UN CONTE DE MA MERE L'OIE. [27]

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Dans une contrÉe traversÉe par le Danube il y avait une fois un roi qui se trouva forcÉ, peu de temps aprÈs son mariage, de quitter la reine, sa femme, et de partir pour la guerre. Son absence fut longue, trÈs longue, et la reine attendait son retour avec impatience. Elle voulait lui montrer son fils qu'il n'avait jamais vu, car l'enfant Était nÉ aprÈs son dÉpart.

C'Était dans les temps oÙ il n'y avait ni poste, ni tÉlÉphone, ni tÉlÉgraphe, ni chemins de fer, ni bateaux À vapeur, et la pauvre reine n'avait pas de nouvelles de son mari, et le roi n'avait pas de nouvelles de sa femme. Enfin la guerre fut terminÉe, et le roi se mit en route pour son royaume. Un jour il se trouva en grand danger de pÉrir dans un torrent, et il dit:

"Oh! ma chÈre femme, je vais pÉrir ici, sans vous revoir!"

Un corbeau arriva et dit: "Roi, promettez-moi que vous me donnerez la chose que vous avez de plus chÈre au monde, mais que vous ne connaissez pas, et je vous sauverai."

Le roi pensa; "La chose qui m'est la plus chÈre au monde c'est, sans doute, ma femme. Pour le plaisir de revoir ma femme, je donnerais volontiers une chose que je ne connais pas!"

Le roi accepta donc la proposition du corbeau, qui dit: "Je suis gÉnÉreux, Ô mon roi, et je vous laisserai cette chose pendant sept ans avant de la rÉclamer."

Le corbeau sauva donc le roi, qui arriva À la maison, oÙ il vit la reine, et oÙ sa surprise fut grande de trouver un joli petit enfant, qui Était son fils. Mais son chagrin fut presqu'aussi grand que sa surprise, quand il pensa À la promesse qu'il avait faite au corbeau.

Le temps passa vite, trop vite, et quand le petit garÇon eut sept ans, le corbeau arriva, et disparut aussitÔt avec l'enfant royal.

Le corbeau transporta le petit prince dans une vallÉe profonde, inconnue, solitaire, et le donna À un pauvre homme qui demeurait lÀ avec sa femme et sa petite fille, qui n'avait que cinq ans, mais qui Était trÈs avisÉe.

Les deux enfants Étaient trÈs heureux ensemble. Le pÈre et la petite fille aimaient beaucoup le petit prince, mais la mÈre ne l'aimait pas, et elle le maltraitait beaucoup, car elle Était mÉchante et un peu sorciÈre.

Un jour cette femme dit À son mari: "Jean est trop avisÉ; il faut nous dÉbarrasser de lui."

L'homme protesta en vain; la femme appela Jean, et dit: "Jean, vous Êtes grand maintenant, mais vous ne travaillez pas assez. Il faut que vous abattiez cette forÊt, d'ici À demain, et que vous bÂtissiez un pont qui chantera quand je passerai dessus."

Le pauvre Jean Était trÈs triste. Il appela sa petite amie Catherine, et dit: "Catherine, votre mÈre est bien cruelle! Elle dit qu'il faut que j'abatte la forÊt, d'ici À demain, et que je bÂtisse un pont qui chantera quand elle passera dessus."

"Oh!" dit la petite Catherine; "allez vous coucher, mon cher Jean. Cette tÂche n'est pas difficile. Je vous aiderai, mais faites bien attention de ne pas boire le lait que ma mÈre vous donnera demain matin."

Jean alla se coucher tranquillement, et la petite fille, qui Était un peu sorciÈre aussi, courut À la forÊt, Évoqua les esprits, leur commanda d'abattre la forÊt et de bÂtir un pont qui chanterait quand sa mÈre passerait dessus.

Le lendemain matin Jean se prÉsenta devant la femme, et dit: "C'est fait!"

"Ah! trÈs-bien, mon bon enfant; voici du lait; buvez-le," dit la femme. Mais Jean, qui n'avait pas oubliÉ la recommandation de Catherine, ne but pas le lait.

La femme Était fÂchÉe, et elle dit À son mari: "Mon mari, Jean est trop avisÉ; il faut nous dÉbarrasser de lui."

L'homme, qui aimait Jean, protesta, mais en vain, et la femme dit À Jean:

"Cette nuit vous irez dans l'Écurie, oÙ vous trouverez six chevaux. Sellez et bridez ces chevaux, et faites-les trotter."

Jean Était trÈs content parce qu'il croyait (pensait) que c'Était trÈs facile, mais Catherine dit: "Jean, ce n'est pas facile, car un de ces chevaux est ma mÈre elle-mÊme. Mais si vous prenez ces six brides magiques, la chose sera facile."

Jean prit les brides que Catherine lui donna; il brida et sella les six chevaux, il les fit trotter toute la nuit, et avant de rentrer il les conduisit À la forge oÙ il les fit ferrer.

Le lendemain matin quand la mÉchante femme se rÉveilla, elle poussa des cris terribles, car elle avait des fers aux mains et aux pieds. Elle Était furieuse, et elle dit avec rage: "Ce misÉrable Jean pÉrira, ce misÉrable pÉrira!"

Catherine, en entendant ces menaces, dit À Jean:

"Partons, fuyons, ma mÈre est furieuse. Si nous restons ici, elle nous tuera tous les deux!"

Avant de partir Catherine s'arracha trois cils. Elle jeta un cil dans la chambre, elle jeta un autre cil dans la cuisine, et elle jeta le troisiÈme cil sur le perron.

Quelques minutes aprÈs le dÉpart de Jean et de Catherine, la mÈre cria: "Catherine, ma fille, que faites-vous?"

Le premier cil, que Catherine avait jetÉ dans la chambre, rÉpondit aussitÔt: "Ma mÈre, je suis trÈs occupÉe, je fais le lit."

Une deuxiÈme fois la mÈre demanda: "Que faites-vous donc, Catherine, ma fille?"

Le deuxiÈme cil rÉpondit: "Maman, je fais la cuisine."

Enfin la mÈre cria une troisiÈme fois: "Catherine, que faites-vous donc?"

"Ma mÈre, je balaie le perron!" rÉpondit le troisiÈme cil.

Les deux fugitifs Étaient dÉjÀ loin quand la mÈre s'aperÇut de leur fuite. Elle ne pouvait pas les poursuivre, car elle avait des fers aux mains et aux pieds, mais elle dit À son mari: "Allez chercher les enfants; ils sont partis."

L'homme obÉit; il poursuivit les enfants.

Catherine s'arrÊta tout À coup Écouta attentivement, et dit À Jean:

"Jean, mon pÈre arrive. Je vais me changer en un champ de blÉ; vous serez le gardien du champ!"

Quand les deux enfants furent dÉguisÉs ainsi, le pÈre arriva. Il ne reconnut pas Jean, et dit: "Gardien, avez-vous vu passer un jeune homme et une jeune fille?"

"Oui," dit le gardien, "je les ai vus passer quand on semait ce champ de blÉ!"

Alors le pÈre courut plus vite. Quand il fut parti, Jean et Catherine reprirent leur forme naturelle et continuÈrent leur fuite. Mais bientÔt le pÈre s'approcha d'eux une seconde fois, et Catherine dit À Jean: "Vite, vite, Jean, changez-vous en prÊtre; je serai l'Église, et mon pÈre ne nous trouvera pas."

Le pÈre arriva aussitÔt que le dÉguisement eut ÉtÉ accompli. Il s'adressa au prÊtre, et dit: "Avez-vous vu passer un jeune homme et une jeune fille?"

"Oui!" rÉpondit le prÊtre, "je les ai vus passer quand on bÂtissait cette Église!"

L'homme, fatiguÉ et dÉcouragÉ, abandonna la poursuite. Mais la mÈre, qui avait soif de vengeance, monta sur un manche À balai et partit rapide comme l'Éclair.

Catherine dit À Jean: "J'entends ma mÈre qui arrive. Changez-vous en Étang; je me changerai en canard." La mÈre arriva. Elle s'aperÇut de la mÉtamorphose, et elle ne pensa qu'À punir les enfants. Elle commenÇa donc À boire l'eau, mais elle but si avidement qu'elle mourut.

Alors Jean et Catherine continuÈrent leur route. Ils arrivÈrent dans une forÊt, oÙ ils rencontrÈrent le roi et toute sa cour À la chasse. Le roi regarda le jeune homme et la jeune fille. Il les questionna, et bientÔt il reconnut son fils, et l'embrassa avec des transports de joie.

Le jeune prince finit par Épouser la jolie Catherine, qui continua À l'aider comme par le passÉ, et ils furent toujours trÈs heureux.


                                                                                                                                                                                                                                                                                                           

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