. It is the living image of perpetual movement. Nourishment keeps up the movements which fever excites. Without food, the soul pines away, goes mad, and dies exhausted. The soul is a taper whose light flares up the moment before it goes out. But nourish the body, pour into its veins life-giving juices and strong liquors, and then the soul grows strong like them, as if arming itself with a proud courage, and the soldier whom water would have made flee, grows bold and runs joyously to death to the sound of drums. Thus a hot drink sets into stormy movement the blood which a cold drink would have calmed.

Quelle puissance d’un repas! La joie renaÎt dans un coeur triste; elle passe dans l’Âme des convives qui l’expriment par d’aimables chansons, oÙ les FranÇais excellent. Le mÉlancolique seul est accablÉ, et l’homme d’Étude n’y est plus propre.

What power there is in a meal! Joy revives in a sad heart, and infects the souls of comrades, who express their delight in the friendly songs in which the Frenchman excels. The melancholy man alone is dejected, and the studious man is equally out of place [in such company].

La viande crue rend les animaux fÉroces; les hommes le deviendraient par la mÊme nourriture; cela est si vrai, que la nation anglaise, qui ne mange pas la chair si cuite que nous, mais rouge et sanglante, parait participer de cette fÉrocitÉ plus ou moins grande, qui vient en partie de tels aliments, et d’autres causes, que l’Éducation peut seule rendre impuissantes. Cette fÉrocitÉ produit dans l’Âme l’orgueil, la haine, le mÉpris des autres nations, l’indocilitÉ et autres sentiments, qui dÉpravent le caractÈre, comme des aliments grossiers font un esprit lourd, Épais, dont la paresse et l’indolence sont les attributs favoris.

Raw meat makes animals fierce, and it would have the same effect on man. This is so true that the English who eat meat red and bloody, and not as well done as ours, seem to share more or less in the savagery due to this kind of food, and to other causes which can be rendered ineffective by education only. This savagery creates in the soul, pride, hatred, scorn of other nations, indocility and other sentiments which degrade the character, just as heavy food makes a dull and heavy mind whose usual traits are laziness and indolence.

Mr. Pope a bien connu tout l’empire de la gourmandise, lorsqu’il dit: “Le grave Catius parle toujours de vertu, et croit que, qui souffre les vicieux est vicieux lui-mÊme. Ces beaux sentiments durent jusqu’À l’heure du diner; alors il prÉfÈre un scÉlÉrat, qui a une table dÉlicate, À un saint frugal.

Pope understood well the full power of greediness when he said:13

“Catius is ever moral, ever grave,

Thinks who endures a knave is next a knave,

Save just at dinner—then prefers no doubt,

A rogue with ven’son to a saint without.”

“ConsidÉrez, dit-il ailleurs, le mÊme homme en santÉ, ou en maladie; possÉdant une belle charge, ou l’ayant perdue; vous le verrez chÉrir la vie, ou la dÉtester, fou À la chasse, ivrogne dans une assemblÉe de province, poli au bal, bon ami en ville, sans foi À la cour.”

Elsewhere he says:

“See the same man in vigor, in the gout

Alone, in company, in place or out,

Early at business and at hazard late,

Mad at a fox chase, wise at a debate,

Drunk at a borough, civil at a ball,

Friendly at Hackney, faithless at White Hall.”

Nous avons eu en Suisse un bailli, nommÉ Steiguer de Wittighofen; il Était À jeÛn le plus intÈgre et mÊme le plus indulgent des juges; mais malheur au misÉrable qui se trouvait sur la sellette, lorsqu’il avait fait un grand diner! Il Était homme À faire pendre l’innocent, comme le coupable.

In Switzerland we had a bailiff by the name of M. Steigner de Wittighofen. When he fasted he was a most upright and even a most indulgent judge, but woe to the unfortunate man whom he found on the culprit’s bench after he had had a large dinner! He was capable of sending the innocent like the guilty to the gallows.

Nous pensons, et mÊme nous ne sommes honnÊtes gens, que comme nous sommes gais, ou braves; tout dÉpend de la maniÈre dont notre machine est montÉe. On dirait en certains moments que l’Âme habite dans l’estomac, et que Van Helmont, en mettant son siÈge dans le pylore, ne se serait trompÉ qu’en prenant la partie pour le tout.

We think we are, and in fact we are, good men, only as we are gay or brave; everything depends on the way our machine is running. One is sometimes inclined to say that the soul is situated in the stomach, and that Van Helmont,14 who said that the seat of the soul was in the pylorus, made only the mistake of taking the part for the whole.

A quels excÈs la faim cruelle peut nous porter! Plus de respect pour les entrailles auxquelles on doit ou on a donnÉ la vie; on les dÉchire À belles dents, on s’en fait d’horribles festins; et dans la fureur dont on est transportÉ, le plus faible est toujours la proie du plus fort.

La grossesse, cette Émule dÉsirÉe des pÂles couleurs, ne se contente pas d’amener le plus souvent À sa suite les goÛts dÉpravÉs qui accompagnent ces deux États: elle a quelquefois fait exÉcuter À l’Âme les plus affreux complots; effets d’une manie subite, qui Étouffe jusqu’À la loi naturelle. C’est ainsi que le cerveau, cette matrice de l’esprit, se pervertit À sa maniÈre, avec celle du corps.

Quelle autre fureur d’homme ou de femme, dans ceux que la continence et la santÉ poursuivent! C’est peu pour cette fille timide et modeste d’avoir perdu toute honte et toute pudeur; elle ne regarde plus l’inceste, que comme une femme galante regarde l’adultÈre. Si ses besoins ne trouvent pas de prompts soulagements, ils ne se borneront point aux simples accidents d’une passion utÉrine, À la manie, etc.; cette malheureuse mourra d’un mal, dont il y a tant de mÉdecins.

To what excesses cruel hunger can bring us! We no longer regard even our own parents and children. We tear them to pieces eagerly and make horrible banquets of them; and in the fury with which we are carried away, the weakest is always the prey of the strongest....

Il ne faut que des yeux pour voir l’influence nÉcessaire de l’Âge sur la raison. L’Âme suit les progrÈs du corps, comme ceux de l’Éducation. Dans le beau sexe, l’Âme suit encore la dÉlicatesse du tempÉrament: de lÀ cette tendresse, cette affection, ces sentiments vifs, plutÔt fondÉs sur la passion que sur la raison, ces prÉjugÉs, ces superstitions, dont la forte empreinte peut À peine s’effacer, etc. L’homme, au contraire, dont le cerveau et les nerfs participent de la fermetÉ de tous les solides, a l’esprit, ainsi que les traits du visage, plus nerveux: l’Éducation, dont manquent les femmes, ajoute encore de nouveaux degrÉs de force À son Âme. Avec de tels secours de la nature et de l’art, comment ne serait-il pas plus reconnaissant, plus gÉnÉreux, plus constant en amitiÉ, plus ferme dans l’adversitÉ? etc. Mais, suivant À peu prÈs la pensÉe de l’auteur des Lettres sur les Physionomies, qui joint les grÂces de l’esprit et du corps À presque tous les sentiments du coeur les plus tendres et les plus dÉlicats ne doit point nous envier une double force, qui ne semble avoir ÉtÉ donnÉe À l’homme, l’une, que pour se mieux pÉnÉtrer des attraits de la beautÉ, l’autre, que pour mieux servir À ses plaisirs.

One needs only eyes to see the necessary influence of old age on reason. The soul follows the progress of the body, as it does the progress of education. In the weaker sex, the soul accords also with delicacy of temperament, and from this delicacy follow tenderness, affection, quick feelings due more to passion than to reason, prejudices, and superstitions, whose strong impress can hardly be effaced. Man, on the other hand, whose brain and nerves partake of the firmness of all solids, has not only stronger features but also a more vigorous mind. Education, which women lack, strengthens his mind still more. Thus with such help of nature and art, why should not a man be more grateful, more generous, more constant in friendship, stronger in adversity? But, to follow almost exactly the thought of the author of the “Lettres sur la Physiognomie,”15 the sex which unites the charms of the mind and of the body with almost all the tenderest and most delicate feelings of the heart, should not envy us the two capacities which seem to have been given to man, the one merely to enable him better to fathom the allurements of beauty, and the other merely to enable him to minister better to its pleasures.

Il n’est pas plus nÉcessaire d’Être aussi grand physionomiste que cet auteur pour deviner la qualitÉ de l’esprit par la figure ou la forme des traits, lorsqu’ils sont marquÉs jusqu’À un certain point, qu’il ne l’est d’Être grand mÉdecin pour connaÎtre un mal accompagnÉ de tous ses symptomes Évidents. Examinez les portraits de Locke, de Steele, de Boerhaave, de Maupertuis, etc. vous ne serez point surpris de leur trouver des physionomies fortes, des yeux d’aigle. Parcourez-en une infinitÉ d’autres, vous distinguerez toujours le beau du grand gÉnie, et mÊme souvent l’honnÊte homme du fripon. On a remarquÉ, par exemple, qu’un poÈte cÉlÈbre rÉunit (dans son portrait) l’air d’un filou, avec le feu de PromÉthÉe.

It is no more necessary to be just as great a physiognomist as this author, in order to guess the quality of the mind from the countenance or the shape of the features, provided these are sufficiently marked, than it is necessary to be a great doctor to recognize a disease accompanied by all its marked symptoms. Look at the portraits of Locke, of Steele, of Boerhaave,16 of Maupertuis,17 and the rest, and you will not be surprised to find strong faces and eagle eyes. Look over a multitude of others, and you can always distinguish the man of talent from the man of genius, and often even an honest man from a scoundrel. For example, it has been noticed that a celebrated poet combines (in his portrait) the look of a pickpocket with the fire of Prometheus.

L’histoire nous offre un mÉmorable exemple de la puissance de l’air. Le fameux Duc de Guise Était si fort convaincu que Henri III. qui l’avait eu tant de fois en son pouvoir, n’oserait jamais l’assassiner, qu’il partit pour Blois. Le chancelier Chyverni apprenant son dÉpart, s’Écria: voilÀ un homme perdu! Lorsque sa fatale prÉdiction fut justifiÉe par l’ÉvÉnement, on lui en demanda la raison. Il y a vingt ans, dit-il, que je connais le Roi; il est naturellement bon et mÊme faible; mais j’ai observÉ qu’un rien l’impatiente et le met en fureur, lorsqu’il fait froid.

History provides us with a noteworthy example of the power of temperature. The famous Duke of Guise was so strongly convinced that Henry the Third, in whose power he had so often been, would never dare assassinate him, that he went to Blois. When the Chancelor Chiverny learned of the duke’s departure, he cried, “He is lost.” After this fatal prediction had been fulfilled by the event, Chiverny was asked why he made it. “I have known the king for twenty years,” said he; “he is naturally kind and even weakly indulgent, but I have noticed that when it is cold, it takes nothing at all to provoke him and send him into a passion.”

Tel peuple a l’esprit lourd et stupide; tel autre l’a vif, lÉger, pÉnÉtrant. D’oÙ cela vient-il, si ce n’est en partie, et de la nourriture qu’il prend, et de la semence de ses pÈres,2 et de ce chaos de divers ÉlÉments qui nagent dans l’immensitÉ de l’air? L’esprit a, comme le corps, ses maladies ÉpidÉmiques et son scorbut.

One nation is of heavy and stupid wit, and another quick, light and penetrating. Whence comes this difference, if not in part from the difference in foods, and difference in inheritance,2 and in part from the mixture of the diverse elements which float around in the immensity of the void? The mind, like the body, has its contagious diseases and its scurvy.

Tel est l’empire du climat, qu’un homme qui en change se ressent malgrÉ lui de ce changement. C’est une plante ambulante, qui s’est elle-mÊme transplantÉe; si le climat n’est plus le mÊme, il est juste qu’elle dÉgÉnÈre, ou s’amÉliore.

Such is the influence of climate, that a man who goes from one climate to another, feels the change, in spite of himself. He is a walking plant which has transplanted itself; if the climate is not the same, it will surely either degenerate or improve.

On prend tout encore de ceux avec qui l’on vit, leurs gestes, leurs accents, etc., comme la paupiÈre se baisse À la menace du coup dont on est prÉvenu, ou par la mÊme raison que le corps du spectateur imite machinalement, et malgrÉ lui, tous les mouvements d’un bon pantomime.

Furthermore, we catch everything from those with whom we come in contact; their gestures, their accent, etc.; just as the eyelid is instinctively lowered when a blow is foreseen, or as (for the same reason) the body of the spectator mechanically imitates, in spite of himself, all the motions of a good mimic.18

Ce que je viens de dire prouve que la meilleure compagnie pour un homme d’esprit, est la sienne, s’il n’en trouve une semblable. L’esprit se rouille avec ceux qui n’en ont point, faute d’Être exercÉ: À la paume, on renvoie mal la balle À qui la sert mal. J’aimerais mieux un homme intelligent, qui n’aurait eu aucune Éducation, que s’il en eÛt eu une mauvaise, pourvu qu’il fÛt encore assez jeune. Un esprit mal conduit est un acteur que la province a gÂtÉ.

From what I have just said, it follows that a brilliant man is his own best company, unless he can find other company of the same sort. In the society of the unintelligent, the mind grows rusty for lack of exercise, as at tennis a ball that is served badly is badly returned. I should prefer an intelligent man without an education, if he were still young enough, to a man badly educated. A badly trained mind is like an actor whom the provinces have spoiled.

Les divers États de l’Âme sont donc toujours corrÉlatifs À ceux du corps. Mais, pour mieux dÉmontrer toute cette dÉpendance et ses causes, servons-nous ici de l’anatomie comparÉe; ouvrons les entrailles de l’homme et des animaux. Le moyen de connaÎtre la nature humaine, si l’on n’est ÉclairÉ par un juste parallÈle de la structure des uns et des autres!

Thus, the diverse states of the soul are always correlative with those of the body.19 But the better to show this dependence, in its completeness and its causes, let us here make use of comparative anatomy; let us lay bare the organs of man and of animals. How can human nature be known, if we may not derive any light from an exact comparison of the structure of man and of animals?

En gÉnÉral, la forme et la composition du cerveau des quadrupÈdes est À peu prÈs la mÊme que dans l’homme. MÊme figure, mÊme disposition partout; avec cette diffÉrence essentielle, que l’homme est de tous les animaux celui qui a le plus de cerveau, et le cerveau le plus tortueux, en raison de la masse de son corps. Ensuite le singe, le castor, l’ÉlÉphant, le chien, le renard, le chat, etc., voilÀ les animaux qui ressemblent le plus À l’homme; car on remarque aussi chez eux la mÊme analogie graduÉe, par rapport au corps calleux, dans lequel Lancisi avait Établi le siÈge de l’Âme, avant feu Mr. de la Peyronnie, qui cependant a illustrÉ cette opinion par une foule d’expÉriences.

AprÈs tous les quadrupÈdes, ce sont les oiseaux qui ont le plus de cerveau. Les poissons ont la tÊte grosse; mais elle est vide de sens, comme celle de bien des hommes. Ils n’ont point de corps calleux et fort peu de cerveau, lequel manque aux insectes.

In general, the form and the structure of the brains of quadrupeds are almost the same as those of the brain of man; the same shape, the same arrangement everywhere, with this essential difference, that of all the animals man is the one whose brain is largest, and, in proportion to its mass, more convoluted than the brain of any other animal; then come the monkey, the beaver, the elephant, the dog, the fox, the cat. These animals are most like man, for among them, too, one notes the same progressive analogy in relation to the corpus callosum in which Lancisi—anticipating the late M. de la Peyronie20—established the seat of the soul. The latter, however, illustrated the theory by innumerable experiments. Next after all the quadrupeds, birds have the largest brains. Fish have large heads, but these are void of sense, like the heads of many men. Fish have no corpus callosum, and very little brain, while insects entirely lack brain.

Je ne me rÉpandrai point en un plus long dÉtail des variÉtÉs de la nature, ni en conjectures, car les unes et les autres sont infinies, comme on en peut juger en lisant les seuls traitÉs de Willis, De Cerebro, et De Anima Brutorum.

I shall not launch out into any more detail about the varieties of nature, nor into conjectures concerning them, for there is an infinite number of both, as any one can see by reading no further than the treatises of Willis “De Cerebro” and “De Anima Brutorum.”21

Je conclÛrai seulement ce qui s’en suit clairement de ces incontestables observations: 1o que plus les animaux sont farouches, moins ils ont de cerveau; 2o que ce viscÈre semble s’agrandir, en quelque sorte, À proportion de leur docilitÉ; 3o qu’il y a ici une singuliÈre condition imposÉe Éternellement par la nature, qui est que plus on gagnera du cÔtÉ de l’esprit, plus on perdra du cÔtÉ de l’instinct. Lequel l’emporte, de la perte ou du gain?

I shall draw the conclusions which follow clearly from these incontestable observations: 1st, that the fiercer animals are, the less brain they have; 2d, that this organ seems to increase in size in proportion to the gentleness of the animal; 3d, that nature seems here eternally to impose a singular condition, that the more one gains in intelligence the more one loses in instinct. Does this bring gain or loss?

Ne croyez pas, au reste, que je veuille prÉtendre par lÀ que le seul volume du cerveau suffise pour faire juger du degrÉ de docilitÉ des animaux; il faut que la qualitÉ rÉponde encore À la quantitÉ, et que les solides et les fluides soient dans cet Équilibre convenable qui fait la santÉ.

Do not think, however, that I wish to infer by that, that the size alone of the brain, is enough to indicate the degree of tameness in animals: the quality must correspond to the quantity, and the solids and liquids must be in that due equilibrium which constitutes health.

Si l’imbÉcile ne manque pas de cerveau, comme on le remarque ordinairement, ce viscÈre pÉchera par une mauvaise consistance, par trop de mollesse, par exemple. Il en est de mÊme des fous; les vices de leur cerveau ne se dÉrobent pas toujours À nos recherches; mais si les causes de l’imbÉcilitÉ, de la folie, etc. ne sont pas sensibles, oÙ aller chercher celles de la variÉtÉ de tous les esprits? Elles Échapperaient aux yeux des lynx et des argus. Un rien, une petite fibre, quelque chose que la plus subtile anatomie ne peut dÉcouvrir, eut fait deux sots d’Erasme et de Fontenelle, qui le remarque lui mÊme dans un de ses meilleurs Dialogues.

Outre la mollesse de la moËlle du cerveau, dans les enfants, dans les petits chiens et dans les oiseaux, Willis a remarquÉ que les corps cannelÉs sont effacÉs et comme dÉcolorÉs dans tous ces animaux, et que leurs stries sont aussi imparfaitement formÉes que dans les paralytiques. Il ajoute, ce qui est vrai, que l’homme a la protubÉrance annulaire fort grosse; et ensuite toujours diminutivement par dÉgrÉs, le singe et les autres animaux nommÉs ci-devant, tandis que le veau, le boeuf, le loup, la brebis, le cochon, etc. qui ont cette partie d’un trÈs petit volume, ont les nattes et testes fort gros.

If, as is ordinarily observed, the imbecile does not lack brain, his brain will be deficient in its consistency—for instance, in being too soft. The same thing is true of the insane, and the defects of their brains do not always escape our investigation. But if the causes of imbecility, insanity, etc., are not obvious, where shall we look for the causes of the diversity of all minds? They would escape the eyes of a lynx and of an argus. A mere nothing, a tiny fibre, something that could never be found by the most delicate anatomy, would have made of Erasmus and Fontenelle22 two idiots, and Fontenelle himself speaks of this very fact in one of his best dialogues.

Willis has noticed in addition to the softness of the brain-substance in children, puppies, and birds, that the corpora striata are obliterated and discolored in all these animals, and that the striations are as imperfectly formed as in paralytics....

On a beau Être discret et rÉservÉ sur les consÉquences qu’on peut tirer de ces observations et de tant d’autres sur l’espÈce d’inconstance des vaisseaux et des nerfs, etc.: tant de variÉtÉs ne peuvent Être des jeux gratuits de la nature. Elles prouvent du moins la nÉcessitÉ d’une bonne et abondante organisation, puisque dans tout le rÈgne animal l’Âme, se raffermissant avec le corps, acquiert de la sagacitÉ, À mesure qu’il prend des forces.

However cautious and reserved one may be about the consequences that can be deduced from these observations, and from many others concerning the kind of variation in the organs, nerves, etc., [one must admit that] so many different varieties can not be the gratuitous play of nature. They prove at least the necessity for a good and vigorous physical organization, since throughout the animal kingdom the soul gains force with the body and acquires keenness, as the body gains strength.

ArrÊtons-nous À contempler la diffÉrente docilitÉ des animaux. Sans doute l’analogie la mieux entendue conduit l’esprit À croire que les causes dont nous avons fait mention produisent toute la diversitÉ qui se trouve entr’eux et nous, quoiqu’il faille avouer que notre faible entendement, bornÉ aux observations les plus grossiÈres, ne puisse voir les liens qui rÈgnent entre la cause et les effets. C’est une espÈce d’harmonie que les philosophes ne connaÎtront jamais.

Let us pause to contemplate the varying capacity of animals to learn. Doubtless the analogy best framed leads the mind to think that the causes we have mentioned produce all the difference that is found between animals and men, although we must confess that our weak understanding, limited to the coarsest observations, can not see the bonds that exist between cause and effects. This is a kind of harmony that philosophers will never know.

Parmi les animaux, les uns apprennent À parler et À chanter; ils retiennent des airs et prennent tous les tons aussi exactement qu’un musicien. Les autres, qui montrent cependant plus d’esprit, tels que le singe, n’en peuvent venir À bout. Pourquoi cela, si ce n’est par un vice des organes de la parole?

Mais ce vice est-il tellement de conformation, qu’on n’y puisse apporter aucun remÈde? en un mot serait-il absolument impossible d’apprendre une langue À cet animal? Je ne le crois pas.

Among animals, some learn to speak and sing; they remember tunes, and strike the notes as exactly as a musician. Others, for instance the ape, show more intelligence, and yet can not learn music. What is the reason for this, except some defect in the organs of speech? But is this defect so essential to the structure that it could never be remedied? In a word, would it be absolutely impossible to teach the ape a language?23 I do not think so.

Je prendrais le grand singe prÉfÉrablement À tout autre, jusqu’À ce que le hasard nous eÛt fait dÉcouvrir quelque autre espÈce plus semblable À la nÔtre, car rien ne rÉpugne qu’il y en ait dans des rÉgions qui nous sont inconnues. Cet animal nous ressemble si fort, que les naturalistes l’ont appelÉ homme sauvage, ou homme des bois. Je le prendrais aux mÊmes conditions des Écoliers d’Amman; c’est-À-dire, que je voudrais qu’il ne fÛt ni trop jeune ni trop vieux; car ceux qu’on nous apporte en Europe sont communÉment trop ÂgÉs. Je choisirais celui qui aurait la physionomie la plus spirituelle, et qui tiendrait le mieux dans mille petites opÉrations ce qu’elle m’aurait promis. Enfin, ne me trouvant pas digne d’Être son gouverneur, je le mettrais À l’École de l’excellent maÎtre que je viens de nommer, ou d’un autre aussi habile, s’il en est.

I should choose a large ape in preference to any other, until by some good fortune another kind should be discovered, more like us, for nothing prevents there being such an one in regions unknown to us. The ape resembles us so strongly that naturalists have called it “wild man” or “man of the woods.” I should take it in the condition of the pupils of Amman,24 that is to say, I should not want it to be too young or too old; for apes that are brought to Europe are usually too old. I would choose the one with the most intelligent face, and the one which, in a thousand little ways, best lived up to its look of intelligence. Finally not considering myself worthy to be his master, I should put him in the school of that excellent teacher whom I have just named, or with another teacher equally skilful, if there is one.

Vous savez par le livre d’Amman, et par tous ceux3 qui ont traduit sa mÉthode, tous les prodiges qu’il a su opÉrer sur les sourds de naissance, dans les yeux desquels il a, comme il le fait entendre lui-mÊme, trouvÉ des oreilles; et en combien peu de temps enfin il leur a appris À entendre, parler, lire, et Écrire. Je veux que les yeux d’un sourd voient plus clair et soient plus intelligents que s’il ne l’Était pas, par la raison que la perte d’un membre ou d’un sens peut augmenter la force ou la pÉnÉtration d’un autre: mais le singe voit et entend; il comprend ce qu’il entend et ce qu’il voit; il conÇoit si parfaitement les signes qu’on lui fait, qu’À tout autre jeu, ou tout autre exercice, je ne doute point qu’il ne l’emportÂt sur les disciples d’Amman. Pourquoi donc l’Éducation des singes serait-elle impossible? Pourquoi ne pourrait-il enfin, À force de soins, imiter, À l’exemple des sourds, les mouvemens nÉcessaires pour prononcer? Je n’ose dÉcider si les organes de la parole du singe ne peuvent, quoiqu’on fasse, rien articuler; mais cette impossibilitÉ absolue me surprendrait, À cause de la grande analogie du singe et de l’homme, et qu’il n’est point d’animal connu jusqu’À prÉsent, dont le dedans et le dehors lui ressemblent d’une maniÈre si frappante. Mr. Locke, qui certainement n’a jamais ÉtÉ suspect de crÉdulitÉ, n’a pas fait difficultÉ de croire l’histoire que le Chevalier Temple fait dans ses MÉmoires, d’un perroquet qui rÉpondait À propos et avait appris, comme nous, À avoir une espÈce de conversation suivie. Je sais qu’on s’est moquÉ4 de ce grand mÉtaphysicien; mais qui aurait annoncÉ À l’univers qu’il y a des gÉnÉrations qui se font sans oeufs et sans femmes, aurait-il trouvÉ beaucoup de partisans? Cependant Mr. Trembley en a dÉcouvert, qui se font sans accouplement, et par la seule section. Amman n’eÛt-il pas aussi passÉ pour un fou, s’il se fÛt vantÉ, avant que d’en faire l’heureuse expÉrience, d’instruire, et en aussi peu de temps, des Écoliers tels que les siens? Cependant ses succÈs ont ÉtonnÉ l’univers, et comme l’auteur de l’Histoire des Polypes, il a passÉ de plein vol À l’immortalitÉ. Qui doit À son gÉnie les miracles qu’il opÈre, l’emporte À mon grÉ sur qui doit les siens au hasard. Qui a trouvÉ l’art d’embellir le plus beau des rÈgnes, et de lui donner des perfections qu’il n’avait pas, doit Être mis au-dessus d’un faiseur oisif de systÈmes frivoles, ou d’un auteur laborieux de stÉriles dÉcouvertes. Celles d’Amman sont bien d’un autre prix; il a tirÉ les hommes de l’instinct auquel ils semblaient condamnÉs; il leur a donnÉ les idÉes, de l’esprit, une Âme en un mot, qu’ils n’eÛssent jamais eue. Quel plus grand pouvoir!

You know by Amman’s work, and by all those3 who have interpreted his method, all the wonders he has been able to accomplish for those born deaf. In their eyes he discovered ears, as he himself explains, and in how short a time! In short he taught them to hear, speak, read, and write. I grant that a deaf person’s eyes see more clearly and are keener than if he were not deaf, for the loss of one member or sense can increase the strength or acuteness of another, but apes see and hear, they understand what they hear and see, and grasp so perfectly the signs that are made to them, that I doubt not that they would surpass the pupils of Amman in any other game or exercise. Why then should the education of monkeys be impossible? Why might not the monkey, by dint of great pains, at last imitate after the manner of deaf mutes, the motions necessary for pronunciation? I do not dare decide whether the monkey’s organs of speech, however trained, would be incapable of articulation. But, because of the great analogy between ape and man25 and because there is no known animal whose external and internal organs so strikingly resemble man’s, it would surprise me if speech were absolutely impossible to the ape. Locke, who was certainly never suspected of credulity, found no difficulty in believing the story told by Sir William Temple26 in his memoirs, about a parrot which could answer rationally, and which had learned to carry on a kind of connected conversation, as we do. I know that people have ridiculed4 this great metaphysician; but suppose some one should have announced that reproduction sometimes takes place without eggs or a female, would he have found many partisans? Yet M. Trembley27 has found cases where reproduction takes place without copulation and by fission. Would not Amman too have passed for mad if he had boasted that he could instruct scholars like his in so short a time, before he had happily accomplished the feat? His successes have, however, astonished the world; and he, like the author of “The History of Polyps,” has risen to immortality at one bound. Whoever owes the miracles that he works to his own genius surpasses, in my opinion, the man who owes his to chance. He who has discovered the art of adorning the most beautiful of the kingdoms [of nature], and of giving it perfections that it did not have, should be rated above an idle creator of frivolous systems, or a painstaking author of sterile discoveries. Amman’s discoveries are certainly of a much greater value; he has freed men from the instinct to which they seemed to be condemned, and has given them ideas, intelligence, or in a word, a soul which they would never have had. What greater power than this!

Ne bornons point les ressources de la nature; elles sont infinies, surtout aidÉes d’un grand art.

Let us not limit the resources of nature; they are infinite, especially when reinforced by great art.

La mÊme mÉcanique, qui ouvre le canal d’Eustachi dans les sourds, ne pourrait-il le dÉboucher dans les singes? Une heureuse envie d’imiter la prononciation du maÎtre, ne pourrait-elle mettre en libertÉ les organes de la parole, dans les animaux qui imitent tant d’autres signes, avec tant d’adresse et d’intelligence? Non seulement je dÉfie qu’on me cite aucune expÉrience vraiment concluante, qui dÉcide mon projet impossible et ridicule; mais la similitude de la structure et des opÉrations du singe est telle, que je ne doute presque point, si on exerÇait parfaitement cet animal, qu’on ne vÎnt enfin À bout de lui apprendre À prononcer, et par consÉquent À savoir une langue. Alors ce ne serait plus ni un homme sauvage, ni un homme manquÉ: ce serait un homme parfait, un petit homme de ville, avec autant d’Étoffe ou de muscles que nous-mÊmes, pour penser et profiter de son Éducation.

Could not the device which opens the Eustachian canal of the deaf, open that of apes? Might not a happy desire to imitate the master’s pronunciation, liberate the organs of speech in animals that imitate so many other signs with such skill and intelligence? Not only do I defy any one to name any really conclusive experiment which proves my view impossible and absurd; but such is the likeness of the structure and functions of the ape to ours that I have very little doubt that if this animal were properly trained he might at last be taught to pronounce, and consequently to know, a language. Then he would no longer be a wild man, nor a defective man, but he would be a perfect man, a little gentleman, with as much matter or muscle as we have, for thinking and profiting by his education.

Des animaux À l’homme, la transition n’est pas violente; les vrais philosophes en conviendront. Qu’Était l’homme, avant l’invention des mots et la connaissance des langues? Un animal de son espÈce, qui avec beaucoup moins d’instinct naturel que les autres, dont alors il ne se croyait pas roi, n’Était distinguÉ du singe et des autres animaux que comme le singe l’est lui-mÊme; je veux dire par une physionomie qui annonÇait plus de discernement. RÉduit À la seule connaissance intuitive des Leibniziens, il ne voyait que des figures et des couleurs, sans pouvoir rien distinguer entr’elles; vieux, comme jeune, enfant À tout Âge, il bÉgayait ses sensations et ses besoins, comme un chien affamÉ, ou ennuyÉ de repos, demande À manger ou À se promener.

The transition from animals to man is not violent, as true philosophers will admit. What was man before the invention of words and the knowledge of language?28 An animal of his own species with much less instinct than the others. In those days, he did not consider himself king over the other animals, nor was he distinguished from the ape, and from the rest, except as the ape itself differs from the other animals, i. e., by a more intelligent face. Reduced to the bare intuitive knowledge of the Leibnizians he saw only shapes and colors, without being able to distinguish between them: the same, old as young, child at all ages, he lisped out his sensations and his needs, as a dog that is hungry or tired of sleeping, asks for something to eat, or for a walk.

Les mots, les langues, les lois, les sciences, les beaux-arts sont venus; et par eux enfin le diamant brut de notre esprit a ÉtÉ poli. On a dressÉ un homme, comme un animal; on est devenu auteur, comme portefaix. Un gÉomÈtre a appris À faire les dÉmonstrations et les calculs les plus difficiles, comme un singe À Ôter ou mettre son petit chapeau, et À monter sur son chien docile. Tout s’est fait par les signes; chaque espÈce a compris ce qu’elle a pu comprendre: et c’est de cette maniÈre que les hommes ont acquis la connaissance symbolique, ainsi nommÉe encore par nos philosophes d’Allemagne.

Words, languages, laws, sciences, and the fine arts have come, and by them finally the rough diamond of our mind has been polished. Man has been trained in the same way as animals. He has become an author, as they became beasts of burden. A geometrician has learned to perform the most difficult demonstrations and calculations, as a monkey has learned to take his little hat off and on, and to mount his tame dog. All has been accomplished through signs, every species has learned what it could understand, and in this way men have acquired symbolic knowledge, still so called by our German philosophers.

Rien de si simple, comme on voit, que la mÉcanique de notre Éducation! Tout se rÉduit À des sons, ou À des mots, qui de la bouche de l’un passent par l’oreille de l’autre dans le cerveau, qui reÇoit en mÊme temps par les yeux la figure des corps, dont ces mots sont les signes arbitraires.

Nothing, as any one can see, is so simple as the mechanism of our education. Everything may be reduced to sounds or words that pass from the mouth of one through the ears of another into his brain. At the same moment, he perceives through his eyes the shape of the bodies of which these words are the arbitrary signs.

Mais qui a parlÉ le premier? Qui a ÉtÉ le premier prÉcepteur du genre human? Qui a inventÉ les moyens de mettre À profit la docilitÉ de notre organisation? Je n’en sais rien; le nom de ces heureux et premiers gÉnies a ÉtÉ perdu dans la nuit des temps. Mais l’art est le fils de la nature; elle a dÛ longtemps le prÉcÉder.

But who was the first to speak? Who was the first teacher of the human race? Who invented the means of utilizing the plasticity of our organism? I can not answer: the names of these first splendid geniuses have been lost in the night of time. But art is the child of nature, so nature must have long preceded it.

On doit croire que les hommes les mieux organisÉs, ceux pour qui la nature aura ÉpuisÉ ses bienfaits, auront instruit les autres. Ils n’auront pu entendre un bruit nouveau, par exemple, Éprouver de nouvelles sensations, Être frappÉ de tous ces beaux objets divers qui forment le ravissant spectacle de la nature, sans se trouver dans le cas de ce sourd de Chartres dont le grand Fontenelle nous a le premier donnÉ l’histoire, lorsqu’il entendit pour la premiÈre fois À quarante ans le bruit Étonnant des cloches.

We must think that the men who were the most highly organized, those on whom nature had lavished her richest gifts, taught the others. They could not have heard a new sound for instance, nor experienced new sensations, nor been struck by all the varied and beautiful objects that compose the ravishing spectacle of nature without finding themselves in the state of mind of the deaf man of Chartres, whose experience was first related by the great Fontenelle,29 when, at forty years, he heard for the first time, the astonishing sound of bells.

De lÀ serait-il absurde de croire que ces premiers mortels essayÈrent À la maniÈre de ce sourd, ou À celle des animaux et des muets (autre espÈce d’animaux), d’exprimer leurs nouveaux sentiments par des mouvements dÉpendants de l’Économie de leur imagination, et consÉquemment ensuite par des sons spontanÉs propres À chaque animal, expression naturelle de leur surprise, de leur joie, de leurs transports, ou de leurs besoins? Car sans doute ceux que la nature a douÉs d’un sentiment plus exquis, ont eu aussi plus de facilitÉ pour l’exprimer.

Would it be absurd to conclude from this that the first mortals tried after the manner of this deaf man, or like animals and like mutes (another kind of animals), to express their new feelings by motions depending on the nature of their imagination, and therefore afterwards by spontaneous sounds, distinctive of each animal, as the natural expression of their surprise, their joy, their ecstasies and their needs? For doubtless those whom nature endowed with finer feeling had also greater facility in expression.

VoilÀ comme je conÇois que les hommes ont employÉ leur sentiment, ou leur instinct, pour avoir de l’esprit, et enfin leur esprit, pour avoir des connaissances. VoilÀ par quels moyens, autant que je puis les saisir, on s’est rempli le cerveau des idÉes, pour le rÉception desquelles la nature l’avait formÉ. On s’est aidÉ l’un par l’autre; et les plus petits commencements s’agrandissant peu À peu, toutes les choses de l’univers ont ÉtÉ aussi facilement distinguÉes qu’un cercle.

That is the way in which, I think, men have used their feeling and their instinct to gain intelligence and then have employed their intelligence to gain knowledge. Those are the ways, so far as I can understand them, in which men have filled the brain with the ideas, for the reception of which nature made it. Nature and man have helped each other; and the smallest beginnings have, little by little, increased, until everything in the universe could be as easily described as a circle.

Comme une corde de violon ou une touche de clavecin frÉmit et rend un son, les cordes du cerveau, frappÉes par les rayons sonores, ont ÉtÉ excitÉes À rendre ou À redire les mots qui les touchaient. Mais comme telle est la construction de ce viscÈre, que dÈs qu’une fois les yeux bien formÉs pour l’optique ont reÇu la peinture des objets, le cerveau ne peut pas ne pas voir leurs images et leurs diffÉrences: de mÊme, lorsque les signes de ces diffÉrences ont ÉtÉ marquÉs, ou gravÉs dans le cerveau, l’Âme en a nÉcessairement examinÉ les rapports; examen qui lui Était impossible sans la dÉcouverte des signes, ou l’invention des langues. Dans ces temps, oÙ l’univers Était presque muet, l’Âme Était À l’Égard de tous les objets, comme un homme qui, sans avoir aucune idÉe des proportions, regarderait un tableau, ou une piÈce de sculpture: il n’y pourrait rien distinguer; ou comme un petit enfant (car alors l’Âme Était dans son enfance) qui, tenant dans sa main un certain nombre de petits brins de paille ou de bois, les voit en gÉnÉral d’une vue vague et superficielle, sans pouvoir les compter ni les distinguer. Mais qu’on mette une espÈce de pavillon, ou d’Étendard, À cette piÈce de bois, par exemple, qu’on appelle mÂt, qu’on en mette un autre À un autre pareil corps; que le premier venu se nombre par le signe 1 et le second par le signe ou chiffre 2; alors cet enfant pourra les compter, et ainsi de suite il apprendra toute l’arithmÉtique. DÈs qu’une figure lui paraÎtra Égale À une autre par son signe numÉratif, il conclÛra sans peine que ce sont deux corps diffÉrents; que 1 et 1 font deux, que 2 et 2 font 4,5 etc.

As a violin string or a harpsichord key vibrates and gives forth sound, so the cerebral fibres, struck by waves of sound, are stimulated to render or repeat the words that strike them. And as the structure of the brain is such that when eyes well formed for seeing, have once perceived the image of objects, the brain can not help seeing their images and their differences, so when the signs of these differences have been traced or imprinted in the brain, the soul necessarily examines their relations—an examination that would have been impossible without the discovery of signs or the invention of language. At the time when the universe was almost dumb, the soul’s attitude toward all objects was that of a man without any idea of proportion toward a picture or a piece of sculpture, in which he could distinguish nothing; or the soul was like a little child (for the soul was then in its infancy) who, holding in his hand small bits of straw or wood, sees them in a vague and superficial way without being able to count or distinguish them. But let some one attach a kind of banner, or standard, to this bit of wood (which perhaps is called a mast), and another banner to another similar object; let the first be known by the symbol 1, and the second by the symbol or number 2, then the child will be able to count the objects, and in this way he will learn all of arithmetic. As soon as one figure seems equal to another in its numerical sign, he will decide without difficulty that they are two different bodies, that 1 + 1 make 2, and 2 + 2 make 4,5 etc.

C’est cette similitude rÉelle, ou apparente, des figures, qui est la base fondamentale de toutes les vÉritÉs et de toutes nos connaissances, parmi lesquelles il est Évident que celles dont les signes sont moins simples et moins sensibles sont plus difficiles À apprendre que les autres, en ce qu’elles demandent plus de gÉnie pour embrasser et combiner cette immense quantitÉ de mots par lesquels les sciences dont je parle expriment les vÉritÉs de leur ressort: tandis que les sciences qui s’annoncent par des chiffres, ou autres petits signes, s’apprennent facilement; et c’est sans doute cette facilitÉ qui a fait la fortune des calculs algÉbriques, plus encore que leur Évidence.

This real or apparent likeness of figures is the fundamental basis of all truths and of all we know. Among these sciences, evidently those whose signs are less simple and less sensible are harder to understand than the others, because more talent is required to comprehend and combine the immense number of words by which such sciences express the truths in their province. On the other hand, the sciences that are expressed by numbers or by other small signs, are easily learned; and without doubt this facility rather than its demonstrability is what has made the fortune of algebra.

Tout ce savoir dont le vent enfle le ballon du cerveau de nos pÉdants orgueilleux, n’est donc qu’un vaste amas de mots et de figures, qui forment dans la tÊte toutes les traces par lesquelles nous distinguons et nous nous rappellons les objets. Toutes nos idÉes se rÉveillent, comme un jardinier qui connaÎt les plantes se souvient de toutes leurs phases À leur aspect. Ces mots et ces figures qui sont dÉsignÉs par eux, sont tellements liÉs ensemble dans le cerveau, qu’il est assez rare qu’on imagine une chose sans le nom ou le signe qui lui est attachÉ.

All this knowledge, with which vanity fills the balloon-like brains of our proud pedants, is therefore but a huge mass of words and figures, which form in the brain all the marks by which we distinguish and recall objects. All our ideas are awakened after the fashion in which the gardener who knows plants recalls all stages of their growth at sight of them. These words and the objects designated by them are so connected in the brain that it is comparatively rare to imagine a thing without the name or sign that is attached to it.

Je me sers toujours du mot imaginer, parceque je crois que tout s’imagine, et que toutes les parties de l’Âme peuvent Être justement rÉduites À la seule imagination, qui les forme toutes; et qu’ainsi le jugement, le raisonnement, la mÉmoire ne sont que des parties de l’Âme nullement absolues, mais de vÉritables modifications de cette espÈce de toile mÉdullaire, sur laquelle les objets peints dans l’oeil sont renvoyÉs, comme d’une lanterne magique.

I always use the word “imagine,” because I think that everything is the work of imagination, and that all the faculties of the soul can be correctly reduced to pure imagination in which they all consist.30 Thus judgment, reason, and memory are not absolute parts of the soul, but merely modifications of this kind of medullary screen upon which images of the objects painted in the eye are projected as by a magic lantern.

Mais si tel est ce merveilleux et incomprÉhensible rÉsultat de l’organisation du cerveau; si tout se conÇoit par l’imagination, si tout s’explique par elle; pourquoi diviser le principe sensitif qui pense dans l’homme? N’est-ce pas une contradiction manifeste dans les partisans de la simplicitÉ de l’esprit? Car une chose qu’on divise ne peut plus Être, sans absurditÉ, regardÉe comme indivisible. VoilÀ oÙ conduit l’abus des langues, et l’usage de ces grands mots, spiritualitÉ, immatÉrialitÉ, etc., placÉs À tout hasard, sans Être entendus, mÊme par des gens d’esprit.

But if such is the marvelous and incomprehensible result of the structure of the brain, if everything is perceived and explained by imagination, why should we divide the sensitive principle which thinks in man? Is not this a clear inconsistency in the partisans of the simplicity of the mind? For a thing that is divided can no longer without absurdity be regarded as indivisible. See to what one is brought by the abuse of language and by those fine words (spirituality, immateriality, etc.) used haphazard and not understood even by the most brilliant.31

Rien de plus facile que de prouver un systÈme, fondÉ comme celui-ci sur le sentiment intime et l’expÉrience propre de chaque individu. L’imagination, ou cette partie fantastique du cerveau, dont la nature nous est aussi inconnue que sa maniÈre d’agir, est-elle naturellement petite, ou faible? elle aura À peine la force de comparer l’analogie, ou la ressemblance de ses idÉes; elle ne pourra voir que ce qui sera vis-À-vis d’elle, ou ce qui l’affectera le plus vivement; et encore de quelle maniÈre! Mais toujours est-il vrai que l’imagination seule aperÇoit; que c’est elle qui se reprÉsente tous les objets, avec les mots et les figures qui les caractÉrisent; et qu’ainsi c’est elle encore une fois qui est l’Âme, puisqu’elle en fait tous les rÔles. Par elle, par son pinceau flatteur, le froid squelette de la raison prend des chairs vives et vermeilles; par elle les sciences fleurissent, les arts s’embellissent, les bois parlent, les Échos soupirent, les rochers pleurent, le marbre respire, tout prend vie parmi les corps inanimÉs. C’est elle encore qui ajoute À la tendresse d’un coeur amoureux le piquant attrait de la voluptÉ; elle la fait germer dans le cabinet du philosophe, et du pÉdant poudreux; elle forme enfin les savants comme les orateurs et les poËtes. Sottement dÉcriÉe par les uns, vainement distinguÉe par les autres, qui tous l’ont mal connue, elle ne marche pas seulement À la suite des GrÂces et des beaux-art, elle ne peint pas seulement la nature, elle peut aussi la mesurer. Elle raisonne, juge, pÉnÈtre, compare, approfondit. Pourrait-elle si bien sentir les beautÉes des tableaux qui lui sont tracÉs, sans en dÉcouvrir les rapports? Non; comme elle ne peut se replier sur les plaisirs des sens, sans en goÛter toute la perfection ou la voluptÉ, elle ne peut rÉflÉchir sur ce qu’elle a mÉcaniquement conÇu, sans Être alors le jugement mÊme.

Nothing is easier than to prove a system based, as this one is, on the intimate feeling and personal experience of each individual. If the imagination, or, let us say, that fantastic part of the brain whose nature is as unknown to us as its way of acting, be naturally small or weak, it will hardly be able to compare the analogy or the resemblance of its ideas, it will be able to see only what is face to face with it, or what affects it very strongly; and how will it see all this! Yet it is always imagination which apperceives, and imagination which represents to itself all objects along with their names and symbols; and thus, once again, imagination is the soul, since it plays all the rÔles of the soul. By the imagination, by its flattering brush, the cold skeleton of reason takes on living and ruddy flesh, by the imagination the sciences flourish, the arts are adorned, the wood speaks, the echoes sigh, the rocks weep, marble breathes, and all inanimate objects gain life. It is imagination again which adds the piquant charm of voluptuousness to the tenderness of an amorous heart; which makes tenderness bud in the study of the philosopher and of the dusty pedant, which, in a word, creates scholars as well as orators and poets. Foolishly decried by some, vainly praised by others, and misunderstood by all; it follows not only in the train of the graces and of the fine arts, it not only describes, but can also measure nature. It reasons, judges, analyzes, compares, and investigates. Could it feel so keenly the beauties of the pictures drawn for it, unless it discovered their relations? No, just as it can not turn its thoughts on the pleasures of the senses, without enjoying their perfection or their voluptuousness, it can not reflect on what it has mechanically conceived, without thus being judgment itself.

Plus on exerce l’imagination, ou le plus maigre gÉnie, plus il prend, pour ainsi dire, d’embonpoint; plus il s’agrandit, devient nerveux, robuste, vaste et capable de penser. La meilleure organisation a besoin de cet exercice.

The more the imagination or the poorest talent is exercised, the more it gains in embonpoint, so to speak, and the larger it grows. It becomes sensitive, robust, broad, and capable of thinking. The best of organisms has need of this exercise.

L’organisation est le premier mÉrite de l’homme; c’est en vain que tous les auteurs de morale ne mettent point au rang des qualitÉs estimables celles qu’on tient de la nature, mais seulement les talents qui s’acquiÈrent À force de rÉflexions et d’industrie: car d’oÙ nous vient, je vous prie, l’habiletÉ, la science et la vertu, si ce n’est d’une disposition qui nous rend propres À devenir habiles, savants et vertueux? Et d’oÙ nous vient encore cette disposition, si ce n’est de la nature? Nous n’avons de qualitÉs estimables que par elle; nous lui devons tout ce que nous sommes. Pourquoi donc n’estimerais-je pas autant ceux qui ont des qualitÉs naturelles, que ceux qui brillent par des vertus acquises, et comme d’emprunt? Quel que soit le mÉrite, de quelque endroit qu’il naisse, il est digne d’estime; il ne s’agit que de savoir le mesurer. L’esprit, la beautÉ, les richesses, la noblesse, quoiqu’enfants du hasard, ont tous leur prix, comme l’adresse, le savoir, la vertu, etc. Ceux que la nature a comblÉs de ses dons les plus prÉcieux, doivent plaindre ceux À qui ils ont ÉtÉ refusÉs; mais ils peuvent sentir leur supÉrioritÉ sans orgueil, et en connaisseurs. Une belle femme serait aussi ridicule de se trouver laide, qu’un homme d’esprit de se croire un sot. Une modestie outrÉe (dÉfaut rare À la vÉritÉ) est une sorte d’ingratitude envers la nature. Une honnÊte fiertÉ, au contraire, est la marque d’une Âme belle et grande, que dÉcÈlent des traits mÂles moulÉs comme par le sentiment.

Man’s preeminent advantage is his organism.32 In vain all writers of books on morals fail to regard as praiseworthy those qualities that come by nature, esteeming only the talents gained by dint of reflection and industry. For whence come, I ask, skill, learning, and virtue, if not from a disposition that makes us fit to become skilful, wise and virtuous? And whence again, comes this disposition, if not from nature? Only through nature do we have any good qualities; to her we owe all that we are. Why then should I not esteem men with good natural qualities as much as men who shine by acquired and as it were borrowed virtues? Whatever the virtue may be, from whatever source it may come, it is worthy of esteem; the only question is, how to estimate it. Mind, beauty, wealth, nobility, although the children of chance, all have their own value, as skill, learning and virtue have theirs. Those upon whom nature has heaped her most costly gifts should pity those to whom these gifts have been refused; but, in their character of experts, they may feel their superiority without pride. A beautiful woman would be as foolish to think herself ugly, as an intelligent man to think himself a fool. An exaggerated modesty (a rare fault, to be sure) is a kind of ingratitude towards nature. An honest pride, on the contrary, is the mark of a strong and beautiful soul, revealed by manly features moulded by feeling.

Si l’organisation est un mÉrite, et le premier mÉrite, et la source de tous les autres, l’instruction est le second. Le cerveau le mieux construit, sans elle, le serait en pure perte; comme sans l’usage du monde, l’homme le mieux fait ne serait qu’un paysan grossier. Mais aussi quel serait le fruit de la plus excellente École, sans une matrice parfaitement ouverte À l’entrÉe ou À la conception des idÉes? Il est aussi impossible de donner une seule idÉe À un homme privÉ de tous les sens, que de faire un enfant À une femme À laquelle la nature aurait poussÉ la distraction jusqu’À oublier de faire une vulve, comme je l’ai vu dans une, qui n’avait ni fente, ni vagin, ni matrice, et qui pour cette raison fut dÉmariÉe aprÈs dix ans de mariage.

If one’s organism is an advantage, and the preeminent advantage, and the source of all others, education is the second. The best made brain would be a total loss without it, just as the best constituted man would be but a common peasant, without knowledge of the ways of the world. But, on the other hand, what would be the use of the most excellent school, without a matrix perfectly open to the entrance and conception of ideas? It is ... impossible to impart a single idea to a man deprived of all his senses....

Mais si le cerveau est À la fois bien organisÉ et bien instruit, c’est une terre fÉconde parfaitement ensemencÉe, qui produit le centuple de ce qu’elle a reÇu: ou (pour quitter le style figurÉ souvent nÉcessaire, pour mieux exprimer ce qu’on sent et donner des grÂces À la VÉritÉ mÊme), l’imagination ÉlevÉe par l’art À la belle et rare dignitÉ de gÉnie, saisit exactement tous les rapports des idÉes qu’elle a conÇues, embrasse avec facilitÉ une foule Étonnante d’objets, pour en tirer enfin une longue chaÎne de consÉquences, lesquelles ne sont encore que de nouveaux rapports, enfantÉs par la comparaison des premiers, auxquels l’Âme trouve une parfaite ressemblance. Telle est, selon moi, la gÉnÉration de l’esprit. Je dis trouve, comme j’ai donnÉ ci-devant l’ÉpithÈte d’apparente À la similitude des objets: non que je pense que nos sens soient toujours trompeurs, comme l’a prÉtendu le PÈre Malebranche, ou que nos yeux naturellement un peu ivres ne voient pas les objets tels qu’ils sont en eux mÊmes, quoique les microscopes nous le prouvent tous les jours, mais pour n’avoir aucune dispute avec les Pyrrhoniens, parmi lesquels Bayle s’est distinguÉ.

But if the brain is at the same time well organized and well educated, it is a fertile soil, well sown, that brings forth a hundredfold what it has received: or (to leave the figures of speech often needed to express what one means, and to add grace to truth itself) the imagination, raised by art to the rare and beautiful dignity of genius, apprehends exactly all the relations of the ideas it has conceived, and takes in easily an astounding number of objects, in order to deduce from them a long chain of consequences, which are again but new relations, produced by a comparison with the first, to which the soul finds a perfect resemblance. Such is, I think, the generation of intelligence.33 I say “finds” as I before gave the epithet “apparent” to the likeness of objects, not because I think that our senses are always deceivers, as Father Malebranche has claimed, or that our eyes, naturally a little unsteady, fail to see objects as they are in themselves, (though microscopes prove this to us every day) but in order to avoid any dispute with the Pyrrhonians,34 among whom Bayle35 is well known.

Je dis de la vÉritÉ en gÉnÉral ce que Mr. de Fontenelle dit de certaines en particulier, qu’il faut la sacrifier aux agrÉments de la sociÉtÉ. Il est de la douceur de mon caractÈre d’obvier À toute dispute, lorsqu’il ne s’agit pas d’aiguiser la conversation. Les CartÉsiens viendraient ici vainement À la charge avec leur idÉes innÉes; je ne me donnerais certainement pas le quart de la peine qu’a prise Mr. Locke pour attaquer de telles chimÈres. Quelle utilitÉ, en effet, de faire un gros livre, pour prouver une doctrine qui Était ÉrigÉe en axiome il y a trois mille ans?

I say of truth in general what M. de Fontenelle says of certain truths in particular, that we must sacrifice it in order to remain on good terms with society. And it accords with the gentleness of my character, to avoid all disputes unless to whet conversation. The Cartesians would here in vain make an onset upon me with their innate ideas. I certainly would not give myself a quarter of the trouble that M. Locke took, to attack such chimeras. In truth, what is the use of writing a ponderous volume to prove a doctrine which became an axiom three thousand years ago?

Suivant les principes que nous avons posÉs, et que nous croyons vrais, celui qui a le plus d’imagination doit Être regardÉ comme ayant le plus d’esprit, ou de gÉnie, car tous ces mots sont synonymes; et encore une fois c’est par un abus honteux qu’on croit dire des choses diffÉrentes, lorsqu’on ne dit que diffÉrents mots ou diffÉrents sons, auxquels on n’a attachÉ aucune idÉe ou distinction rÉelle.

According to the principles which we have laid down, and which we consider true; he who has the most imagination should be regarded as having the most intelligence or genius, for all these words are synonymous; and again, only by a shameful abuse [of terms] do we think that we are saying different things, when we are merely using different words, different sounds, to which no idea or real distinction is attached.

La plus belle, la plus grande, ou la plus forte imagination, est donc la plus propre aux sciences, comme aux arts. Je ne dÉcide point s’il faut plus d’esprit pour exceller dans l’art des Aristotes, ou des Descartes, que dans celui des Euripides ou des Sophocles; et si la nature s’est mise en plus grands frais pour faire Newton que pour former Corneille (ce dont je doute fort), mais il est certain que c’est la seule imagination diversement appliquÉe qui a fait leur diffÉrent triomphe et leur gloire immortelle.

The finest, greatest, or strongest imagination is then the one most suited to the sciences as well as to the arts. I do not pretend to say whether more intellect is necessary to excel in the art of Aristotle or of Descartes than to excel in that of Euripides or of Sophocles, and whether nature has taken more trouble to make Newton than to make Corneille, though I doubt this. But it is certain that imagination alone, differently applied, has produced their diverse triumphs and their immortal glory.

Si quelqu’un passe pour avoir peu de jugement, avec beaucoup d’imagination; cela veut dire que l’imagination trop abandonnÉe À elle mÊme, presque toujours comme occupÉe À se regarder dans le miroir de ses sensations, n’a pas assez contractÉ l’habitude de les examiner elles-mÊmes avec attention; plus profondÉment pÉnÉtrÉe des traces, ou des images, que de leur vÉritÉ ou de leur ressemblance.

If one is known as having little judgment and much imagination, this means that the imagination has been left too much alone, has, as it were, occupied most of the time in looking at itself in the mirror of its sensations, has not sufficiently formed the habit of examining the sensations themselves attentively. [It means that the imagination] has been more impressed by images than by their truth or their likeness.

Il est vrai que telle est la vivacitÉ des ressorts de l’imagination, que si l’attention, cette clÉ ou mÈre des sciences, ne s’en mÊle, il ne lui est guÈres permis que de parcourir et d’effleurer les objets.

Truly, so quick are the responses of the imagination that if attention, that key or mother of the sciences, does not do its part, imagination can do little more than run over and skim its objects.

Voyez cet oiseau sur la branche, il semble toujours prÊt À s’envoler; l’imagination est de mÊme. Toujours emportÉe par le tourbillon du sang et des esprits, une onde fait une trace, effacÉe par celle qui suit; l’Âme court aprÈs, souvent en vain: il faut qu’elle s’attende À regretter ce qu’elle n’a pas assez vite saisi et fixÉ: et c’est ainsi que l’imagination, vÉritable image du temps, se dÉtruit et se renouvelle sans cesse.

See that bird on the bough: it seems always ready to fly away. Imagination is like the bird, always carried onward by the turmoil of the blood and the animal spirits. One wave leaves a mark, effaced by the one that follows; the soul pursues it, often in vain: it must expect to regret the loss of that which it has not quickly enough seized and fixed. Thus, imagination, the true image of time, is being ceaselessly destroyed and renewed.

Tel est le chaos et la succession continuelle et rapide de nos idÉes; elles se chassent, comme un flot pousse l’autre; de sorte que si l’imagination n’emploie, pour ainsi dire, une partie de ses muscles pour Être comme en Équilibre sur les cordes du cerveau, pour se soutenir quelque temps sur un objet qui va fuir et s’empÊcher de tomber sur un autre, qu’il n’est pas encore temps de contempler, jamais elle ne sera digne du beau nom de jugement. Elle exprimera vivement ce qu’elle aura senti de mÊme; elle formera des orateurs, des musiciens, des peintres, des poÈtes, et jamais un seul philosophe. Au contraire si, dÈs l’enfance, on accoutume l’imagination À se brider elle-mÊme, À ne point se laisser emporter À sa propre impÉtuositÉ, qui ne fait que de brillants enthousiastes, À arrÊter, contenir ses idÉes, À les retourner dans tous les sens, pour voir toutes les faces d’un objet, alors l’imagination prompte À juger embrassera par le raisonnement la plus grande sphÈre d’objets, et sa vivacitÉ, toujours de si bon augure dans les enfants, et qu’il ne s’agit que de rÉgler par l’Étude et l’exercice, ne sera plus qu’une pÉnÉtration clairvoyante, sans laquelle on fait peu de progrÈs dans les sciences.

Such is the chaos and the continuous quick succession of our ideas: they drive each other away even as one wave yields to another. Therefore, if imagination does not, as it were, use one set of its muscles to maintain a kind of equilibrium with the fibres of the brain, to keep its attention for a while upon an object that is on the point of disappearing, and to prevent itself from contemplating prematurely another object—[unless the imagination does all this], it will never be worthy of the fine name of judgment. It will express vividly what it has perceived in the same fashion: it will create orators, musicians, painters, poets, but never a single philosopher. On the contrary, if the imagination be trained from childhood to bridle itself and to keep from being carried away by its own impetuosity—an impetuosity which creates only brilliant enthusiasts—and to check, to restrain, its ideas, to examine them in all their aspects in order to see all sides of an object, then the imagination, ready in judgment, will comprehend the greatest possible sphere of objects, through reasoning; and its vivacity (always so good a sign in children, and only needing to be regulated by study and training) will be only a far-seeing insight without which little progress can be made in the sciences.

Tels sont les simples fondements sur lesquels a ÉtÉ bati l’Édifice de la logique. La nature les avait jetÉs pour tout le genre humain; mais les uns en ont profitÉ, les autres en ont abusÉ.

Such are the simple foundations upon which the edifice of logic has been reared. Nature has built these foundations for the whole human race, but some have used them, while others have abused them.

MalgrÉ toutes ces prÉrogatives de l’homme sur les animaux, c’est lui faire honneur que de le ranger dans la mÊme classe. Il est vrai que, jusqu’À un certain Âge, il est plus animal qu’eux, parce qu’il apporte moins d’instinct en naissant.

Quel est l’animal qui mourrait de faim au milieu d’une riviÈre de lait? L’homme seul. Semblable À ce vieux enfant dont un moderne parle d’aprÈs Arnobe, il ne connait ni les aliments qui lui sont propres, ni l’eau qui peut le noyer, ni le feu qui peut le rÉduire en poudre. Faites briller pour la premiÈre fois la lumiÈre d’une bougie aux yeux d’un enfant, il y portera machinalement le doigt, comme pour savoir quel est le nouveau phÉnomÈne qu’il aperÇoit; c’est À ses dÉpens qu’il en connaÎtra le danger, mais il n’y sera pas repris.

Mettez-le encore avec un animal sur le bord d’un prÉcipice! lui seul y tombera; il se noie, oÙ l’autre se sauve À la nage. A quatorze ou quinze ans, il entrevoit À peine les grands plaisirs qui l’attendent dans la reproduction de son espÈce; dÉjÀ adolescent, il ne sait pas trop comment s’y prendre dans un jeu que la nature apprend si vite aux animaux: il se cache, comme s’il Était honteux d’avoir du plaisir et d’Être fait pour Être heureux, tandis que les animaux se font gloire d’Être cyniques. Sans Éducation, ils sont sans prÉjugÉs. Mais voyons encore ce chien et cet enfant qui ont tous deux perdu leur maÎtre dans un grand chemin: l’enfant pleure, il ne sait À quel saint se vouer; le chien, mieux servi par son odorat que l’autre par sa raison, l’aura bientÔt trouvÉ.

In spite of all these advantages of man over animals, it is doing him honor to place him in the same class. For, truly, up to a certain age, he is more of an animal than they, since at birth he has less instinct. What animal would die of hunger in the midst of a river of milk? Man alone. Like that child of olden time to whom a modern writer, refers, following Arnobius,36 he knows neither the foods suitable for him, nor the water that can drown him, nor the fire that can reduce him to ashes. Light a wax candle for the first time under a child’s eyes, and he will mechanically put his fingers in the flame as if to find out what is the new thing that he sees. It is at his own cost that he will learn of the danger, but he will not be caught again. Or, put the child with an animal on a precipice, the child alone falls off; he drowns where the animal would save itself by swimming. At fourteen or fifteen years the child knows hardly anything of the great pleasures in store for him, in the reproduction of his species; when he is a youth, he does not know exactly how to behave in a game which nature teaches animals so quickly. He hides himself as if he were ashamed of taking pleasure, and of having been made to be happy, while animals frankly glory in being cynics. Without education, they are without prejudices. For one more example, let us observe a dog and a child who have lost their master on a highway: the child cries and does not know to what saint to pray, while the dog, better helped by his sense of smell than the child by his reason, soon finds his master.

La nature nous avait donc faits pour Être au dessous des animaux, ou du moins pour faire par lÀ mÊme mieux Éclater les prodiges de l’Éducation, qui seule nous tire du niveau et nous ÉlÈve enfin au-dessus d’eux. Mais accordera-t-on la mÊme distinction aux sourds, aux aveugles-nÉs, aux imbÉciles, aux fous, aux hommes sauvages, ou qui ont ÉtÉ ÉlevÉs dans les bois avec les bÊtes, À ceux dont l’affection hypocondriaque a perdu l’imagination, enfin À toutes ces bÊtes À figure humaine, qui ne montrent que l’instinct le plus grossier? Non, tous ces hommes de corps, et non d’esprit, ne mÉritent pas une classe particuliÈre.

Thus nature made us to be lower than animals or at least to exhibit all the more, because of that native inferiority, the wonderful efficacy of education which alone raises us from the level of the animals and lifts us above them. But shall we grant this same distinction to the deaf and to the blind, to imbeciles, madmen, or savages, or to those who have been brought up in the woods with animals; to those who have lost their imagination through melancholia, or in short to all those animals in human form who give evidence of only the rudest instinct? No, all these, men of body but not of mind, do not deserve to be classed by themselves.

Nous n’avons pas dessein de nous dissimuler les objections qu’on peut faire en faveur de la distinction primitive de l’homme et des animaux, contre notre sentiment. Il y a, dit-on, dans l’homme une loi naturelle, une connaissance du bien et du mal, qui n’a pas ÉtÉ gravÉe dans le coeur des animaux.

We do not intend to hide from ourselves the arguments that can be brought forward against our belief and in favor of a primitive distinction between men and animals. Some say that there is in man a natural law, a knowledge of good and evil, which has never been imprinted on the heart of animals.

Mais cette objection, ou plutÔt cette assertion est-elle fondÉe sur l’expÉrience, sans laquelle un philosophe peut tout rejeter? En avons-nous quelqu’une qui nous convainque que l’homme seul a ÉtÉ ÉclairÉ d’un rayon refusÉ À tous les autres animaux? S’il n’y en a point, nous ne pouvons pas plus connaÎtre par elle ce qui se passe dans eux, et mÊme dans les hommes, que ne pas sentir ce qui affecte l’intÉrieur de notre Être. Nous savons que nous pensons et que nous avons des remords: un sentiment intime ne nous force que trop d’en convenir; mais pour juger des remords d’autrui, ce sentiment qui est dans nous est insuffisant: c’est pourquoi il en faut croire les autres hommes sur leur parole, ou sur les signes sensibles et extÉrieurs que nous avons remarquÉs en nous-mÊmes, lorsque nous Éprouvions la mÊme conscience et les mÊmes tourments.

But is this objection, or rather this assertion, based on observation? Any assertion unfounded on observation may be rejected by a philosopher. Have we ever had a single experience which convinces us that man alone has been enlightened by a ray denied all other animals? If there is no such experience, we can no more know what goes on in animals’ minds or even in the minds of other men, than we can help feeling what affects the inner part of our own being. We know that we think, and feel remorse—an intimate feeling forces us to recognize this only too well; but this feeling in us is insufficient to enable us to judge the remorse of others. That is why we have to take others at their word, or judge them by the sensible and external signs we have noticed in ourselves when we experienced the same accusations of conscience and the same torments.

Mais pour dÉcider si les animaux qui ne parlent point ont reÇu la loi naturelle, il faut s’en rapporter consÉquemment À ces signes dont je viens de parler, supposÉ qu’ils existent. Les faits semblent le prouver. Le chien qui a mordu son maÎtre qui l’agaÇait, a paru s’en repentir le moment suivant; on l’a vu triste, fÂchÉ, n’osant se montrer, et s’avouer coupable par un air rampant et humiliÉ. L’histoire nous offre un exemple cÉlÈbre d’un lion qui ne voulut pas dÉchirer un homme abandonnÉ À sa fureur, parce qu’il le reconnut pour son bienfaiteur. Qu’il serait À souhaiter que l’homme mÊme montrÂt toujours la mÊme reconnaissance pour les bienfaits et le mÊme respect pour l’humanitÉ! On n’aurait plus À craindre les ingrats, ni ces guerres qui sont le flÉau du genre humain et les vrais bourreaux de la loi naturelle.

In order to decide whether animals which do not talk have received the natural law, we must, therefore, have recourse to those signs to which I have just referred, if any such exist. The facts seem to prove it. A dog that bit the master who was teasing it, seemed to repent a minute afterwards; it looked sad, ashamed, afraid to show itself, and seemed to confess its guilt by a crouching and downcast air. History offers us a famous example of a lion which would not devour a man abandoned to its fury, because it recognized him as its benefactor. How much might it be wished that man himself always showed the same gratitude for kindnesses, and the same respect for humanity! Then we should no longer fear either ungrateful wretches, or wars which are the plague of the human race and the real executioners of the natural law.

Mais un Être À qui la nature a donnÉ un instinct si prÉcoce, si ÉclairÉ, qui juge, combine, raisonne et dÉlibÈre, autant que s’Étend et le lui permet la sphÈre de son activitÉ; un Être qui s’attache par les bienfaits, qui se dÉtache par les mauvais traitements et va essayer un meilleur maÎtre; un Être d’une structure semblable À la nÔtre, qui fait les mÊmes opÉrations, qui a les mÊmes passions, les mÊmes douleurs, les mÊmes plaisirs, plus ou moins vifs suivant l’empire de l’imagination et la dÉlicatesse des nerfs; un tel Être enfin ne montre-t-il pas clairement qu’il sent ses torts et les nÔtres, qu’il connait le bien et le mal et, en un mot, a conscience de ce qu’il fait? Son Âme qui marque comme la nÔtre les mÊmes joies, les mÊmes mortifications, les mÊmes dÉconcertements, serait-elle sans aucune rÉpugnance À la vue de son semblable dÉchirÉ, ou aprÈs l’avoir lui-mÊme impitoyablement mis en piÈces? Cela posÉ, le don prÉcieux dont il s’agit n’aurait point ÉtÉ refusÉ aux animaux; car puisqu’ils nous offrent des signes Évidents de leur repentir, comme de leur intelligence, qu’y a-t-il d’absurde À penser que des Êtres, des machines presque aussi parfaites que nous, soient, comme nous, faites pour penser et pour sentir la nature?

But a being to which nature has given such a precocious and enlightened instinct, which judges, combines, reasons, and deliberates as far as the sphere of its activity extends and permits, a being which feels attachment because of benefits received, and which leaving a master who treats it badly goes to seek a better one, a being with a structure like ours, which performs the same acts, has the same passions, the same griefs, the same pleasures, more or less intense according to the sway of the imagination and the delicacy of the nervous organization—does not such a being show clearly that it knows its faults and ours, understands good and evil, and in a word, has consciousness of what it does? Would its soul, which feels the same joys, the same mortification and the same discomfiture which we feel, remain utterly unmoved by disgust when it saw a fellow-creature torn to bits, or when it had itself pitilessly dismembered this fellow-creature? If this be granted, it follows that the precious gift now in question would not have been denied to animals: for since they show us sure signs of repentance, as well as of intelligence, what is there absurd in thinking that beings, almost as perfect machines as ourselves, are, like us, made to understand and to feel nature?

Qu’on ne m’objecte point que les animaux sont pour la plupart des Êtres fÉroces, qui ne sont pas capables de sentir les maux qu’ils font; car tous les hommes distinguent-ils mieux les vices et les vertus? Il est dans notre espÈce de la fÉrocitÉ, comme dans la leur. Les hommes qui sont dans la barbare habitude d’enfreindre la loi naturelle, n’en sont pas si tourmentÉs que ceux qui la transgressent pour la premiÈre fois, et que la force de l’exemple n’a point endurcis. Il en est de mÊme des animaux, comme des hommes. Les uns et les autres peuvent Être plus ou moins fÉroces par tempÉrament, et ils le deviennent encore plus avec ceux qui le sont. Mais un animal doux, pacifique, qui vit avec d’autres animaux semblables, et d’aliments doux, sera ennemi du sang et du carnage, il rougira intÉrieurement de l’avoir versÉ; avec cette diffÉrence peut-Être que, comme chez eux tout est immolÉ aux besoins, aux plaisirs et aux commoditÉs de la vie, dont ils jouissent plus que nous, leurs remords ne semblent pas devoir Être si vifs que les nÔtres, parceque nous ne sommes pas dans la mÊme nÉcessitÉ qu’eux. La coutume Émousse et peut-Être Étouffe les remords, comme les plaisirs.

Let no one object that animals, for the most part, are savage beasts, incapable of realizing the evil that they do; for do all men discriminate better between vice and virtue? There is ferocity in our species as well as in theirs. Men who are in the barbarous habit of breaking the natural law are not tormented as much by it, as those who transgress it for the first time, and who have not been hardened by the force of habit. The same thing is true of animals as of men—both may be more or less ferocious in temperament, and both become more so by living with others like themselves. But a gentle and peaceful animal which lives among other animals of the same disposition and of gentle nurture, will be an enemy of blood and carnage; it will blush internally at having shed blood. There is perhaps this difference, that since among animals everything is sacrificed to their needs, to their pleasures, to the necessities of life, which they enjoy more than we, their remorse apparently should not be as keen as ours, because we are not in the same state of necessity as they. Custom perhaps dulls and perhaps stifles remorse as well as pleasures.

Mais je veux pour un moment supposer que je me trompe, et qu’il n’est pas juste que presque tout l’univers ait tort À ce sujet, tandis que j’aurais seul raison; j’accorde que les animaux, mÊme les plus excellents, ne connaissent pas la distinction du bien et du mal moral, qu’ils n’ont aucune mÉmoire des attentions qu’on a eues pour eux, du bien qu’on leur a fait, aucun sentiment de leurs propres vertus; que ce lion, par exemple, dont j’ai parlÉ aprÈs tant d’autres, ne se souvienne pas de n’avoir pas voulu ravir la vie À cet homme qui fut livrÉ À sa furie, dans un spectacle plus inhumain que tous les lions, les tigres et les ours; tandis que nos compatriotes se battent, Suisses contre Suisses, frÈres contre frÈres, se reconnaissent, s’enchaÎnent, ou se tuent sans remords, parce qu’un prince paie leurs meurtres: je suppose enfin que la loi naturelle n’ait pas ÉtÉ donnÉe aux animaux, quelles en seront les consÉquences? L’homme n’est pas pÉtri d’un limon plus prÉcieux; la nature n’a employÉ qu’une seule et mÊme pÂte, dont elle a seulement variÉ les levains. Si donc l’animal ne se repent pas d’avoir violÉ le sentiment intÉrieur dont je parle, ou plutÔt s’il en est absolument privÉ, il faut nÉcessairement que l’homme soit dans le mÊme cas: moyennant quoi adieu la loi naturelle et tous ces beaux traitÉs qu’on a publiÉs sur elle! Tout le rÈgne animal en serait gÉnÉralement dÉpourvÛ. Mais rÉciproquement si l’homme ne peut se dispenser de convenir qu’il distingue toujours, lorsque la santÉ le laisse jouÏr de lui-mÊme, ceux qui ont de la probitÉ, de l’humanitÉ, de la vertu, de ceux qui ne sont ni humains, ni vertueux, ni honnÊtes gens; qu’il est facile de distinguer ce qui est vice, ou vertu, par l’unique plaisir ou la propre rÉpugnance qui en sont comme les effets naturels, il s’ensuit que les animaux formÉs de la mÊme matiÈre, À laquelle il n’a peut-Être manquÉ qu’un degrÉ de fermentation pour Égaler les hommes en tout, doivent participer aux mÊmes prÉrogatives de l’animalitÉ, et qu’ainsi il n’est point d’Âme, ou de substance sensitive, sans remords. La rÉflexion suivante va fortifier celles-ci.

But I will suppose for a moment that I am utterly mistaken in concluding that almost all the world holds a wrong opinion on this subject, while I alone am right. I will grant that animals, even the best of them, do not know the difference between moral good and evil, that they have no recollection of the trouble taken for them, of the kindness done them, no realization of their own virtues. [I will suppose], for instance, that this lion, to which I, like so many others, have referred, does not remember at all that it refused to kill the man, abandoned to its fury, in a combat more inhuman than one could find among lions, tigers and bears, put together. For our compatriots fight, Swiss against Swiss, brother against brother, recognize each other, and yet capture and kill each other without remorse, because a prince pays for the murder. I suppose in short that the natural law has not been given animals. What will be the consequences of this supposition? Man is not moulded from a costlier clay; nature has used but one dough, and has merely varied the leaven. Therefore if animals do not repent for having violated this inmost feeling which I am discussing, or rather if they absolutely lack it, man must necessarily be in the same condition. Farewell then to the natural law and all the fine treatises published about it! The whole animal kingdom in general would be deprived of it. But, conversely, if man can not dispense with the belief that when health permits him to be himself, he always distinguishes the upright, humane, and virtuous, from those who are not humane, virtuous, nor honorable: that it is easy to tell vice from virtue, by the unique pleasure and the peculiar repugnance that seem to be their natural effects, it follows that animals, composed of the same matter, lacking perhaps only one degree of fermentation to make it exactly like man’s, must share the same prerogatives of animal nature, and that thus there exists no soul or sensitive substance without remorse.37 The following consideration will reinforce these observations.

On ne peut dÉtruire la loi naturelle. L’empreinte en est si forte dans tous les animaux, que je ne doute nullement que les plus sauvages et les plus fÉroces n’aient quelques moments de repentir. Je crois que la fille sauvage de ChÂlons en Champagne aura portÉ la peine de son crime, s’il est vrai qu’elle ait mangÉ sa soeur. Je pense la mÊme chose de tous ceux qui commettent des crimes, mÊme involontaires, ou de tempÉrament: de Gaston d’OrlÉans qui ne pouvait s’empÊcher de voler; de certaine femme qui fut sujette au mÊme vice dans la grossesse, et dont ses enfants hÉritÈrent; de celle qui dans le mÊme État, mangea son mari; de cette autre qui Égorgeait les enfants, salait leurs corps, et en mangeait tous les jours comme du petit salÉ; de cette fille de voleur anthropophage, qui la devint À 12 ans, quoiqu’ayant perdu pÈre et mÈre À l’Âge d’un an elle eÛt ÉtÉ ÉlevÉe par d’honnÊtes gens, pour ne rien dire de tant d’autres exemples dont nos observateurs sont remplis, et qui prouvent tous qu’il est mille vices et vertus hÉrÉditaires, qui passent des parents aux enfants, comme ceux de la nourrice À ceux qu’elle allaite. Je dis donc et j’accorde que ces malheureux ne sentent pas pour la plupart sur le champ l’ÉnormitÉ de leur action. La boulimie, par exemple, ou la faim canine, peut Éteindre tout sentiment; c’est une manie d’estomac qu’on est forcÉ de satisfaire. Mais revenues À elles-mÊmes, et comme dÉsenivrÉes, quels remords pour ces femmes qui se rappellent le meurtre qu’elles ont commis dans ce qu’elles avaient de plus cher! quelle punition d’un mal involontaire, auquel elles n’ont pu rÉsister, dont elles n’ont eu aucune conscience! Cependant ce n’est point assez apparemment pour les juges. Parmi les femmes dont je parle, l’une fut rouÉe, et brÛlÉe, l’autre enterrÉe vive. Je sens tout ce que demande l’intÉrÊt de la sociÉtÉ. Mais il serait sans doute À souhaiter qu’il n’y eÛt pour juges que d’excellents mÉdecins. Eux seuls pourraient distinguer le criminel innocent, du coupable. Si la raison est esclave d’un sens dÉpravÉ, ou en fureur, comment peut-elle le gouverner?

It is impossible to destroy the natural law. The impress of it on all animals is so strong, that I have no doubt that the wildest and most savage have some moments of repentance. I believe that that cruel maid of Chalons in Champagne must have sorrowed for her crime, if she really ate her sister. I think that the same thing is true of all those who commit crimes, even involuntary or temperamental crimes: true of Gaston of Orleans who could not help stealing; of a certain woman who was subject to the same crime when pregnant, and whose children inherited it; of the woman who, in the same condition, ate her husband; of that other woman who killed her children, salted their bodies, and ate a piece of them every day, as a little relish; of that daughter of a thief and cannibal who at twelve years followed in his steps, although she had been orphaned when she was a year old, and had been brought up by honest people; to say nothing of many other examples of which the records of our observers are full, all of them proving that there are a thousand hereditary vices and virtues which are transmitted from parents to children as those of the foster mother pass to the children she nurses. Now, I believe and admit that these wretches do not for the most part feel at the time the enormity of their actions. Bulimia, or canine hunger, for example, can stifle all feeling; it is a mania of the stomach that one is compelled to satisfy, but what remorse must be in store for those women, when they come to themselves and grow sober, and remember the crimes they have committed against those they held most dear! What a punishment for an involuntary crime which they could not resist, of which they had no consciousness whatever! However, this is apparently not enough for the judges. For of these women, of whom I tell, one was cruelly beaten and burned, and another was buried alive. I realize all that is demanded by the interest of society. But doubtless it is much to be wished that excellent physicians might be the only judges. They alone could tell the innocent criminal from the guilty. If reason is the slave of a depraved or mad desire, how can it control the desire?

Mais si le crime porte avec soi sa propre punition plus ou moins cruelle; si la plus longue et la plus barbare habitude ne peut tout-À-fait arracher le repentir des coeurs les plus inhumains; s’ils sont dÉchirÉs par la mÉmoire mÊme de leurs actions; pour quoi effrayer l’imagination des esprits faibles par un enfer, par des spectres, et des prÉcipices de feu, moins rÉels encore que ceux de Pascal6? Qu’est-il besoin de recourir À des fables, comme un pape de bonne foi l’a dit lui-mÊme, pour tourmenter les malheureux mÊmes qu’on fait pÉrir, parce qu’on ne les trouve pas assez punis par leur propre conscience, qui est leur premier bourreau? Ce n’est pas que je veuille dire que tous les criminels soient injustement punis; je prÉtends seulement que ceux dont la volontÉ est dÉpravÉe, et la conscience Éteinte, le sont assez par leurs remords, quand ils reviennent À eux-mÊmes; remords, j’ose encore le dire, dont la nature aurait dÛ en ce cas, ce me semble, dÉlivrer des malheureux entraÎnÉs par une fatale nÉcessitÉ.

But if crime carries with it its own more or less cruel punishment, if the most continued and most barbarous habit can not entirely blot out repentance in the crudest hearts, if criminals are lacerated by the very memory of their deeds, why should we frighten the imagination of weak minds, by a hell, by specters, and by precipices of fire even less real than those of Pascal?6 Why must we have recourse to fables, as an honest pope once said himself, to torment even the unhappy wretches who are executed, because we do not think that they are sufficiently punished by their own conscience, their first executioner? I do not mean to say that all criminals are unjustly punished; I only maintain that those whose will is depraved, and whose conscience is extinguished, are punished enough by their remorse when they come to themselves, a remorse, I venture to assert, from which nature should in this case have delivered unhappy souls dragged on by a fatal necessity.

Les criminels, les mÉchants, les ingrats, ceux enfin que ne sentent pas la nature, tyrans malheureux et indignes du jour, ont beau se faire un cruel plaisir de leur barbarie, il est des moments calmes et de rÉflexion, oÙ la conscience vengeresse s’ÉlÈve, dÉpose contr’eux, et les condamne À Être presque sans cesse dÉchirÉs de ses propres mains. Qui tourmente les hommes, est tourmentÉ par lui-mÊme; et les maux qu’il sentira seront la juste mesure de ceux qu’il aura faits.

Criminals, scoundrels, ingrates, those in short without natural feelings, unhappy tyrants who are unworthy of life, in vain take a cruel pleasure in their barbarity, for there are calm moments of reflection in which the avenging conscience arises, testifies against them, and condemns them to be almost ceaselessly torn to pieces at their own hands. Whoever torments men is tormented by himself; and the sufferings that he will experience will be the just measure of those that he has inflicted.

D’un autre cÔtÉ, il y a tant de plaisir À faire du bien, À sentir, À reconnaÎtre celui qu’on reÇoit, tant de contentement À pratiquer la vertu, À Être doux, humain, tendre, charitable, compatissant et gÉnÉreux (ce seul mot renferme toutes les vertus), que je tiens pour assez puni quiconque a le malheur de n’Être pas nÉ vertueux.

On the other hand, there is so much pleasure in doing good, in recognizing and appreciating what one receives, so much satisfaction in practising virtue, in being gentle, humane, kind, charitable, compassionate and generous (for this one word includes all the virtues), that I consider as sufficiently punished any one who is unfortunate enough not to have been born virtuous.

Nous n’avons pas originairement ÉtÉ faits pour Être savants; c’est peut-Être par une espÈce d’abus de nos facultÉs organiques, que nous le sommes devenus; et cela À la charge de l’Etat, qui nourrit une multitude de fainÉants, que la vanitÉ a decorÉs du nom de philosophes. La nature nous a tous crÉÉs uniquement pour Être heureux; oui, tous, depuis le ver qui rampe, jusqu’À l’aigle qui se perd dans la nue. C’est pourquoi elle a donnÉ À tous les animaux quelque portion de la loi naturelle, portion plus ou moins exquise selon que le comportent les organes bien conditionnÉs de chaque animal.

We were not originally made to be learned; we have become so perhaps by a sort of abuse of our organic faculties, and at the expense of the State which nourishes a host of sluggards whom vanity has adorned with the name of philosophers. Nature has created us all solely to be happy38—yes, all of us from the crawling worm to the eagle lost in the clouds. For this cause she has given all animals some share of natural law, a share greater or less according to the needs of each animal’s organs when in normal condition.

A prÉsent, comment dÉfinirons-nous la loi naturelle? C’est un sentiment qui nous apprend ce que nous ne devons pas faire, parce que nous ne voudrions pas qu’on nous le fÎt. Oserais-je ajouter À cette idÉe commune, qu’il me semble que ce sentiment n’est qu’une espÈce de crainte, ou de frayeur, aussi salutaire À l’espÈce qu’a l’individu; car peut-Être ne respectons-nous la bourse et la vie des autres, que pour nous conserver nos biens, notre honneur et nous-mÊmes; semblables À ces Ixions du Christianisme qui n’aiment Dieu et n’embrassent tant de chimÉriques vertus, que parce qu’ils craignent l’enfer.

Now how shall we define natural law? It is a feeling that teaches us what we should not do, because we would not wish it to be done to us. Should I dare add to this common idea, that this feeling seems to me but a kind of fear or dread, as salutary to the race as to the individual; for may it not be true that we respect the purse and life of others only to save our own possessions, our honor, and ourselves; like those Ixions of Christianity39 who love God and embrace so many fantastic virtues, merely because they are afraid of hell!

Vous voyez que la loi naturelle n’est qu’un sentiment intime, qui appartient encore À l’imagination, comme tous les autres, parmi lesquels on compte la pensÉe. Par consÉquent elle ne suppose Évidemment ni Éducation, ni rÉvÉlation, ni lÉgislateur, À moins qu’on ne veuille la confondre avec les lois civiles, À la maniÈre ridicule des thÉologiens.

You see that natural law is but an intimate feeling that, like all other feelings (thought included), belongs also to imagination. Evidently, therefore, natural law does not presuppose education, revelation, nor legislator,—provided one does not propose to confuse natural law with civil laws, in the ridiculous fashion of the theologians.

Les armes du fanatisme peuvent dÉtruire ceux qui soutiennent ces vÉritÉs; mais elles ne dÉtruiront jamais ces vÉritÉs mÊmes.

The arms of fanaticism may destroy those who support these truths, but they will never destroy the truths themselves.

Ce n’est pas que je rÉvoque en doute l’existence d’un Etre suprÊme; il me semble au contraire que le plus grand degrÉ de probabilitÉ est pour elle: mais comme cette existence ne prouve pas plus la nÉcessitÉ d’un culte, que toute autre, c’est une vÉritÉ thÉorique, qui n’est guÈre d’usage dans la pratique: de sorte que, comme on peut dire, d’aprÈs tant d’expÉriences, que la religion ne suppose pas l’exacte probitÉ, les mÊmes raisons autorisent À penser que l’athÉisme ne l’exclut pas.

I do not mean to call in question the existence of a supreme being; on the contrary it seems to me that the greatest degree of probability is in favor of this belief. But since the existence of this being goes no further than that of any other toward proving the need of worship, it is a theoretic truth with very little practical value. Therefore, since we may say, after such long experience, that religion does not imply exact honesty, we are authorized by the same reasons to think that atheism does not exclude it.

Qui sait d’ailleurs si la raison de l’existence de l’homme ne serait pas dans son existence mÊme? Peut-Être a-t-il ÉtÉ jetÉ au hasard sur un point de la surface de la terre, sans qu’on puisse savoir ni comment, ni pourquoi, mais seulement qu’il doit vivre et mourir, semblable À ces champignons, qui paraissent d’un jour À l’autre, ou À ces fleurs qui bordent les fossÉs et couvrent les murailles.

Furthermore, who can be sure that the reason for man’s existence is not simply the fact that he exists?40 Perhaps he was thrown by chance on some spot on the earth’s surface, nobody knows how nor why, but simply that he must live and die, like the mushrooms which appear from day to day, or like those flowers which border the ditches and cover the walls.

Ne nous perdons point dans l’infini, nous ne sommes pas faits pour en avoir la moindre idÉe; il nous est absolument impossible de remonter À l’origine des choses. Il est Égal d’ailleurs pour notre repos, que la matiÈre soit Éternelle, ou qu’elle ait ÉtÉ crÉÉe, qu’il y ait un Dieu, ou qu’il n’y en ait pas. Quelle folie de tant se tourmenter pour ce qu’il est impossible de connaÎtre, et ce qui ne nous rendrait pas plus heureux, quand nous en viendrions À bout.

Let us not lose ourselves in the infinite, for we are not made to have the least idea thereof, and are absolutely unable to get back to the origin of things. Besides it does not matter for our peace of mind, whether matter be eternal or have been created, whether there be or be not a God. How foolish to torment ourselves so much about things which we can not know, and which would not make us any happier even were we to gain knowledge about them!

Mais, dit-on, lisez tous les ouvrages des FÉnelon, des Nieuventit, des Abadie, des Derham, des RaÏ, etc. Eh bien! que m’apprendront-ils? ou plutÔt que m’ont-ils appris? Ce ne sont que d’ennuyeuses rÉpÉtitions d’Écrivains zÉlÉs, dont l’un n’ajoute À l’autre qu’un verbiage, plus propres À fortifier qu’À saper les fondements de l’athÉisme. Le volume des preuves qu’on tire du spectacle de la nature, ne leur donne pas plus de force. La structure seule d’un doigt, d’une oreille, d’un oeil, une observation de Malpighi, prouve tout, et sans doute beaucoup mieux que Descartes et Malebranche; ou tout le reste ne prouve rien. Les dÉistes, et les ChrÉtiens mÊmes devraient donc se contenter de faire observer que, dans tout le rÈgne animal, les mÊmes vues sont exÉcutÉes par une infinitÉ de divers moyens, tous cependant exactement gÉomÉtriques. Car de quelles plus fortes armes pourrait-on terrasser les athÉes? Il est vrai que si ma raison ne me trompe pas, l’homme et tout l’univers semblent avoir ÉtÉ destinÉs À cette unitÉ de vues. Le soleil, l’air, l’eau, l’organisation, la forme des corps, tout est arrangÉ dans l’oeil, comme dans un miroir qui prÉsente fidÈlement À l’imagination les objets qui y sont peints, suivant les lois qu’exige cette infinie variÉtÉ de corps qui servent À la vision. Dans l’oreille, nous trouvons partout une diversitÉ frappante, sans que cette diverse fabrique de l’homme, des animaux, des oiseaux, des poissons, produise diffÉrents usages. Toutes les oreilles sont si mathÉmatiquement faites, qu’elles tendent Également au seul et mÊme but, qui est d’entendre. Le hasard, demande le dÉiste, serait-il donc assez grand gÉomÈtre, pour varier ainsi À son grÉ les ouvrages dont on le suppose auteur, sans que tant de diversitÉ pÛt l’empÊcher d’atteindre la mÊme fin? Il objecte encore ces parties Évidemment contenues dans l’animal pour de futurs usages, le papillon dans la chenille, l’homme dans le ver spermatique, un polype entier dans chacune de ses parties, la valvule du trou ovale, le poumon dans le foetus, les dents dans leurs alvÉoles, les os dans les fluides, qui s’en dÉtachent et se durcissent d’une maniÈre incomprÉhensible. Et comme les partisans de ce systÈme, loin de rien nÉgliger pour le faire valoir, ne se lassent jamais d’accumuler preuves sur preuves, ils veulent profiter de tout, et de la faiblesse mÊme de l’esprit en certain cas. Voyez, disent-ils, les Spinoza, les Vanini, les Desbarreaux, les Boindin, apÔtres qui font plus d’honneur que de tort au dÉisme! La durÉe de la santÉ de ces derniers a ÉtÉ la mesure de leur incrÉdulitÉ: et il est rare en effet, ajoutent-ils, qu’on n’abjure pas l’athÉisme, dÈs que les passions se sont affaiblies avec le corps qui en est l’instrument.

But, some will say, read all such works as those of FÉnelon,41 of Nieuwentyt,42 of Abadie,43 of Derham,44 of Rais,45 and the rest. Well! what will they teach me or rather what have they taught me? They are only tiresome repetitions of zealous writers, one of whom adds to the other only verbiage, more likely to strengthen than to undermine the foundations of atheism. The number of the evidences drawn from the spectacle of nature does not give these evidences any more force. Either the mere structure of a finger, of an ear, of an eye, a single observation of Malpighi46 proves all, and doubtless much better than Descartes and Malebranche proved it, or all the other evidences prove nothing. Deists,47 and even Christians, should therefore be content to point out that throughout the animal kingdom the same aims are pursued and accomplished by an infinite number of different mechanisms, all of them however exactly geometrical. For what stronger weapons could there be with which to overthrow atheists? It is true that if my reason does not deceive me, man and the whole universe seem to have been designed for this unity of aim. The sun, air, water, the organism, the shape of bodies,—everything is brought to a focus in the eye as in a mirror that faithfully presents to the imagination all the objects reflected in it, in accordance with the laws required by the infinite variety of bodies which take part in vision. In ears we find everywhere a striking variety, and yet the difference of structure in men, animals, birds, and fishes, does not produce different uses. All ears are so mathematically made, that they tend equally to one and the same end, namely, hearing. But would Chance, the deist asks, be a great enough geometrician to vary thus, at pleasure, the works of which she is supposed to be the author, without being hindered by so great a diversity from gaining the same end? Again, the deist will bring forward as a difficulty those parts of the animal that are clearly contained in it for future use, the butterfly in the caterpillar, man in the sperm, a whole polyp in each of its parts, the valvule in the oval orifice, the lungs in the foetus, the teeth in their sockets, the bones in the fluid from which they detach themselves and (in an incomprehensible manner) harden. And since the partisans of this theory, far from neglecting anything that would strengthen it, never tire of piling up proof upon proof, they are willing to avail themselves of everything, even of the weakness of the mind in certain cases. Look, they say, at men like Spinoza, Vanini,48 Desbarreau,49 and Boindin,50 apostles who honor deism more than they harm it. The duration of their health was the measure of their unbelief, and one rarely fails, they add, to renounce atheism when the passions, with their instrument, the body, have grown weak.

VoilÀ certainement tout ce qu’on peut dire de plus favorable À l’existence d’un Dieu, quoique le dernier argument soit frivole, en ce que ces conversions sont courtes, l’esprit reprenant presque toujours ses anciennes opinions et se conduisant en consÉquence, dÈs qu’il a recouvrÉ ou plutÔt retrouvÉ ses forces dans celles du corps. En voilÀ du moins beaucoup plus que n’en dit le mÉdecin Diderot dans ses PensÉes philosophiques, sublime ouvrage qui ne convaincra pas un athÉe. Que rÉpondre en effet À un homme qui dit? “Nous ne connaissons point la nature: des causes cachÉes dans son sein pourraient avoir tout produit. Voyez À votre tour le polype de Trembley! ne contient-il pas en soi les causes qui donnent lieu À sa rÉgÉnÉration? quelle absurditÉ y aurait-il donc À penser qu’il est des causes physiques pour lesquelles tout a ÉtÉ fait, et auxquelles toute la chaÎne de ce vaste univers est si nÉcessairement liÉe et assujettie, que rien de ce qui arrive ne pouvait pas ne pas arriver; des causes dont l’ignorance absolument invincible nous a fait recourir À un Dieu, qui n’est pas mÊme un Être de raison, suivant certains? Ainsi, dÉtruire le hasard, ce n’est pas prouver l’existence d’un Etre supreme, puisqu’il peut y avoir autre chose qui ne serait ni hasard, ni Dieu, je veux dire la Nature, dont l’Étude par consÉquent ne peut faire que des incrÉdules, comme le prouve la faÇon de penser de tous ses plus heureux scrutateurs.”

That is certainly the most that can be said in favor of the existence of God: although the last argument is frivolous in that these conversions are short, and the mind almost always regains its former opinions and acts accordingly, as soon as it has regained or rather rediscovered its strength in that of the body. That is, at least, much more than was said by the physician Diderot,51 in his “PensÉes Philosophiques,” a sublime work that will not convince a single atheist. What reply can, in truth, be made to a man who says, “We do not know nature; causes hidden in her breast might have produced everything. In your turn, observe the polyp of Trembley:52 does it not contain in itself the causes which bring about regeneration? Why then would it be absurd to think that there are physical causes by reason of which everything has been made, and to which the whole chain of this vast universe is so necessarily bound and held that nothing which happens, could have failed to happen,53—causes, of which we are so invincibly ignorant that we have had recourse to a God, who, as some aver, is not so much as a logical entity? Thus to destroy chance is not to prove the existence of a supreme being, since there may be some other thing which is neither chance nor God—I mean, nature. It follows that the study of nature can make only unbelievers; and the way of thinking of all its more successful investigators proves this.”

Le poids de l’univers n’Ébranle donc pas un vÉritable athÉe, loin de l’Écraser; et tous ces indices mille et mille fois rebattus d’un CrÉateur, indices qu’on met fort au-dessus de la faÇon de penser dans nos semblables, ne sont Évidents, quelque loin qu’on pousse cet argument, que pour les Antipyrrhoniens, ou pour ceux qui ont assez de confiance dans leur raison pour croire pouvoir juger sur certaines apparences, auxquelles, comme vous voyez, les athÉes peuvent en opposer d’autres peut-Être aussi fortes et absolument contraires. Car si nous Écoutons encore les naturalistes, ils nous diront que les mÊmes causes qui dans les mains d’un chimiste et par le hasard de divers mÉlanges ont fait le premier miroir, dans celles de la nature ont fait l’eau pure, qui en sert À la simple bergÈre: que le mouvement qui conserve le monde, a pu le crÉer; que chaque corps a pris la place que sa nature lui a assignÉe; que l’air a dÛ entourer la terre, par la mÊme raison que le fer et les autres mÉtaux sont l’ouvrage de ses entrailles; que le soleil est une production aussi naturelle, que celle de l’ÉlectricitÉ; qu’il n’a pas plus ÉtÉ fait pour Échauffer la terre et tous ses habitants, qu’il brÛle quelquefois, que la pluie pour faire pousser les grains, qu’elle gÂte souvent; que le miroir et l’eau n’ont pas plus ÉtÉ faits pour qu’on pÛt s’y regarder, que tous les corps polis qui ont la mÊme propriÉtÉ: que l’oeil est À la vÉritÉ une espÈce de trumeau dans lequel l’Âme peut contempler l’image des objets, tels qu’ils lui sont reprÉsentÉs par ces corps: mais qu’il n’est pas dÉmontrÉ que cet organe ait ÉtÉ rÉellement fait exprÈs pour cette contemplation, ni exprÈs placÉ dans l’orbite; qu’enfin il se pourrait bien faire que LucrÈce, le mÉdecin Lamy et tous les Epicuriens anciens et modernes eÛssent raison, lorsqu’ils avancent que l’oeil ne voit que par ce qu’il se trouve organisÉ, et placÉ comme il l’est, que posÉes une fois les mÊmes rÈgles de mouvement que suit la nature dans la gÉnÉration et le dÉveloppement des corps, il n’Était pas possible que ce merveilleux organe fÛt organisÉ et placÉ autrement.

The weight of the universe therefore far from crushing a real atheist does not even shake him. All these evidences of a creator, repeated thousands and thousands of times, evidences that are placed far above the comprehension of men like us, are self-evident (however far one push the argument) only to the anti-Pyrrhonians,54 or to those who have enough confidence in their reason to believe themselves capable of judging on the basis of certain phenomena, against which, as you see, the atheists can urge others perhaps equally strong and absolutely opposed. For if we listen to the naturalists again, they will tell us that the very causes which, in a chemist’s hands, by a chance combination, made the first mirror, in the hands of nature made the pure water, the mirror of the simple shepherdess; that the motion which keeps the world going could have created it, that each body has taken the place assigned to it by its own nature, that the air must have surrounded the earth, and that iron and the other metals are produced by internal motions of the earth, for one and the same reason; that the sun is as much a natural product as electricity, that it was not made to warm the earth and its inhabitants, whom it sometimes burns, any more than the rain was made to make the seeds grow, which it often spoils; that the mirror and the water were no more made for people to see themselves in, than were all other polished bodies with this same property; that the eye is in truth a kind of glass in which the soul can contemplate the image of objects as they are presented to it by these bodies, but that it is not proved that this organ was really made expressly for this contemplation, nor purposely placed in its socket, and in short that it may well be that Lucretius,55 the physician Lamy,56 and all Epicureans both ancient and modern were right when they suggested that the eye sees only because it is formed and placed as it is,57 and that, given once for all, the same rules of motion followed by nature in the generation and development of bodies, this marvelous organ could not have been formed and placed differently.

Tel est le pour et le contre, et l’abrÉgÉ des grandes raisons qui partageront Éternellement les philosophes. Je ne prends aucun parti.

“Non nostrum inter vos tantas componere lites.”

Such is the pro and the con, and the summary of those fine arguments that will eternally divide the philosophers. I do not take either side.

“Non nostrum inter vos tantas componere lites.”58

C’est ce que je disais À un FranÇais de mes amis, aussi franc Pyrrhonien que moi, homme de beaucoup de mÉrite, et digne d’un meilleur sort. Il me fit À ce sujet une rÉponse fort singuliÈre. Il est vrai, me dit-il, que le pour et le contre ne doit point inquiÉter l’Âme d’un philosophe, qui voit que rien n’est dÉmontrÉ avec assez de clartÉ pour forcer son consentement, et mÊme que les idÉes indicatives qui s’offrent d’un cÔtÉ, sont ausitÔt dÉtruites par celles qui se montrent de l’autre. Cependant, reprit-il, l’univers ne sera jamais heureux, À moins qu’il ne soit athÉe. Voici quelles Étaient les raisons de cet abominable homme. Si l’athÉisme, disait-il, Était gÉnÉralement rÉpandu, toutes les branches de la religion seraient alors dÉtruites et coupÉes par la racine. Plus de guerres thÉologiques; plus de soldats de religion; soldats terribles! la nature infectÉe d’un poison sacrÉ, reprendrait ses droits et sa puretÉ. Sourds À toute autre voix, les mortels tranquilles ne suivraient que les conseils spontanÉs de leur propre individu, les seuls qu’on ne mÉprise point impunÉment et qui peuvent seuls nous conduire au bonheur par les agrÉables sentiers de la vertu.

This is what I said to one of my friends, a Frenchman, as frank a Pyrronian as I, a man of much merit, and worthy of a better fate. He gave me a very singular answer in regard to the matter. “It is true,” he told me, “that the pro and con should not disturb at all the soul of a philosopher, who sees that nothing is proved with clearness enough to force his consent, and that the arguments offered on one side are neutralized by those of the other. However,” he continued, “the universe will never be happy, unless it is atheistic.”59 Here are this wretch’s reasons. If atheism, said he, were generally accepted, all the forms of religion would then be destroyed and cut off at the roots. No more theological wars, no more soldiers of religion—such terrible soldiers! Nature infected with a sacred poison, would regain its rights and its purity. Deaf to all other voices, tranquil mortals would follow only the spontaneous dictates of their own being the only commands which can never be despised with impunity and which alone can lead us to happiness through the pleasant paths of virtue.

Telle est la loi naturelle; quiconque en est rigide observateur, est honnÊte homme, et mÉrite la confiance de tout le genre humain. Quiconque ne la suit pas scrupuleusement, a beau affecter les spÉcieux dehors d’une autre religion, est un fourbe, ou un hypocrite dont je me dÉfie.

Such is natural law: whoever rigidly observes it is a good man and deserves the confidence of all the human race. Whoever fails to follow it scrupulously affects, in vain, the specious exterior of another religion; he is a scamp or a hypocrite whom I distrust.

AprÈs cela, qu’un vain peuple pense diffÉremment; qu’il ose affirmer qu’il y va de la probitÉ mÊme, À ne pas croire la RÉvÉlation; qu’il faut en un mot un autre religion que celle de la nature, quelle qu’elle soit! quelle misÈre! quelle pitiÉ! et la bonne opinion que chacun nous donne de celle qu’il a embrassÉe! Nous ne briguons point ici le suffrage du vulgaire. Qui dresse dans son coeur des autels À la superstition, est nÉ pour adorer des idoles, et non pour sentir la vertu.

After this, let a vain people think otherwise, let them dare affirm that even probity is at stake in not believing in revelation, in a word that another religion than that of nature is necessary, whatever it may be. Such an assertion is wretched and pitiable; and so is the good opinion which each one gives us of the religion he has embraced! We do not seek here the votes of the crowd. Whoever raises in his heart altars to superstition, is born to worship idols and not to thrill to virtue.

Mais puisque toutes les facultÉs de l’Âme dÉpendent tellement de la propre organisation du cerveau et de tout le corps, qu’elles ne sont visiblement que cette organisation mÊme: voilÀ une machine bien ÉclairÉe! car enfin quand l’homme seul aurait reÇu en partage la loi naturelle, en serait-il moins une machine? Des roues, quelques ressorts de plus que dans les animaux les plus parfaits, le cerveau proportionnellement plus proche du coeur, et recevant aussi plus de sang, la mÊme raison donnÉe; que sais-je enfin? des causes inconnues produiraient toujours cette conscience dÉlicate, si facile À blesser, ces remords qui ne sont pas plus Étrangers À la matiÈre que la pensÉe, et en un mot toute la diffÉrence qu’on suppose ici. L’organisation suffirait-elle donc a tout? oui, encore une fois. Puisque la pensÉe se dÉveloppe visiblement avec les organes, pourquoi la matiÈre dont ils sont faits ne serait-elle pas aussi susceptible de remords, quand une fois elle a acquis avec le temps la facultÉ de sentir?

But since all the faculties of the soul depend to such a degree on the proper organization of the brain and of the whole body, that apparently they are but this organization itself, the soul is clearly an enlightened machine. For finally, even if man alone had received a share of natural law, would he be any less a machine for that? A few more wheels, a few more springs than in the most perfect animals, the brain proportionally nearer the heart and for this very reason receiving more blood—any one of a number of unknown causes might always produce this delicate conscience so easily wounded, this remorse which is no more foreign to matter than to thought, and in a word all the differences that are supposed to exist here. Could the organism then suffice for everything? Once more, yes; since thought visibly develops with our organs, why should not the matter of which they are composed be susceptible of remorse also, when once it has acquired, with time, the faculty of feeling?

L’Âme n’est donc qu’un vain terme dont on n’a point d’idÉe, et dont un bon esprit ne doit se servir que pour nommer la partie qui pense en nous. PosÉ le moindre principe de mouvement, les corps animÉs auront tout ce qu’il leur faut pour se mouvoir, sentir, penser, se repentir, et se conduire en un mot dans le physique, et dans le moral qui en dÉpend.

The soul is therefore but an empty word, of which no one has any idea, and which an enlightened man should use only to signify the part in us that thinks.60 Given the least principle of motion, animated bodies will have all that is necessary for moving, feeling, thinking, repenting, or in a word for conducting themselves in the physical realm, and in the moral realm which depends upon it.

Nous ne supposons rien; ceux qui croiraient que toutes les difficultÉs ne seraient pas encore levÉes, vont trouver des expÉriences, qui achÈveront de les satisfaire.

Yet we take nothing for granted; those who perhaps think that all the difficulties have not yet been removed shall now read of experiments that will completely satisfy them.

1. Toutes les chairs des animaux palpitent aprÈs la mort, d’autant plus longtemps que l’animal est plus froid et transpire moins: les tortues, les lÉzards, les serpents, etc. en font foi.

1. The flesh of all animals palpitates after death. This palpitation continues longer, the more cold blooded the animal is and the less it perspires. Tortoises, lizards, serpents, etc. are evidence of this.

2. Les muscles sÉparÉs du corps, se retirent, lorsqu’on les pique.

2. Muscles separated from the body contract when they are stimulated.

3. Les entrailles conservent longtemps leur mouvement pÉristaltique, ou vermiculaire.

3. The intestines keep up their peristaltic or vermicular motion for a long time.

4. Une simple injection d’eau chaude ranime le coeur et les muscles, suivant Cowper.

4. According to Cowper,61 a simple injection of hot water reanimates the heart and the muscles.

5. Le coeur de la grenouille, surtout exposÉ au soleil, encore mieux sur une table ou une assiette chaude, se remue pendant une heure et plus, aprÈs avoir ÉtÉ arrachÉ du corps. Le mouvement semble-t-il perdu sans ressource? il n’y a qu’À piquer le coeur, et ce muscle creux bat encore. Harvey a fait la mÊme observation sur les crapauds.

5. A frog’s heart moves for an hour or more after it has been removed from the body, especially when exposed to the sun or better still when placed on a hot table or chair. If this movement seems totally lost, one has only to stimulate the heart, and that hollow muscle beats again. Harvey62 made this same observation on toads.

6. Bacon de Verulam, dans son TraitÉ Sylva-Sylvarum, parle d’un homme convaincu de trahison, qu’on ouvrit vivant, et dont le coeur jetÉ dans l’eau chaude sauta À plusieurs reprises, toujours moins haut, À la distance perpendiculaire de 2 pieds.

6. Bacon of Verulam63 in his treatise “Sylva Sylvarum” cites the case of a man convicted of treason, who was opened alive, and whose heart thrown into hot water leaped several times, each time less high, to the perpendicular height of two feet.

7. Prenez un petit poulet encore dans l’oeuf; arrachez lui le coeur; vous observerez les mÊmes phÉnomÈnes, avec À peu prÈs les mÊmes circonstances. La seule chaleur de l’haleine ranime un animal prÊt À pÉrir dans la machine pneumatique.

7. Take a tiny chicken still in the egg, cut out the heart and you will observe the same phenomena as before, under almost the same conditions. The warmth of the breath alone reanimates an animal about to perish in the air pump.

Les mÊmes expÉriences que nous devons À Boyle et À StÉnon, se font dans les pigeons, dans les chiens, dans les lapins, dont les morceaux de coeur se remuent, comme les coeurs entiers. On voit le mÊme mouvement dans les pattes de taupe arrachÉes.

The same experiments, which we owe to Boyle64 and to StÉnon,65 are made on pigeons, dogs, and rabbits. Pieces of their hearts beat as their whole hearts would. The same movements can be seen in paws that have been cut off from moles.

8. La chenille, les vers, l’araignÉe, la mouche, l’anguille offrent les mÊmes choses À considÉrer; et le mouvement des parties coupÉes augmente dans l’eau chaude, À cause du feu qu’elle contient.

8. The caterpillar, the worm, the spider, the fly, the eel—all exhibit the same phenomena; and in hot water, because of the fire it contains, the movement of the detached parts increases.

9. Un soldat ivre emporta d’un coup de sabre la tÊte d’un coq d’Inde. Cet animal resta debout, ensuite il marcha, courut; venant À rencontrer une muraille, il se tourna, battit des ailes, en continuant de courir, et tomba enfin. Etendu par terre, tous les muscles de ce coq se remuaient encore. VoilÀ ce que j’ai vu, et il est facile de voir À peu prÈs ces phÉnomÈnes dans les petits chats, ou chiens, dont on a coupÉ la tÊte.

9. A drunken soldier cut off with one stroke of his sabre an Indian rooster’s head. The animal remained standing, then walked, and ran: happening to run against a wall, it turned around, beat its wings still running, and finally fell down. As it lay on the ground, all the muscles of this rooster kept on moving. That is what I saw myself, and almost the same phenomena can easily be observed in kittens or puppies with their heads cut off.

10. Les polypes font plus que de se mouvoir, aprÈs la section; ils se reproduisent dans huit jours en autant d’animaux qu’il y a de parties coupÉes. J’en suis fÂchÉ pour le systÈme des naturalistes sur la gÉnÉration, ou plutÔt j’en suis bien aise; car que cette dÉcouverte nous apprend bien À ne jamais rien conclure de gÉnÉral, mÊme de toutes les expÉriences connues, et les plus dÉcisives!

10. Polyps do more than move after they have been cut in pieces. In a week they regenerate to form as many animals as there are pieces. I am sorry that these facts speak against the naturalists’ system of generation; or rather I am very glad of it, for let this discovery teach us never to reach a general conclusion even on the ground of all known (and most decisive) experiments.

VoilÀ beaucoup plus de faits qu’il n’en faut, pour prouver d’une maniÈre incontestable que chaque petite fibre, ou partie des corps organisÉs, se meut par un principe qui lui est propre, et dont l’action ne dÉpend point des nerfs, comme les mouvements volontaires, puisque les mouvements en question s’exercent sans que les parties qui les manifestent aient aucun commerce avec la circulation. Or, si cette force se fait remarquer jusques dans des morceaux de fibres, le coeur, qui est un composÉ de fibres singuliÈrement entrelacÉes, doit avoir la mÊme propriÉtÉ. L’histoire de Bacon n’Était pas nÉcessaire pour me le persuader. Il m’Était facile d’en juger, et par la parfaite analogie de la structure du coeur de l’homme et des animaux; et par la masse mÊme du premier, dans laquelle ce mouvement ne se cache aux yeux, que parce qu’il y est ÉtouffÉ; et enfin parce que tout est froid et affaissÉ dans les cadavres. Si les dissections se faisaient sur des criminels suppliciÉs, dont les corps sont encore chauds, on verrait dans leur coeur les mÊmes mouvements qu’on observe dans les muscles du visage des gens dÉcapitÉs.

Here we have many more facts than are needed to prove, in an incontestable way, that each tiny fibre or part of an organized body moves by a principle which belongs to it. Its activity, unlike voluntary motions, does not depend in any way on the nerves, since the movements in question occur in parts of the body which have no connection with the circulation. But if this force is manifested even in sections of fibres the heart, which is a composite of peculiarly connected fibres, must possess the same property. I did not need Bacon’s story to persuade me of this. It was easy for me to come to this conclusion, both from the perfect analogy of the structure of the human heart with that of animals, and also from the very bulk of the human heart, in which this movement escapes our eyes only because it is smothered, and finally because in corpses all the organs are cold and lifeless. If executed criminals were dissected while their bodies are still warm, we should probably see in their hearts the same movements that are observed in the face-muscles of those that have been beheaded.

Tel est ce principe moteur des corps entiers, ou des parties coupÉes en morceaux, qu’il produit des mouvements non dÉrÉglÉs, comme on l’a cru, mais trÈs rÉguliers, et cela, tant dans les animaux chauds et parfaits, que dans ceux qui sont froids et imparfaits. Il ne reste donc aucune ressource À nos adversaires, si ce n’est que de nier mille et mille faits que chacun peut facilement vÉrifier.

The motive principle of the whole body, and even of its parts cut in pieces, is such that it produces not irregular movements, as some have thought, but very regular ones, in warm blooded and perfect animals as well as in cold and imperfect ones. No resource therefore remains open to our adversaries but to deny thousands and thousands of facts which every man can easily verify.

Si on me demande À prÉsent quel est le siÈge de cette force innÉe dans nos corps, je rÉponds qu’elle rÉside trÈs clairement dans ce que les anciens ont appellÉ parenchyme; c’est À dire dans la substance propre des parties, abstraction faite des veines, des artÈres, des nerfs, en un mot de l’organisation de tout le corps; et que par consÉquent chaque partie contient en soi des ressorts plus ou moins vifs, selon le besoin qu’elles en avaient.

If now any one ask me where is this innate force in our bodies, I answer that it very clearly resides in what the ancients called the parenchyma, that is to say, in the very substance of the organs not including the veins, the arteries, the nerves, in a word, that it resides in the organization of the whole body, and that consequently each organ contains within itself forces more or less active according to the need of them.

Entrons dans quelque dÉtail de ces ressorts de la machine humaine. Tous les mouvements vitaux, animaux, naturels et automatiques se font par leur action. N’est-ce pas machinalement que le corps se retire, frappÉ de terreur À l’aspect d’un prÉcipice inattendu? que les paupiÈres se baissent À la menace d’un coup, comme on l’a dit? que la pupille s’ÉtrÉcit au grand jour pour conserver la rÉtine, et s’Élargit pour voir les objets dans l’obscuritÉ? n’est-ce pas machinalement que les pores de la peau se ferment en hiver, pour que le froid ne pÉnÈtre pas l’intÉrieur des vaisseaux? que l’estomac se soulÈve, irritÉ par le poison, par une certaine quantitÉ d’opium, par tous les ÉmÉtiques, etc.? que le coeur, les artÈres, les muscles se contractent pendant le sommeil, comme pendant la veille? que le poumon fait l’office d’un souflet continuellement exercÉ? n’est-ce pas machinalement qu’agissent tous les sphincters de la vessie, du rectum, etc.? que le coeur a une contraction plus forte que tout autre muscle? que les muscles Érecteurs font dresser la verge dans l’homme, comme dans les animaux qui s’en battent le ventre, et mÊme dans l’enfant, capable d’Érection, pour peu que cette partie soit irritÉe? Ce qui prouve, pour le dire en passant, qu’il est un ressort singulier dans ce membre, encore peu connu, et qui produit des effets qu’on n’a point encore bien expliquÉs, malgrÉ toutes les lumiÈres de l’anatomie.

Let us now go into some detail concerning these springs of the human machine. All the vital, animal, natural, and automatic motions are carried on by their action. Is it not in a purely mechanical way that the body shrinks back when it is struck with terror at the sight of an unforeseen precipice, that the eyelids are lowered at the menace of a blow, as some have remarked, and that the pupil contracts in broad daylight to save the retina, and dilates to see objects in darkness? Is it not by mechanical means that the pores of the skin close in winter so that the cold can not penetrate to the interior of the blood vessels, and that the stomach vomits when it is irritated by poison, by a certain quantity of opium and by all emetics, etc.? that the heart, the arteries and the muscles contract in sleep as well as in waking hours, that the lungs serve as bellows continually in exercise, ... that the heart contracts more strongly than any other muscle?66...

Je ne m’Étendrai pas davantage sur tous ces petits ressorts subalternes connus de tout le monde. Mais il en est un autre plus subtil, et plus merveilleux qui les anime tous; il est la source de tous nos sentiments, de tous nos plaisirs, de toutes nos passions, de toutes nos pensÉes; car le cerveau a ses muscles pour penser, comme les jambes pour marcher. Je veux parler de ce principe incitant, et impÉtueux, qu’Hippocrate appelle e????? (l’Âme). Ce principe existe, et il a son siÈge dans le cerveau À l’origine des nerfs, par lesquels il exerce son empire sur tout le reste du corps. Par lÀ s’explique tout ce qui peut s’expliquer, jusqu’aux effets surprenants des maladies de l’imagination.

Mais, pour ne pas languir dans une richesse et une fÉconditÉ mal entendue, il faut se borner À un petit nombre de questions et de rÉflexions.

Pourquoi la vue ou la simple idÉe d’une belle femme nous cause-t-elle des mouvements et des dÉsirs singuliers? Ce qui se passe alors dans certains organes, vient-il de la nature mÊme de ces organes? Point du tout; mais du commerce et de l’espÈce de sympathie de ces muscles avec l’imagination. Il n’y a ici qu’un premier ressort excitÉ par le bene placitum des anciens, ou par l’image de la beautÉ, qui en excite un autre, lequel Était fort assoupi, quand l’imagination l’a ÉveillÉ: et comment cela, si ce n’est par le dÉsordre et le tumulte du sang et des esprits, qui galopent avec une promptitude extraordinaire, et vont gonfler les corps caverneux?

Puisqu’il est des communications Évidentes entre la mÈre et l’enfant7, et qu’il est dur de nier des faits rapportÉs par Tulpius et par d’autres Écrivains aussi dignes de foi (il n’y en a point qui le soient plus), nous croirons que c’est par la mÊme voie que le foetus ressent l’impÉtuositÉ de l’imagination maternelle, comme une cire molle reÇoit toutes sortes d’impressions; et que les mÊmes traces, ou envies de la mÈre, peuvent s’imprimer sur le foetus, sans que cela puisse se comprendre, quoiqu’en disent Blondel et tous ses adhÉrents. Ainsi nous faisons rÉparation d’honneur au P. Malebranche, beaucoup trop raillÉ de sa crÉdulitÉ par les auteurs qui n’ont point observÉ d’assez prÈs la nature et ont voulu l’assujettir À leur idÉes.

I shall not go into any more detail concerning all these little subordinate forces, well known to all. But there is another more subtle and marvelous force, which animates them all; it is the source of all our feelings, of all our pleasures, of all our passions, and of all our thoughts: for the brain has its muscles for thinking, as the legs have muscles for walking.67 I wish to speak of this impetuous principle that Hippocrates calls e????? (soul). This principle exists and has its seat in the brain at the origin of the nerves, by which it exercises its control over all the rest of the body. By this fact is explained all that can be explained, even to the surprising effects of maladies of the imagination....

Voyez le portrait de ce fameux Pope, au moins le Voltaire des Anglais. Les efforts, les nerfs de son gÉnie sont peints sur sa physionomie; elle est toute en convulsion; ses yeux sortent de l’orbite, ses sourcils s’ÉlÈvent avec les muscles du front. Pourquoi? C’est que l’origine des nerfs est en travail et que tout le corps doit se ressentir d’une espÈce d’accouchement aussi laborieux. S’il n’y avait une corde interne qui tirÂt ainsi celles du dehors, d’oÙ viendraient tous ces phÉnomÈnes? Admettre une Âme, pour les expliquer, c’est Être rÉduit À l’opÉration du St. Esprit.

Look at the portrait of the famous Pope who is, to say the least, the Voltaire of the English. The effort, the energy of his genius are imprinted upon his countenance. It is convulsed. His eyes protrude from their sockets, the eyebrows are raised with the muscles of the forehead. Why? Because the brain is in travail and all the body must share in such a laborious deliverance. If there were not an internal cord which pulled the external ones, whence would come all these phenomena? To admit a soul as explanation of them, is to be reduced to [explaining phenomena by] the operations of the Holy Spirit.

En effet, si ce qui pense en mon cerveau n’est pas une partie de ce viscÈre, et consÉquemment de tout le corps, pourquoi, lorsque tranquille dans mon lit je forme le plan d’un ouvrage, ou que je poursuis un raisonnement abstrait, pourquoi mon sang s’Échauffe-t-il? pourquoi la fiÈvre de mon esprit passe-t-elle dans mes veines? Demandez-le aux hommes d’imagination, aux grandes poÈtes, À ceux qu’un sentiment bien rendu ravit, qu’un goÛt exquis, que les charmes de la nature, de la vÉritÉ ou de la vertu transportent! Par leur enthousiasme, par ce qu’ils vous diront avoir ÉprouvÉ, vous jugerez de la cause par les effets: par cette harmonie que Borelli, qu’un seul anatomiste a mieux connue que tous les Leibniziens, vous connaÎtrez l’unitÉ matÉrielle de l’homme. Car enfin si la tension des nerfs qui fait la douleur, cause la fiÈvre, par laquelle l’esprit est troublÉ et n’a plus de volontÉ; et que rÉciproquement l’esprit trop exercÉ trouble le corps, et allume ce feu de consomption qui a enlevÉ Bayle dans un Âge si peu avancÉ; si telle titillation me fait vouloir, me force de dÉsirer ardemment ce dont je ne me souciais nullement le moment d’auparavant; si À leur tour certaines traces du cerveau excitent le mÊme prurit et les mÊmes dÉsirs, pourquoi faire double ce qui n’est Évidemment qu’un? C’est en vain qu’on se rÉcrie sur l’empire de la volontÉ. Pour un ordre qu’elle donne, elle subit cent fois le joug. Et quelle merveille que le corps obÉisse dan l’État sain, puisqu’un torrent de sang et d’esprits vient l’y forcer, la volontÉ ayant pour ministres une lÉgion invisible de fluides plus vifs que l’Éclair, et toujours prÊts a la servir! Mais comme c’est par les nerfs que son pouvoir s’exerce, c’est aussi par eux qu’il est arrÊtÉ. La meilleure volontÉ d’un amant ÉpuisÉ, les plus violents dÉsirs lui rendront-ils sa vigueur perdue? HÉlas! non; et elle en sera la premiÈre punie, parceque, posÉes certaines circonstances, il n’est pas dans sa puissance de ne pas vouloir du plaisir. Ce que j’ai dit de la paralysie, etc. revient ici.

In fact, if what thinks in my brain is not a part of this organ and therefore of the whole body, why does my blood boil, and the fever of my mind pass into my veins, when lying quietly in bed, I am forming the plan of some work or carrying on an abstract calculation? Put this question to men of imagination, to great poets, to men who are enraptured by the felicitous expression of sentiment, and transported by an exquisite fancy or by the charms of nature, of truth, or of virtue! By their enthusiasm, by what they will tell you they have experienced, you will judge the cause by its effects; by that harmony which Borelli,68 a mere anatomist, understood better than all the Leibnizians, you will comprehend the material unity of man. In short, if the nerve-tension which causes pain occasions also the fever by which the distracted mind loses its will-power, and if, conversely, the mind too much excited, disturbs the body (and kindles that inner fire which killed Bayle while he was still so young); if an agitation rouses my desire and my ardent wish for what, a moment ago, I cared nothing about, and if in their turn certain brain impressions excite the same longing and the same desires, then why should we regard as double what is manifestly one being? In vain you fall back on the power of the will, since for one order that the will gives, it bows a hundred times to the yoke.69 And what wonder that in health the body obeys, since a torrent of blood and of animal spirits70 forces its obedience, and since the will has as ministers an invisible legion of fluids swifter than lightning and ever ready to do its bidding! But as the power of the will is exercised by means of the nerves, it is likewise limited by them.....

La jaunisse vous surprend! ne savez vous pas que la couleur des corps dÉpend de celle des verres au travers desquels on les regarde! Ignorez-vous que telle est la teinte des humeurs, telle est celle des objets, au moins par rapport À nous, vains jouets de mille illusions? Mais Ôtez cette teinte de l’humeur aqueuse de l’oeil; faites couler la bile par son tamis naturel: alors l’Âme ayant d’autres yeux, ne verra plus jaune. N’est ce pas encore ainsi qu’en abattant la cataracte, ou en injectant le canal d’Eustachi, on rend la vue aux aveugles, et l’ouie aux sourds? Combien de gens qui n’Étaient peut-Être que d’habiles charlatans dans des siÈcles ignorants, ont passÉ pour faire de grands miracles! La belle Âme et la puissante volontÉ, qui ne peut agir qu’autant que les dispositions du corps le lui permettent, et dont les goÛts changent avec l’Âge et la fiÈvre! Faut-il donc s’Étonner si les philosophes ont toujours eu en vue la santÉ du corps pour conserver celle de l’Âme, si Pythagore a aussi soigneusement ordonnÉ la diÈte, que Platon a dÉfendu le vin? Le rÉgime qui convient au corps, est toujours celui par lequel les mÉdecins sensÉs prÉtendent qu’on doit prÉluder, lorsqu’il s’agit de former l’esprit, de l’Élever À la connaissance de la vÉritÉ et de la vertu; vains sons dans le dÉsordre des maladies et le tumulte des sens! Sans les prÉceptes de l’hygiÈne, EpictÈte, Socrate, Platon, etc. prÊchent en vain: toute morale est infructueuse, pour qui n’a pas la sobrietÉ en partage: c’est la source de toutes les vertus comme l’intempÉrance est celle de tous les vices.

Does the result of jaundice surprise you? Do you not know that the color of bodies depends on the color of the glasses through which we look at them,71 and that whatever is the color of the humors, such is the color of objects, at least for us, vain playthings of a thousand illusions? But remove this color from the aqueous humor of the eye, let the bile flow through its natural filter, then the soul having new eyes, will no longer see yellow. Again, is it not thus, by removing cataract, or by injecting the Eustachian canal, that sight is restored to the blind, or hearing to the deaf? How many people, who were perhaps only clever charlatans, passed for miracle workers in the dark ages! Beautiful the soul, and powerful the will which can not act save by permission of the bodily conditions, and whose tastes change with age and fever! Should we, then, be astonished that philosophers have always had in mind the health of the body, to preserve the health of the soul, that Pythagoras72 gave rules for the diet as carefully as Plato forbade wine?73 The regime suited to the body is always the one with which sane physicians think they must begin, when it is a question of forming the mind, and of instructing it in the knowledge of truth and virtue; but these are vain words in the disorder of illness, and in the tumult of the senses. Without the precepts of hygiene, Epictetus, Socrates, Plato, and the rest preach in vain: all ethics is fruitless for one who lacks his share of temperance; it is the source of all virtues, as intemperance is the source of all vices.

En faut-il davantage (et pourquoi irais-je me perdre dans l’histoire des passions, qui toutes s’expliquent par l’e????? d’Hippocrate) pour prouver que l’homme n’est qu’un animal, ou un assemblage de ressorts, qui tous se montent les uns par les autres, sans qu’on puisse dire par quel point du cercle humain la nature a commencÉ? Si ces ressorts diffÈrent entr’eux, ce n’est donc que par leur siÈge et par quelques degrÉs de force, et jamais par leur nature; et par consÉquent l’Âme n’est qu’un principe de mouvement, ou une partie matÉrielle sensible du cerveau, qu’on peut, sans craindre l’erreur, regarder comme un ressort principal de toute la machine, qui a une influence visible sur tous les autres, et mÊme parait avoir ÉtÉ fait le premier; en sorte que tous les autres n’en seraient qu’une Émanation, comme on le verra par quelques observations que je rapporterai et qui ont ÉtÉ faites sur divers embryons.

Is more needed, (for why lose myself in discussion of the passions which are all explained by the term, e?????, of Hippocrates) to prove that man is but an animal, or a collection of springs which wind each other up, without our being able to tell at what point in this human circle, nature has begun? If these springs differ among themselves, these differences consist only in their position and in their degrees of strength, and never in their nature; wherefore the soul is but a principle of motion or a material and sensible part of the brain, which can be regarded, without fear of error, as the mainspring of the whole machine, having a visible influence on all the parts. The soul seems even to have been made for the brain, so that all the other parts of the system are but a kind of emanation from the brain. This will appear from certain observations, made on different embryos, which I shall now enumerate.

Cette oscillation naturelle, ou propre À notre machine, et dont est douÉe chaque fibre, et, pour ainsi dire, chaque ÉlÉment fibreux, semblable À celle d’une pendule, ne peut toujours s’exercer. Il faut la renouveler, À mesure qu’elle se perd; lui donner des forces, quand elle languit; l’affaiblir, lorsqu’elle est opprimÉe par un excÈs de force et de vigueur. C’est en cela seul que la vraie mÉdecine consiste.

This oscillation, which is natural or suited to our machine, and with which each fibre and even each fibrous element, so to speak, seems to be endowed, like that of a pendulum, can not keep up forever. It must be renewed, as it loses strength, invigorated when it is tired, and weakened when it is disturbed by excess of strength and vigor. In this alone, true medicine consists.

Le corps n’est qu’une horloge, dont le nouveau chyle est l’horloger. Le premier soin de la nature, quand il entre dans le sang, c’est d’y exciter une sorte de fiÈvre, que les chimistes, qui ne rÊvent que fourneaux, ont dÛ prendre pour une fermentation. Cette fiÈvre procure une plus grande filtration d’esprits, qui machinalement vont animer les muscles et le coeur, comme s’ils y Étaient envoyÉs par ordre de la volontÉ.

The body is but a watch, whose watchmaker is the new chyle. Nature’s first care, when the chyle enters the blood, is to excite in it a kind of fever74 which the chemists, who dream only of retorts, must have taken for fermentation. This fever produces a greater filtration of spirits, which mechanically animate the muscles and the heart, as if they had been sent there by order of the will.

Ce sont donc les causes ou les forces de la vie qui entretiennent ainsi durant 100 ans le mouvement perpÉtuel des solides et des fluides, aussi nÉcessaire aux uns qu’aux autres. Mais qui peut dire si les solides contribuent À ce jeu, plus que les fluides, et vice versa? Tout ce qu’on sait, c’est que l’action des premiers serait bientÔt anÉantie, sans le secours des seconds. Ce sont les liqueurs qui par leur choc Éveillent et conservent l’ÉlasticitÉ des vaisseaux, de laquelle dÉpend leur propre circulation. De lÀ vient qu’aprÈs la mort le ressort naturel de chaque substance est plus ou moins fort encore suivant les restes de la vie, auxquels il survit, pour expirer le dernier. Tant il est vrai que cette force des parties animales peut bien se conserver et s’augmenter par celle de la circulation, mais qu’elle n’en dÉpend point, puisqu’elle se passe mÊme de l’intÉgritÉ de chaque membre, ou viscÈre, comme on l’a vu.

These then are the causes or the forces of life which thus sustain for a hundred years that perpetual movement of the solids and the liquids which is as necessary to the first as to the second. But who can say whether the solids contribute more than the fluids to this movement or vice versa? All that we know is that the action of the former would soon cease without the help of the latter, that is, without the help of the fluids which by their onset rouse and maintain the elasticity of the blood vessels on which their own circulation depends. From this it follows that after death the natural resilience of each substance is still more or less strong according to the remnants of life which it outlives, being the last to perish. So true is it that this force of the animal parts can be preserved and strengthened by that of the circulation, but that it does not depend on the strength of the circulation, since, as we have seen, it can dispense with even the integrity of each member or organ.

Je n’ignore pas que cette opinion n’a pas ÉtÉ goÛtÉe de tous les savants, et que Stahl surtout l’a fort dÉdaignÉe. Ce grand chimiste a voulu nous persuader que l’Âme Était la seule cause de tous nos mouvements. Mais c’est parler en fanatique, et non en philosophe.

I am aware that this opinion has not been relished by all scholars, and that Stahl especially had much scorn for it. This great chemist has wished to persuade us that the soul is the sole cause of all our movements. But this is to speak as a fanatic and not as a philosopher.

Pour dÉtruire l’hypothÈse Stahlienne, il ne faut pas faire tant d’efforts que je vois qu’on en a faits avant moi. Il n’y a qu’À jeter les yeux sur un joueur de violon. Quelle souplesse! Quelle agilitÉ dans les doigts! Les mouvements sont si prompts, qu’il ne paraÎt presque pas y avoir de succession. Or, je prie, ou plutÔt je dÉfie les Stahliens de me dire, eux qui connaissent si bien tout ce que peut notre Âme, comment il serait possible qu’elle exÉcutÂt si vite tant de mouvements, des mouvements qui se passent si loin d’elle, et en tant d’endroits divers. C’est supposer un joueur de flÛte qui pourrait faire de brillantes cadences sur une infinitÉ de trous qu’il ne connaitrait pas, et auxquels il ne pourrait seulement pas appliquer le doigt.

To destroy the hypothesis of Stahl,75 we need not make as great an effort as I find that others have done before me. We need only glance at a violinist. What flexibility, what lightness in his fingers! The movements are so quick, that it seems almost as if there were no succession. But I pray, or rather I challenge, the followers of Stahl who understand so perfectly all that our soul can do, to tell me how it could possibly execute so many motions so quickly, motions, moreover, which take place so far from the soul, and in so many different places. That is to suppose that a flute player could play brilliant cadences on an infinite number of holes that he could not know, and on which he could not even put his finger!

Mais disons avec Mr. Hecquet qu’il n’est pas permis À tout le monde d’aller À Corinthe. Et pourquoi Stahl n’aurait-il pas ÉtÉ encore plus favorisÉ de la nature en qualitÉ d’homme, qu’en qualitÉ de chimiste et de praticien? Il fallait (heureux mortel!) qu’il eÛt reÇu une autre Âme que le reste des hommes; une Âme souveraine, qui non contente d’avoir quelque empire sur les muscles volontaires, tenait sans peine les rÊnes de tous les mouvements du corps, pouvait les suspendre, les calmer, ou les exciter À son grÉ. Avec une maÎtresse aussi despotique, dans les mains de laquelle Étaient en quelque sorte les battements du coeur et les lois de la circulation, point de fiÈvre sans doute; point de douleur; point de langueur; ni honteuse impuissance, ni facheux priapisme. L’Âme veut, et les ressorts jouent, se dressent, ou se dÉbandent. Comment ceux de la machine de Stahl se sont-ils sitÔt dÉtraquÉs? Qui a chez soi un si grand mÉdecin, devrait Être immortel.

But let us say with M. Hecquet76 that all men may not go to Corinth.77 Why should not Stahl have been even more favored by nature as a man than as a chemist and a practitioner? Happy mortal, he must have received a soul different from that of the rest of mankind,—a sovereign soul, which, not content with having some control over the voluntary muscles, easily held the reins of all the movements of the body, and could suspend them, calm them, or excite them, at its pleasure! With so despotic a mistress, in whose hands were, in a sense, the beating of the heart, and the laws of circulation, there could certainly be no fever, no pain, no weariness,...! The soul wills, and the springs play, contract or relax. But how did the springs of Stahl’s machine get out of order so soon? He who has in himself so great a doctor, should be immortal.

Stahl, au reste, n’est pas le seul qui ait rejetÉ le principe d’oscillation des corps organisÉs. De plus grands esprits ne l’ont pas employÉ, lorsqu’ils ont voulu expliquer l’action du coeur, l’Érection du penis, etc. Il n’y a qu’À lire les Institutions de mÉdecine de Boerhaave, pour voir quels laborieux et sÉduisants systÈmes, faute d’admettre une force aussi frappante dans tous les corps, ce grand homme a ÉtÉ obligÉ d’enfanter À la sueur de son puissant gÉnie.

Moreover, Stahl is not the only one who has rejected the principle of the vibration of organic bodies. Greater minds have not used the principle when they wished to explain the action of the heart, ... etc. One need only read the “Institutions of Medicine” by Boerhaave78 to see what laborious and enticing systems this great man was obliged to invent, by the labor of his mighty genius, through failure to admit that there is so wonderful a force in all bodies.

Willis et Perrault, esprits d’une plus faible trempe, mais observateurs assidus de la nature, que le fameux professeur de Leyde n’a connue que par autrui et n’a eue, pour ainsi dire, que de la seconde main, paraissent avoir mieux aimÉ supposer une Âme gÉnÉralement rÉpandue par tout le corps, que le principe dont nous parlons. Mais dans cette hypothÈse qui fut celle de Virgile et de tous les Epicuriens, hypothÈse que l’histoire du polype semblerait favoriser À la premiÈre vue, les mouvements qui survivent au sujet dans lequel ils sont inhÉrents viennent d’un reste d’Âme, que conservent encore les parties qui se contractent, sans Être dÉsormais irritÉes par le sang et les esprits. D’oÙ l’on voit que ces Écrivains dont les ouvrages solides Éclipsent aisÉment toutes les fables philosophiques, ne se sont trompÉs que sur le modÈle de ceux qui ont donnÉ À la matiÈre la facultÉ de penser, je veux dire, pour s’Être mal exprimÉs, en termes obscurs, et qui ne signifient rien. En effet, qu’est ce que ce reste d’Âme, si ce n’est la force motrice des Leibniziens, mal rendue par une telle expression, et que cependant Perrault surtout a vÉritablement entrevue. Voy. son TraitÉ de la MÉcanique des Animaux.

Willis79 and Perrault,80 minds of a more feeble stamp, but careful observers of nature (whereas nature was known to the famous Leyden professor only through others and second hand, so to speak) seem to have preferred to suppose a soul generally extended over the whole body, instead of the principle which we are describing. But according to this hypothesis (which was the hypothesis of Vergil and of all Epicureans, an hypothesis which the history of the polyp might seem at first sight to favor) the movements which go on after the death of the subject in which they inhere are due to a remnant of soul still maintained by the parts that contract, though, from the moment of death, these are not excited by the blood and the spirits. Whence it may be seen that these writers, whose solid works easily eclipse all philosophic fables, are deceived only in the manner of those who have endowed matter with the faculty of thinking, I mean to say, by having expressed themselves badly in obscure and meaningless terms. In truth, what is this remnant of a soul, if it is not the “moving force” of the Leibnizians (badly rendered by such an expression), which however Perrault in particular has really foreseen. See his “Treatise on the Mechanism of Animals.”

A prÉsent qu’il est clairement dÉmontrÉ contre les CartÉsiens, les Stahliens, les Malebranchistes, et les thÉologiens peu dignes d’Être ici placÉs, que la matiÈre se meut par elle-mÊme, non seulement lorsqu’elle est organisÉe, comme dans un coeur entier, par exemple, mais lors mÊme que cette organisation est dÉtruite, la curiositÉ de l’homme voudrait savoir comment un corps, par cela mÊme qu’il est originairement douÉ d’un souffle de vie, se trouve en consÉquence ornÉ de la facultÉ de sentir, et enfin par celle-ci de la pensÉe. Et pour en venir À bout, Ô bon Dieu, quels efforts n’ont pas faits certains philosophes! et quel galimatias j’ai eu la patience de lire À ce sujet!

Now that it is clearly proved against the Cartesians, the followers of Stahl, the Malebranchists, and the theologians who little deserve to be mentioned here, that matter is self-moved,81 not only when organized, as in a whole heart, for example, but even when this organization has been destroyed, human curiosity would like to discover how a body, by the fact that it is originally endowed with the breath of life, finds itself adorned in consequence with the faculty of feeling, and thus with that of thought. And, heavens, what efforts have not been made by certain philosophers to manage to prove this! and what nonsense on this subject I have had the patience to read!

Tout ce que l’expÉrience nous apprend, c’est que tant que le mouvement subsiste, si petit qu’il soit dans une ou plusieurs fibres, il n’y a qu’À les piquer, pour rÉveiller, animer ce mouvement presque Éteint, comme on l’a vu dans cette foule d’expÉriences dont j’ai voulu accabler les systÈmes. Il est donc constant que le mouvement et le sentiment s’excitent tour À tour, et dans les corps entiers, et dans les mÊmes corps dont la structure est dÉtruite; pour ne rien dire de certaines plantes qui semblent nous offrir les mÊmes phÉnomÈnes de la rÉunion du sentiment et du mouvement.

All that experience teaches us is that while movement persists, however slight it may be, in one or more fibres, we need only stimulate them to re-excite and animate this movement almost extinguished. This has been shown in the host of experiments with which I have undertaken to crush the systems. It is therefore certain that motion and feeling excite each other in turn, both in a whole body and in the same body when its structure is destroyed, to say nothing of certain plants which seem to exhibit the same phenomena of the union of feeling and motion.

Mais de plus, combien d’excellents philosophes ont dÉmontrÉ que la pensÉe n’est qu’une facultÉ de sentir, et que l’Âme raisonnable n’est que l’Âme sensitive appliquÉe À contempler les idÉes, et À raisonner! Ce qui serait prouvÉ par cela seul que lorsque le sentiment est Éteint, la pensÉe l’est aussi, comme dans l’apoplexie, la lÉthargie, la catalepsie, etc. Car ceux qui ont avancÉ que l’Âme n’avait pas moins pensÉ dans les maladies soporeuses, quoiqu’elle ne se souvint pas des idÉes qu’elle avait eues, ont soutenu une chose ridicule.

But furthermore, how many excellent philosophers have shown that thought is but a faculty of feeling, and that the reasonable soul is but the feeling soul engaged in contemplating its ideas and in reasoning! This would be proved by the fact alone that when feeling is stifled, thought also is checked, for instance in apoplexy, in lethargy, in catalepsis, etc. For it is ridiculous to suggest that, during these stupors, the soul keeps on thinking, even though it does not remember the ideas that it has had.

Pour ce qui est de ce dÉveloppement, c’est une folie de perdre le temps À en rechercher le mÉcanisme. La nature du mouvement nous est aussi inconnue que celle de la matiÈre. Le moyen de dÉcouvrir comment il s’y produit, À moins que de ressusciter avec l’auteur de l’Histoire de l’Ame l’ancienne et inintelligible doctrine des formes substantielles! Je suis donc aussi consolÉ d’ignorer comment la matiÈre, d’inerte et simple, devient active et composÉe d’organes, que de ne pouvoir regarder le soleil sans verre rouge: et je suis d’aussi bonne composition sur les autres merveilles incomprÉhensibles de la nature, sur la production du sentiment et de la pensÉe dans un Être qui ne paraissait autrefois À nos yeux bornÉs qu’un peu de boue.

As to the development of feeling and motion, it is absurd to waste time seeking for its mechanism. The nature of motion is as unknown to us as that of matter.82 How can we discover how it is produced unless, like the author of “The History of the Soul,” we resuscitate the old and unintelligible doctrine of substantial forms? I am then quite as content not to know how inert and simple matter becomes active and highly organized, as not to be able to look at the sun without red glasses; and I am as little disquieted concerning the other incomprehensible wonders of nature, the production of feeling and of thought in a being which earlier appeared to our limited eyes as a mere clod of clay.

Qu’on m’accorde seulement que la matiÈre organisÉe est douÉe d’un principe moteur, qui seul la diffÉrencie de celle qui ne l’est pas (eh! peut-on rien refuser À l’observation la plus incontestable?) et que tout dÉpend dans les animaux de la diversitÉ de cette organisation, comme je l’ai assez prouvÉ; c’en est assez pour deviner l’Énigme des substances et celle de l’homme. On voit qu’il n’y en a qu’une dans l’univers et que l’homme est la plus parfaite. Il est au singe, aux animaux les plus spirituels, ce que le pendule planÉtaire de Huygens est À une montre de Julien le Roi. S’il a fallu plus d’instruments, plus de rouages, plus de ressorts pour marquer les mouvements des planÈtes, que pour marquer les heures, ou les rÉpÉter; s’il a fallu plus d’art À Vaucanson pour faire son Fluteur, que pour son Canard, il eÛt dÛ en employer encore davantage pour faire un Parleur; machine qui ne peut plus Être regardÉe comme impossible, surtout entre les mains d’un nouveau PromÉthÉe. Il Était donc de mÊme nÉcessaire que la nature employÂt plus d’art et d’appareil pour faire et entretenir une machine, qui pendant un siÈcle entier pÛt marquer tous les battements du coeur et de l’esprit; car si on n’en voit pas au pouls les heures, c’est du moins le baromÈtre de la chaleur et de la vivacitÉ, par laquelle on peut juger de la nature de l’Âme. Je ne me trompe point, le corps humain est une horloge, mais immense, et construite avec tant d’artifice et d’habiletÉ, que si la roue qui sert À marquer les secondes vient À s’arrÊter, celle des minutes tourne et va toujours son train, comme la roue des quarts continue de se mouvoir; et ainsi des autres, quand les premiÈres, rouillÉes, ou dÉrangÉes par quelque cause que ce soit, ont interrompu leur marche. Car n’est-ce pas ainsi que l’obstruction de quelques vaisseaux ne suffit pas pour dÉtruire, ou suspendre le fort des mouvements, qui est dans le coeur, comme dans la piÈce ouvriÈre de la machine; puisqu’au contraire les fluides dont le volume est diminuÉ, ayant moins de chemin a faire, le parcourent d’autant plus vite, emportÉs comme par un nouveau courant, que la force du coeur s’augmente en raison de la rÉsistance qu’il trouve À l’extrÉmitÉ des vaisseaux? Lorsque le nerf optique seul comprimÉ ne laisse plus passer l’image des objets, n’est-ce pas ainsi que la privation de la vue n’empÊche pas plus l’usage de l’ouÏe, que la privation de ce sens, lorsque les fonctions de la portion molle sont interdites, ne suppose celle de l’autre? N’est-ce pas ainsi encore que l’un entend, sans pouvoir dire qu’il entend (si ce n’est aprÈs l’attaque du mal) et que l’autre qui n’entend rien, mais dont les nerfs linguaux sont libres dans le cerveau, dit machinalement tous les rÊves qui lui passent par la tÊte? PhÉnomÈnes qui ne surprennent point les mÉdecins ÉclairÉs. Ils savent À quoi s’en tenir sur la nature de l’homme; et pour le dire en passant: de deux mÉdecins, le meilleur, celui qui mÉrite le plus de confiance, c’est toujours, À mon avis, celui qui est le plus versÉ dans la physique, ou la mÉcanique du corps humain, et qui laissant l’Âme et toutes les inquiÉtudes que cette chimÈre donne aux sots et aux ignorans, n’est occupÉ sÉrieusement que du pur naturalisme.

Grant only that organized matter is endowed with a principle of motion, which alone differentiates it from the inorganic (and can one deny this in the face of the most incontestable observation?) and that among animals, as I have sufficiently proved, everything depends upon the diversity of this organization: these admissions suffice for guessing the riddle of substances and of man. It [thus] appears that there is but one [type of organization] in the universe, and that man is the most perfect [example]. He is to the ape, and to the most intelligent animals, as the planetary pendulum of Huyghens83 is to a watch of Julien Leroy.84 More instruments, more wheels and more springs were necessary to mark the movements of the planets than to mark or strike the hours; and Vaucanson,85 who needed more skill for making his flute player than for making his duck, would have needed still more to make a talking man, a mechanism no longer to be regarded as impossible, especially in the hands of another Prometheus. In like fashion, it was necessary that nature should use more elaborate art in making and sustaining a machine which for a whole century could mark all motions of the heart and of the mind; for though one does not tell time by the pulse, it is at least the barometer of the warmth and the vivacity by which one may estimate the nature of the soul. I am right! The human body is a watch, a large watch constructed with such skill and ingenuity, that if the wheel which marks the seconds happens to stop, the minute wheel turns and keeps on going its round, and in the same way the quarter-hour wheel, and all the others go on running when the first wheels have stopped because rusty or, for any reason, out of order. Is it not for a similar reason that the stoppage of a few blood vessels is not enough to destroy or suspend the strength of the movement which is in the heart as in the mainspring of the machine; since, on the contrary, the fluids whose volume is diminished, having a shorter road to travel, cover the ground more quickly, borne on as by a fresh current which the energy of the heart increases in proportion to the resistance it encounters at the ends of the blood-vessels? And is not this the reason why the loss of sight (caused by the compression of the optic nerve and by its ceasing to convey the images of objects) no more hinders hearing, than the loss of hearing (caused by obstruction of the functions of the auditory nerve) implies the loss of sight? In the same way, finally, does not one man hear (except immediately after his attack) without being able to say that he hears, while another who hears nothing, but whose lingual nerves are uninjured in the brain, mechanically tells of all the dreams which pass through his mind? These phenomena do not surprise enlightened physicians at all. They know what to think about man’s nature, and (more accurately to express myself in passing) of two physicians, the better one and the one who deserves more confidence is always, in my opinion, the one who is more versed in the physique or mechanism of the human body, and who, leaving aside the soul and all the anxieties which this chimera gives to fools and to ignorant men, is seriously occupied only in pure naturalism.

Laissons donc le prÉtendu Mr. Charp se moquer des philosophes qui ont regardÉ les animaux, comme des machines. Que je pense diffÉremment! Je crois que Descartes serait un homme respectable À tous Égards, si, nÉ dans un siÈcle qu’il n’eÛt pas dÛ Éclairer, il eÛt connu le prix de l’expÉrience et de l’observation, et le danger de s’en Écarter. Mais il n’est pas moins juste que je fasse ici une authentique rÉparation À ce grand homme, pour tous ces petits philosophes mauvais plaisants, et mauvais singes de Locke, qui, au lieu de rire impudemment au nez de Descartes, feraient mieux de sentir que sans lui le champ de la philosophie, comme celui du bon esprit sans Newton, serait peut Être encore en friche.

Therefore let the pretended M. Charp deride philosophers who have regarded animals as machines. How different is my view! I believe that Descartes would be a man in every way worthy of respect, if, born in a century that he had not been obliged to enlighten, he had known the value of experiment and observation, and the danger of cutting loose from them. But it is none the less just for me to make an authentic reparation to this great man for all the insignificant philosophers—poor jesters, and poor imitators of Locke—who instead of laughing impudently at Descartes, might better realize that without him the field of philosophy, like the field of science without Newton, might perhaps be still uncultivated.

Il est vrai que ce cÉlÈbre philosophe s’est beaucoup trompÉ, et personne n’en disconvient. Mais enfin il a connu la nature animale; il a le premier parfaitement dÉmontrÉ que les animaux Étaient de pures machines. Or, aprÈs une dÉcouverte de cette importance et qui suppose autant de sagacitÉ, le moyen, sans ingratitude, de ne pas faire grÂce À toutes ses erreurs!

This celebrated philosopher, it is true, was much deceived, and no one denies that. But at any rate he understood animal nature, he was the first to prove completely that animals are pure machines.86 And after a discovery of this importance demanding so much sagacity, how can we without ingratitude fail to pardon all his errors!

Elles sont À mes yeux toutes rÉparÉes par ce grand aveu. Car enfin, quoiqu’il chante sur la distinction des deux substances, il est visible que ce n’est qu’un tour d’adresse, une ruse de style, pour faire avaler aux thÉologiens un poison cachÉ À l’ombre d’une analogie qui frappe tout le monde, et qu’eux seuls ne voient pas. Car c’est elle, c’est cette forte analogie qui force tous les savants et les vrais juges d’avouer que ces Êtres fiers et vains, plus distinguÉs par leur orgueil que par le nom d’hommes, quelque envie qu’ils aient de s’Élever, ne sont au fond que des animaux et des machines perpendiculairement rampantes. Elles ont toutes ce merveilleux instinct, dont l’Éducation fait de l’esprit, et qui a toujours son siÈge dans le cerveau, et À son dÉfaut, comme lorsqu’il manque ou est ossifiÉ, dans la moËlle allongÉe, et jamais dans le cervelet; car je l’ai vu considÉrablement blessÉ, d’autres8 l’ont trouvÉ squirreux, sans que l’Âme cessÂt de faire ses fonctions.

In my eyes, they are all atoned for by that great confession. For after all, although he extols the distinctness of the two substances, this is plainly but a trick of skill, a ruse of style, to make theologians swallow a poison, hidden in the shade of an analogy which strikes everybody else and which they alone fail to notice. For it is this, this strong analogy, which forces all scholars and wise judges to confess that these proud and vain beings, more distinguished by their pride than by the name of men however much they may wish to exalt themselves, are at bottom only animals and machines which, though upright, go on all fours. They all have this marvelous instinct, which is developed by education into mind, and which always has its seat in the brain, (or for want of that when it is lacking or hardened, in the medulla oblongata) and never in the cerebellum; for I have often seen the cerebellum injured, and other observers7 have found it hardened, when the soul has not ceased to fulfil its functions.

Etre machine, sentir, penser, savoir distinguer le bien du mal, comme le bleu du jaune, en un mot Être nÉ avec de l’intelligence et un instinct sÛr de morale, et n’Être qu’un animal, sont donc des choses qui ne sont pas plus contradictoires qu’Être un singe ou un perroquet et savoir se donner du plaisir. Car, puisque l’occasion se prÉsente de le dire, qui eut jamais devinÉ À priori qu’une goutte de la liqueur qui se lance dans l’accouplement fit ressentir des plaisirs divins, et qu’il en naÎtrait une petite crÉature, qui pourrait un jour, posÉes certaines lois, jouir des mÊmes dÉlices? Je crois la pensÉe si peu incompatible avec la matiÈre organisÉe, qu’elle semble en Être une propriÉtÉ, telle que l’ÉlectricitÉ, la facultÉ motrice, l’impÉnÉtrabilitÉ, l’Étendue, etc.

To be a machine, to feel, to think, to know how to distinguish good from bad, as well as blue from yellow, in a word, to be born with an intelligence and a sure moral instinct, and to be but an animal, are therefore characters which are no more contradictory, than to be an ape or a parrot and to be able to give oneself pleasure.... I believe that thought is so little incompatible with organized matter, that it seems to be one of its properties on a par with electricity, the faculty of motion, impenetrability, extension, etc.

Voulez vous de nouvelles observations? En voici qui sont sans rÉplique et qui prouvent toutes que l’homme ressemble parfaitement aux animaux dans son origine, comme dans tout ce que nous avons dÉjÀ cru essentiel de comparer.

J’en appelle À la bonne foi de nos observateurs. Qu’ils nous disent s’il n’est pas vrai que l’homme dans son principe n’est qu’un ver, qui devient homme, comme la chenille papillon. Les plus graves9 auteurs nous ont appris comment il faut s’y prendre pour voir cet animalcule. Tous les curieux l’ont vu, comme Hartsoeker, dans la semence de l’homme, et non dans celle de la femme; il n’y a que les sots qui s’en soient fait scrupule. Comme chaque goutte de sperme contient une infinitÉ de ces petits vers lorsqu’ils sont lancÉs À l’ovaire, il n’y a que le plus adroit, ou le plus vigoureux qui ait la force de s’insinuer et de s’implanter dans l’oeuf que fournit la femme, et qui lui donne sa premiÈre nourriture. Cet oeuf, quelquefois surpris dans les trompes de Fallope, est portÉ par ces canaux À la matrice, oÙ il prend racine, comme un grain de blÉ dans la terre. Mais quoiqu’il y devienne monstrueux par sa croissance de 9 mois, il ne diffÈre point des oeufs des autres femelles, si ce n’est que sa peau (l’amnios) ne se durcit jamais, et se dilate prodigieusement, comme on en peut juger en comparant les foetus trouvÉs en situation et prÈs d’Éclore (ce que j’ai eu le plaisir d’observer dans une femme morte un moment avant l’accouchement), avec d’autres petits embryons trÈs proches de leur origine: car alors c’est toujours l’oeuf dans sa coque, et l’animal dans l’oeuf, qui, gÊnÉ dans ses mouvements, cherche machinalement À voir le jour; et pour y rÉussir, il commence par rompre avec la tÊte cette membrane, d’oÛ il sort, comme le poulet, l’oiseau, etc., de la leur. J’ajouterai une observation que je ne trouve nulle part; c’est que l’amnios n’en est pas plus mince, pour s’Être prodigieusement Étendu; semblable en cela À la matrice dont la substance mÊme se gonfle de sucs infiltrÉs, indÉpendamment de la rÉplÉtion et du dÉploiement de tous ses coudes vasculeux.

Do you ask for further observations? Here are some which are incontestable and which all prove that man resembles animals perfectly, in his origin as well as in all the points in which we have thought it essential to make the comparison....

Voyons l’homme dans et hors de sa coque; examinons avec un microscope les plus jeunes embryons, de 4, de 6, de 8 ou de 15 jours; aprÈs ce temps les yeux suffisent. Que voit-on? la tÊte seule; un petit oeuf rond avec deux points noirs qui marquent les yeux. Avant ce temps, tout Étant plus informe, on n’aperÇoit qu’une pulpe mÉdullaire, qui est le cerveau, dans lequel se forme d’abord l’origine des nerfs, ou le principe du sentiment, et le coeur qui a dÉjÀ par lui-mÊme dans cette pulpe la facultÉ de battre: c’est le punctum saliens de Malpighi, qui doit peut-Être dÉjÀ une partie de sa vivacitÉ À l’influence des nerfs. Ensuite peu-À-peu on voit la tÊte allonger le col, qui en se dilatant forme d’abord le thorax, oÙ le coeur a dÉjÀ descendu, pour s’y fixer; aprÈs quoi vient le bas ventre qu’une cloison (le diaphragme) sÉpare. Ces dilatations donnent l’une, les bras, les mains, les doigts, les ongles, et les poils; l’autre les cuisses, les jambes, les pieds, etc., avec la seule diffÉrence de situation qu’on leur connait, qui fait l’appui et le balancier du corps. C’est une vÉgÉtation frappante. Ici, ce sont des cheveux qui couvrent le sommet de nos tÊtes; lÀ, ce sont des feuilles et des fleurs. Partout brille le mÊme luxe de la nature; et enfin l’esprit recteur des plantes est placÉ oÙ nous avons notre Âme, cette autre quintessence de l’homme.

Let us observe man both in and out of his shell, let us examine young embryos of four, six, eight or fifteen days with a microscope; after that time our eyes are sufficient. What do we see? The head alone; a little round egg with two black points which mark the eyes. Before that, everything is formless, and one sees only a medullary pulp, which is the brain, in which are formed first the roots of the nerves, that is, the principle of feeling, and the heart, which already within this substance has the power of beating of itself; it is the punctum saliens of Malpighi, which perhaps already owes a part of its excitability to the influence of the nerves. Then little by little, one sees the head lengthen from the neck, which, in dilating, forms first the thorax inside which the heart has already sunk, there to become stationary; below that is the abdomen which is divided by a partition (the diaphragm). One of these enlargements of the body forms the arms, the hands, the fingers, the nails, and the hair; the other forms the thighs, the legs, the feet, etc., which differ only in their observed situation, and which constitute the support and the balancing pole of the body. The whole process is a strange sort of growth, like that of plants. On the tops of our heads is hair in place of which the plants have leaves and flowers; everywhere is shown the same luxury of nature, and finally the directing principle of plants is placed where we have our soul, that other quintessence of man.

Telle est l’uniformitÉ de la nature qu’on commence À sentir, et l’analogie du rÈgne animal et vÉgÉtal, de l’homme À la plante. Peut-Être mÊme y a-t-il des plantes animal, c’est-À-dire qui en vÉgÉtant, ou se battent comme les polypes, ou font d’autres fonctions propres aux animaux?

VoilÀ À peu prÈs tout ce qu’on sait de la gÉnÉration. Que les parties qui s’attirent, qui sont faites pour s’unir ensemble et pour occuper telle ou telle place, se rÉunissent toutes suivant leur nature; et qu’ainsi se forment les yeux, le coeur, l’estomac et enfin tout le corps, comme de grands hommes l’ont Écrit, cela est possible. Mais, comme l’expÉrience nous abandonne au milieu des ces subtilitÉs, je ne supposerai rien, regardant tout ce qui ne frappe pas mes sens comme un mystÈre impÉnÉtrable. Il est si rare que les deux semences se rencontrent dans le congrÈs, que je serais tentÉ de croire que la semence de la femme est inutile À la gÉnÉration.

Mais comment en expliquer les phÉnomÈnes, sans ce commode rapport de parties, qui rend si bien raison des ressemblances des enfants, tantÔt au pÈre, et tantÔt À la mÈre? D’un autre cÔtÉ, l’embarras d’une explication doit-elle contrebalancer un fait? Il me parait que c’est le mÂle qui fait tout, dans une femme qui dort, comme dans la plus lubrique. L’arrangement des parties serait donc fait de toute ÉternitÉ dans le germe, ou dans le ver mÊme de l’homme. Mais tout ceci est fort au-dessus de la portÉe des plus excellents observateurs. Comme ils n’y peuvent rien saisir, ils ne peuvent pas plus juger de la mÉcanique de la formation et du dÉveloppement des corps, qu’une taupe du chemin qu’un cerf peut parcourir.

Such is the uniformity of nature, which we are beginning to realize; and the analogy of the animal with the vegetable kingdom, of man with plant. Perhaps there even are animal plants, which in vegetating, either fight as polyps do, or perform other functions characteristic of animals....

Nous sommes de vraies taupes dans le champ de la nature; nous n’y faisons guÈres que le trajet de cet animal; et c’est notre orgueil qui donne des bornes À ce qui n’en a point. Nous sommes dans le cas d’une montre qui dirait: (un fabuliste en ferait un personnage de consÉquence dans un ouvrage frivole) “Quoi! c’est ce sot ouvrier qui m’a faite, moi qui divise le temps! moi qui marque si exactement le cours du soleil; moi qui rÉpÈte À haute voix les heures que j’indique! non, cela ne se peut pas.” Nous dÉdaignons de mÊme, ingrats que nous sommes, cette mÈre commune de tous les rÈgnes, comme parlent les chimistes. Nous imaginons ou plutÔt supposons une cause supÉrieure À celle À qui nous devons tout, et qui a vÉritablement tout fait d’une maniÈre inconcevable. Non, la matiÈre n’a rien de vil, qu’aux yeux grossiers qui la mÉconnaissent dans ses plus brillants ouvrages; et la nature n’est point une ouvriÈre bornÉe. Elle produit des millions d’hommes avec plus de facilitÉ et de plaisir, qu’un horloger n’a de peine À faire la montre la plus composÉe. Sa puissance Éclate Également et dans la production du plus vil insecte, et dans celle de l’homme le plus superbe; le rÈgne animal ne lui coÛte pas plus que le vÉgÉtal, ni le plus beau gÉnie qu’un Épi de blÉ. Jugeons donc par ce que nous voyons, de ce qui se dÉrobe À la curiositÉ de nos yeux et de nos recherches, et n’imaginons rien au delÀ. Suivons le singe, le castor, l’ÉlÉphant, etc., dans leurs opÉrations. S’il est Évident qu’elles ne peuvent se faire sans intelligence, pourquoi la refuser À ces animaux? et si vous leur accordez une Âme, fanatiques, vous Êtes perdus; vous aurez beau dire que vous ne dÉcidez point sur sa nature, tandis que vous lui Ôtez l’immortalitÉ; qui ne voit que c’est une assertion gratuite? qui ne voit qu’elle doit Être ou mortelle, ou immortelle, comme la nÔtre, dont elle doit subir le mÊme sort quel qu’il soit! et qu’ainsi c’est tomber dans Scilla pour vouloir Éviter Caribde?

We are veritable moles in the field of nature; we achieve little more than the mole’s journey and it is our pride which prescribes limits to the limitless. We are in the position of a watch that should say (a writer of fables would make the watch a hero in a silly tale): “I was never made by that fool of a workman, I who divide time, who mark so exactly the course of the sun, who repeat aloud the hours which I mark! No! that is impossible!” In the same way, we disdain, ungrateful wretches that we are, this common mother of all kingdoms, as the chemists say. We imagine, or rather we infer, a cause superior to that to which we owe all, and which truly has wrought all things in an inconceivable fashion. No; matter contains nothing base, except to the vulgar eyes which do not recognize her in her most splendid works; and nature is no stupid workman. She creates millions of men, with a facility and a pleasure more intense than the effort of a watchmaker in making the most complicated watch. Her power shines forth equally in creating the lowliest insect and in creating the most highly developed man; the animal kingdom costs her no more than the vegetable, and the most splendid genius no more than a blade of wheat. Let us then judge by what we see of that which is hidden from the curiosity of our eyes and of our investigations, and let us not imagine anything beyond. Let us observe the ape, the beaver, the elephant, etc., in their operations. If it is clear that these activities can not be performed without intelligence, why refuse intelligence to these animals? And if you grant them a soul, you are lost, you fanatics! You will in vain say that you assert nothing about the nature of the animal soul and that you deny its immortality. Who does not see that this is a gratuitous assertion; who does not see that the soul of an animal must be either mortal or immortal, whichever ours [is], and that it must therefore undergo the same fate as ours, whatever that may be, and that thus [in admitting that animals have souls], you fall into Scylla in the effort to avoid Charybdis?

Brisez la chaÎne de vos prÉjugÉs; armez-vous du flambeau de l’expÉrience et vous ferez À la nature l’honneur qu’elle mÉrite, au lieu de rien conclure À son dÉsavantage, de l’ignorance oÙ elle vous a laissÉ. Ouvrez les yeux seulement, et laissez-lÀ ce que vous ne pouvez comprendre; et vous verrez que ce laboureur dont l’esprit et les lumiÈres ne s’Étendent pas plus loin que les bords de son sillon, ne diffÈre point essentiellement du plus grand gÉnie, comme l’eÛt prouvÉ la dissection des cerveaux de Descartes et de Newton: vous serez persuadÉ que l’imbÉcile ou le stupide sont des bÊtes À figure humaine, comme le singe plein d’esprit est un petit homme sous une autre forme; et qu’enfin tout dÉpendant absolument de la diversitÉ de l’organisation, un animal bien construit, À qui on a appris l’astronomie, peut prÉdire une Éclipse, comme la guÉrison ou la mort, lorsqu’il a portÉ quelque temps du gÉnie et de bons yeux À l’École d’Hippocrate et au lit des malades. C’est par cette file d’observations et de vÉritÉs qu’on parvient À lier À la matiÈre l’admirable propriÉtÉ de penser, sans qu’on en puisse voir les liens, parce que le sujet de cet attribut nous est essentiellement inconnu.

Break the chain of your prejudices, arm yourselves with the torch of experience, and you will render to nature the honor she deserves, instead of inferring anything to her disadvantage, from the ignorance in which she has left you. Only open wide your eyes, only disregard what you can not understand, and you will see that the ploughman whose intelligence and ideas extend no further than the bounds of his furrow, does not differ essentially from the greatest genius,—a truth which the dissection of Descartes’s and of Newton’s brains would have proved; you will be persuaded that the imbecile and the fool are animals with human faces, as the intelligent ape is a little man in another shape; in short, you will learn that since everything depends absolutely on difference of organization, a well constructed animal which has studied astronomy, can predict an eclipse, as it can predict recovery or death when it has used its genius and its clearness of vision, for a time, in the school of Hippocrates and at the bedside of the sick. By this line of observations and truths, we come to connect the admirable power of thought with matter, without being able to see the links, because the subject of this attribute is essentially unknown to us.

Ne disons point que toute machine, ou tout animal, pÉrit tout-À-fait, ou prend une autre forme, aprÈs la mort; car nous n’en savons absolument rien. Mais assurer qu’une machine immortelle est une chimÈre, ou un Être de raison, c’est faire un raisonnement aussi absurde que celui que feraient des chenilles, qui, voyant les dÉpouilles de leurs semblables, dÉploreraient amÈrement le sort de leur espÈce qui leur semblerait s’anÉantir. L’Âme de ces insectes (car chaque animal a la sienne) est trop bornÉe pour comprendre les mÉtamorphoses de la nature. Jamais un seul des plus rusÉs d’entr’eux n’eÛt imaginÉ qu’il dÛt devenir papillon. Il en est de mÊme de nous. Que savons-nous plus de notre destinÉe, que de notre origine? Soumettons-nous donc À une ignorance invincible de laquelle notre bonheur dÉpend.

Let us not say that every machine or every animal perishes altogether or assumes another form after death, for we know absolutely nothing about the subject. On the other hand, to assert that an immortal machine is a chimera or a logical fiction, is to reason as absurdly as caterpillars would reason if, seeing the cast-off skins of their fellow-caterpillars, they should bitterly deplore the fate of their species, which to them would seem to come to nothing. The soul of these insects (for each animal has his own) is too limited to comprehend the metamorphoses of nature. Never one of the most skilful among them could have imagined that it was destined to become a butterfly. It is the same with us. What more do we know of our destiny than of our origin? Let us then submit to an invincible ignorance on which our happiness depends.

Qui pensera ainsi, sera sage, juste, tranquille sur son sort, et par consÉquent heureux. Il attendra la mort, sans la craindre, ni la dÉsirer; et chÉrissant la vie, comprenant À peine comment le dÉgoÛt vient corrompre un coeur dans ce lieu plein de dÉlices; plein de respect pour la nature, plein de reconnaissance, d’attachement et de tendresse, À proportion du sentiment et des bienfaits qu’il en a reÇus, heureux enfin de la sentir, et d’Être au charmant spectacle de l’univers, il ne le dÉtruira certainement jamais dans soi, ni dans les autres. Que dis-je! plein d’humanitÉ, il en aimera le caractÈre jusques dans ses ennemis. Jugez comme il traitera les autres! Il plaindra les vicieux, sans les haÏr; ce ne seront À ses yeux que des hommes contrefaits. Mais en faisant grÂce aux dÉfauts de la conformation de l’esprit et du corps, il n’en admirera pas moins leurs beautÉs et leurs vertus. Ceux que la nature aura favorisÉs lui paraÎtront mÉriter plus d’Égards que ceux qu’elle aura traitÉs en marÂtre. C’est ainsi qu’on a vu que les dons naturels, la source de tout ce qui s’acquiert, trouvent dans la bouche et le coeur du matÉrialiste des hommages que tout autre leur refuse injustement. Enfin le matÉrialiste convaincu, quoi que murmure sa propre vanitÉ, qu’il n’est qu’une machine, ou un animal, ne maltraitera point ses semblables; trop instruit sur la nature de ces actions, dont l’inhumanitÉ est toujours proportionnÉe au degrÉ d’analogie prouvÉe ci devant; et ne voulant pas en un mot, suivant la loi naturelle donnÉe À tous les animaux, faire À autrui ce qu’il ne voudrait pas qu’il lui fÎt.

He who so thinks will be wise, just, tranquil about his fate, and therefore happy. He will await death without either fear or desire, and will cherish life (hardly understanding how disgust can corrupt a heart in this place of many delights); he will be filled with reverence, gratitude, affection, and tenderness for nature, in proportion to his feeling of the benefits he has received from nature; he will be happy, in short, in feeling nature, and in being present at the enchanting spectacle of the universe, and he will surely never destroy nature either in himself or in others. More than that! Full of humanity, this man will love human character even in his enemies. Judge how he will treat others. He will pity the wicked without hating them; in his eyes, they will be but mis-made men. But in pardoning the faults of the structure of mind and body, he will none the less admire the beauties and the virtues of both. Those whom nature shall have favored will seem to him to deserve more respect than those whom she has treated in stepmotherly fashion. Thus, as we have seen, natural gifts, the source of all acquirements, gain from the lips and heart of the materialist, the homage which every other thinker unjustly refuses them. In short, the materialist, convinced, in spite of the protests of his vanity, that he is but a machine or an animal, will not maltreat his kind, for he will know too well the nature of those actions, whose humanity is always in proportion to the degree of the analogy proved above [between human beings and animals]; and following the natural law given to all animals, he will not wish to do to others what he would not wish them to do to him.

Concluons donc hardiment que l’homme est une machine; et qu’il n’y a dans tout l’univers qu’une seule substance diversement modifiÉe. Ce n’est point ici une hypothÈse ÉlevÉe À force de demandes et de suppositions: ce n’est point l’ouvrage du prÉjugÉ, ni mÊme de ma raison seule; j’eusse dÉdaignÉ un guide que je crois si peu sÛr, si mes sens portant, pour ainsi dire, le flambeau, ne m’eÛssent engagÉ À la suivre, en l’Éclairant. L’expÉrience m’a donc parlÉ pour la raison; c’est ainsi que je les ai jointes ensemble.

Let us then conclude boldly that man is a machine, and that in the whole universe there is but a single substance differently modified. This is no hypothesis set forth by dint of a number of postulates and assumptions; it is not the work of prejudice, nor even of my reason alone; I should have disdained a guide which I think to be so untrustworthy, had not my senses, bearing a torch, so to speak, induced me to follow reason by lighting the way themselves. Experience has thus spoken to me in behalf of reason; and in this way I have combined the two.

Mais on a dÛ voir que je ne me suis permis le raisonnement le plus rigoureux et le plus immÉdiatement tirÉ, qu’À la suite d’une multitude d’observations physiques qu’aucun savant ne contestera; et c’est encore eux seuls que je reconnais pour juges des consÉquences que j’en tire; rÉcusant ici tout homme À prÉjugÉs, et qui n’est ni anatomiste, ni au fait de la seule philosophie qui soit ici de mise, celle du corps humain. Que pourraient contre un chÊne aussi ferme et solide ces faibles roseaux de la thÉologie, de la mÉtaphysique et des Écoles; armes puÉriles, semblables aux fleurets de nos salles, qui peuvent bien donner le plaisir de l’escrime, mais jamais entamer son adversaire. Faut-il dire que je parle de ces idÉes creuses et triviales, de ces raisonnements rebattus et pitoyables, qu’on fera sur la prÉtendue incompatibilitÉ de deux substances qui se touchent et se remuent sans cesse l’une et l’autre, tant qu’il restera l’ombre du prÉjugÉ ou de la superstition sur la terre? VoilÀ mon systÈme, ou plutÔt la vÉritÉ, si je ne me trompe fort. Elle est courte et simple. Dispute À prÉsent qui voudra!

But it must have been noticed that I have not allowed myself even the most vigorous and immediately deduced reasoning, except as a result of a multitude of observations which no scholar will contest; and furthermore, I recognize only scholars as judges of the conclusions which I draw from the observations; and I hereby challenge every prejudiced man who is neither anatomist, nor acquainted with the only philosophy which can here be considered, that of the human body. Against so strong and solid an oak, what could the weak reeds of theology, of metaphysics, and of the schools, avail,—childish arms, like our parlor foils, that may well afford the pleasure of fencing, but can never wound an adversary. Need I say that I refer to the empty and trivial notions, to the pitiable and trite arguments that will be urged (as long as the shadow of prejudice or of superstition remains on earth) for the supposed incompatibility of two substances which meet and move each other unceasingly? Such is my system, or rather the truth, unless I am much deceived. It is short and simple. Dispute it now who will.


1 Il pÉche evidemment par une pÉtition de principe.?

2 L’histoire des animaux et des hommes prouve l’empire de la semence des pÈres sur l’esprit et le corps des enfants.?

3 L’auteur de l’Histoire naturelle de l’Âme etc.?

4 L’auteur de l’Hist. de l’Âme.?

5 Il y a encore aujourd’hui des peuples, qui, faute d’un plus grand nombre de signes, ne peuvent compter que jusqu’À 20.?

6 Dans un cercle, ou À table, il lui fallait toujours un rempart de chaises, ou quelqu’un dans son voisinage du cÔtÉ gauche, pour l’empÊcher de voir des abÎmes Épouvantables dans lesquels il craignait quelquefois de tomber, quelque connaissance qu’il eut de ces illusions. Quel effrayant effet de l’imagination, ou d’une singuliÈre circulation dans un lobe du cerveau! Grand homme d’un cÔtÉ, il Était À moitiÉ fou de l’autre. La folie et la sagesse avaient chacun leur dÉpartement, ou leur lobe, sÉparÉ par la faux. De quel cÔtÉ tenait-il si fort À Mrs. de Port-Royal? J’ai lu ce fait dans un extrait du traitÉ du vertige de Mr. de la Mettrie.?

7 Au moins par les vaisseaux. Est-il sÛr qu’il n’y en a point par les nerfs??

8 Haller dans les Transact. Philosoph.?

9 Boerhaave, Inst. Med. et tant d’autres.?


1 He evidently errs by begging the question.?

2 The history of animals and of men proves how the mind and the body of children are dominated by their inheritance from their fathers.?

3 The author of “The Natural History of the Soul.”?

4 The author of “The History of the Soul.”?

5 There are peoples, even to-day, who, through lack of a greater number of signs, can count only to 20.?

6 In a company, or at table, he always required a rampart of chairs or else some one close to him at the left, to prevent his seeing horrible abysses into which (in spite of his understanding these illusions) he sometimes feared that he might fall. What a frightful result of imagination, or of the peculiar circulation in a lobe of the brain! Great man on one side of his nature, on the other he was half-mad. Madness and wisdom, each had its compartment, or its lobe, the two separated by a fissure. Which was the side by which he was so strongly attached to Messieurs of Port Royal? (I have read this in an extract from the treatise on vertigo by M. de la Mettrie.)?

7 Haller in the Transact. Philosoph.?

                                                                                                                                                                                                                                                                                                           

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