LE BERGER ET LE DRAGON. [23]

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Il y avait une fois un berger qui gardait ses moutons sur la montagne. C'Était en automne, au temps oÙ les serpents vont dormir dans la terre, et le berger en entendant un petit bruit, leva la tÊte pour voir quelle en Était la cause.

Il vit un grand nombre de serpents qui en arrivant prÈs d'un certain rocher le touchaient d'une herbe qu'ils tenaient À la bouche. Au moment oÙ l'herbe touchait le rocher, le rocher s'ouvrait, et les serpents entraient ainsi, l'un aprÈs l'autre, dans la montagne.

Le berger appela son chien; il lui confia les moutons, et cueillant un brin d'herbe il toucha le rocher, qui s'ouvrit. Le berger entra dans une grotte, dont les murs Étaient couverts d'or, d'argent et de pierres prÉcieuses. Au centre de la grotte il y avait un trÔne, et sur ce trÔne il y avait un serpent immense. Tous les autres serpents groupÉs autour de lui dormaient comme lui.

Le berger examina la grotte, regarda les serpents, et quand il eut tout vu il dit: "C'est assez maintenant," et voulut partir. Mais le rocher Était fermÉ, et comme il ne pouvait pas sortir il s'enveloppa dans son manteau, se coucha À terre, et dormit comme les serpents.

Il se rÉveilla seulement quand il entendit un bruit Étrange, et quand il ouvrit les yeux il vit que tous les serpents Étaient rÉveillÉs. Ils Étaient groupÉs autour du trÔne, et ils demandaient tous À la fois:

"Est-il temps, Ô mon roi, est-il temps?"

Le roi des serpents resta immobile encore quelques minutes, puis il dit:

"Il est temps!" En disant ces mots il descendit de son trÔne, et se dirigea vers le rocher, suivi de tous les autres serpents. ArrivÉ au rocher, le roi le toucha. Le rocher s'ouvrit; les serpents sortirent tous, suivis de leur roi. Mais quand le berger voulut sortir aussi, le rocher se referma.

"Roi des serpents, laissez-moi sortir!" cria le berger de toutes ses forces.

"Non, non," dit le roi; "restez-lÀ, mon ami."

"Mais, j'ai assez dormi!" dit le berger. "Mon troupeau m'attend; laissez-moi sortir."

"Je vous laisserai sortir seulement À condition que vous juriez solennellement que vous ne rÉvÈlerez À personne oÙ vous avez dormi, ni comment vous Êtes entrÉ dans la grotte aux serpents!" dit le roi.

Le berger jura trois fois, le rocher s'ouvrit, et il se trouva sur la montagne. Mais quel changement! Ce n'Était plus l'automne, c'Était le printemps! Le berger pensa À sa femme, et descendit la montagne aussi vite que possible, car il avait peur d'Être grondÉ parce qu'il Était restÉ si longtemps absent.

Quand il arriva prÈs de la maison il vit un monsieur À la porte, et il entendit qu'il disait À la femme:

"Ma bonne femme, votre mari est-il chez lui?"

"Mais non, monsieur," rÉpondit la femme.

"Il est parti pour la montagne l'automne dernier, et comme il n'est pas revenu, je crains (j'ai peur) que les loups ne l'aient mangÉ." Et elle commenÇa À pleurer.

"Les loups ne m'ont pas mangÉ!" cria le berger. "Me voilÀ."

Quand la femme vit le berger, elle cessa de pleurer, et dit:

"Eh bien, paresseux, oÙ avez-vous ÉtÉ tout l'hiver?"

L'homme, n'osant dire la vÉritÉ, rÉpondit: "J'ai ÉtÉ dans le parc aux moutons oÙ j'ai dormi tout l'hiver!"

"ImbÉcile," dit la femme, en colÈre.

Le beau monsieur dit: "Allons donc, berger, ce n'est pas vrai, ce que vous dites lÀ. Si vous me dites oÙ vous avez passÉ l'hiver, je vous donnerai une grande somme d'argent."

TourmentÉ par sa femme et par le beau monsieur, le berger raconta enfin tout ce qui lui Était arrivÉ. Le beau monsieur, qui Était magicien, le forÇa alors À le conduire À la montagne, et À ouvrir le rocher en le touchant avec l'herbe merveilleuse. Quand le rocher fut ouvert, le magicien prit son livre et commenÇa À lire. Tout À coup on entendit un bruit terrible, et un dragon sortit.

Ce dragon Était le vieux serpent, le roi. Il Était furieux contre le berger, qui avait rÉvÉlÉ le secret de la grotte aux serpents. Le magicien donna vite une corde au berger, en disant: "Jetez-lui ce licol au cou!"

Le pauvre berger obÉit malgrÉ lui, et tout À coup il se trouva assis sur le dos du dragon, qui volait rapidement par-dessus les montagnes et les mers. Le pauvre berger Était trÈs effrayÉ, car le dragon allait toujours plus vite, et montait toujours plus haut. Enfin le berger aperÇut une petite alouette, et lui cria:

"Alouette, chÈre petite alouette, oiseau cher À Dieu, allez, je vous en prie, auprÈs du PÈre cÉleste; racontez-lui mes peines. Dites-lui qu'un pauvre berger lui souhaite le bonjour, et qu'il le prie de le secourir."

L'alouette fit la commission du berger. Le PÈre Éternel eut compassion du pauvre homme; il Écrivit un mot, en lettres d'or, sur une feuille qu'il cueillit d'un arbre dans le Paradis. Il donna cette feuille À l'alouette, et lui ordonna de la laisser tomber sur la tÊte du dragon.

L'alouette s'envola, laissa tomber la feuille sur la tÊte du dragon, et À l'instant mÊme le dragon et le berger tombÈrent À terre. Quand le berger revint À lui, il vit qu'il Était sur la montagne, et au bout de quelques minutes il s'aperÇut qu'il avait eu un mauvais rÊve, car son chien Était À cÔtÉ de lui, les moutons autour de lui, et c'Était en automne tout comme quand il s'Était endormi quelques heures avant.


                                                                                                                                                                                                                                                                                                           

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