ANDRE THEURIET BRUNETTE

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Voici qu'avril est de retour,
Mais le soleil n'est plus le mÊme,
Ni le printemps, depuis le jour
OÙ j'ai perdu celle que j'aime.

Je m'en suis allÉ par les bois.
La forÊt verte Était si pleine,
Si pleine des fleurs d'autrefois,
Que j'ai senti grandir ma peine.

J'ai dit aux beaux muguets tremblants:
"N'avez-vous pas vu ma mignonne?"
J'ai dit aux ramiers roucoulants:
"N'avez-vous rencontrÉ personne?"

Mais les ramiers sont restÉs sourds,
Et sourde aussi la fleur nouvelle,
Et depuis je cherche toujours
Le chemin qu'a pris l'infidÈle.

L'amour, l'amour qu'on aime tant,
Est comme une montagne haute:
On la monte tout en chantant,
On pleure en descendant la cÔte.

LES PAYSANS

Le village s'Éveille À la corne du pÂtre;
Les bÊtes et les gens sortent de leur logis;
On les voit cheminer sous le brouillard bleuÂtre,
Dans le frisson mouillÉ des alisiers rougis.

Par les sentiers pierreux et les branches froissÉes,
Coupeurs de bois, faucheurs de foin, semeurs de blÉ,
Ruminant lourdement de confuses pensÉes,
Marchent, le front courbÉ sur leur poitrail hÂlÉ.

La besogne des champs est rude et solitaire:
De la blancheur de l'aube À l'obscure lueur
Du soir tombant, il faut se battre avec la terre
Et laisser sur chaque herbe un peu de sa sueur.

Paysans, race antique À la glÈbe asservie,
Le soleil cuit vos reins, le froid tord vos genoux;
Pourtant si l'on pouvait recommencer sa vie,
FrÈres, je voudrais naÎtre et grandir parmi vous!

PÉtri de votre sang, nourri dans un village,
Respirant des odeurs d'Étable et de fenil,
Et courant en plein air comme un poulain sauvage
Qui se vautre et bondit dans les pousses d'avril,

J'aurais en moi peut-Être alors assez de sÈve,
Assez de flamme au coeur et d'Énergie au corps,
Pour chanter dignement le monde qui s'ÉlÈve
Et dont vous serez, vous, les maÎtres durs et forts.

Car votre rÈgne arrive, Ô paysans de France;
Le penseur voit monter vos flots lointains encor,
Comme on voit s'Éveiller dans une plaine immense
L'ondulation calme et lente des blÉs d'or.

L'avenir est À vous, car vous vivez sans cesse
AccouplÉs À la terre, et sur son large sein
Vous buvez À longs traits la force et la jeunesse
Dans un embrassement laborieux et sain.

Le vieux monde se meurt. Dans les plus nobles veines
Le sang bleu des aÏeux, appauvri, s'est figÉ,
Et le prestige ancien des races souveraines
Comme un soleil mourant dans l'ombre s'est plongÉ.

L'avenir est À vous!… Nos Écoles sont pleines
De fils de vignerons et de fils de fermiers;
TrempÉs dans l'air des bois et les eaux des fontaines,
Ils sont partout en nombre et partout les premiers.

Salut! Vous arrivez, nous partons. Vos fenÊtres
S'ouvrent sur le plein jour, les nÔtres sur la nuit….
Ne nous imitez pas, quand vous serez nos maÎtres,
Demeurez dans vos champs oÙ le grand soleil luit….

Ne reniez jamais vos humbles origines,
Soyez comme le chÊne au tronc noueux et dur;
Dans la terre enfoncez vaillamment vos racines,
Tandis que vos rameaux verdissent dans l'azur.

Car la terre qui fait mÛrir les moissons blondes
Et dans les pampres verts monter l'Âme du vin,
La terre est la nourrice aux mamelles fÉcondes;
Celui-lÀ seul est fort qui boit son lait divin.

Pour avoir dÉdaignÉ ses rudes embrassades,
Nous n'avons plus aux mains qu'un lambeau de pouvoir,
Et, pareils dÉsormais À des enfants malades,
Ayant peur d'obÉir et n'osant plus vouloir,

Nous attendons, tremblants et la mine effarÉe,
L'heure oÙ vous tous, bouviers, laboureurs, vignerons,
Vous Épandrez partout comme un ras de marÉe
Vos flots victorieux oÙ nous disparaÎtrons.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                           

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